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Congrès et symposiums

Publié le 31 mai 2016Lecture 7 min

Physiopathologie de l’infarctus du myocarde, quelle place pour l’ischémie-reperfusion ?

B. LATTUCA*, F. ROUBILLE**, *Département de cardiologie, CHU Caremeau, Nîmes, **Unité de soins intensifs cardiologiques, CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier


Printemps de la cardiologie
L’infarctus du myocarde repose sur une définition clinique qui associe la preuve d’une nécrose myocardique et un contexte clinique compatible avec une ischémie myocardique aiguë. Cette dernière répond à plusieurs critères : une douleur thoracique constrictive typique, une élévation et/ou une cinétique des biomarqueurs cardiaques, une nouvelle (ou présumée nouvelle) modification électrique, une preuve d'imagerie d’une nouvelle perte de myocarde viable ou d’anomalie de la mobilité de la paroi myocardique ou l’identification d'un thrombus intracoronaire (angiographie/autopsie)(1). Dans la grande majorité des cas, la déstabilisation de la maladie est secondaire à une rupture de plaque athérosclérotique compliquée d’un thrombus intraluminal dont la conséquence est l’obstruction de l’artère, l’arrêt de l’écoulement sanguin et l’inadéquation brutale entre besoins et apports en oxygène.

Les lésions de reperfusion   L’infarctus du myocarde reste un réel problème de santé publique avec une morbi-mortalité significative malgré l’optimisation thérapeutique, la généralisation des unités de soins intensifs et la place grandissante de l’angioplastie primaire(2). Par ailleurs, le pronostic des patients est étroitement lié à la taille de l’infarctus secondaire à la durée de l’occlusion coronaire initiale(3). Une prise en charge précoce et une reperfusion la plus rapide possible occupent donc une place primordiale dans la survie et l’évolution de ces patients. Cependant, bien que la reperfusion ait de nombreux effets bénéfiques en limitant tout particulièrement le processus d’ischémie et en rétablissant l’apport en oxygène, elle entraîne incontournablement des effets délétères appelés lésions de reperfusion. La taille de l’infarctus dépend donc de la durée de l’is chémie initiale, de la rapidité et de la qualité de la reperfusion mais aussi de ces lésions surajoutées au moment de la reperfusion (figure 1). Elles peuvent être définies par une conséquence métabolique, fonctionnelle et structurelle du rétablissement de la circulation coronaire et agissent à deux niveaux, cellulaire et moléculaire. Figure 1. Évolution de la taille de l’infarctus après reperfusion coronaire et définition des lésions d’ischémie-reperfusion. Au niveau cellulaire (figure 2, d’après(4)) Figure 2. Implication des voies cellulaires dans les lésions d’ischémie-reperfusion (ROS : Reactive Oxygen Species = espèces réactives de l’oxygène). Après un infarctus du myocarde, la reperfusion induit deux phénomènes parallèles, nécrose et apoptose, avec l’implication de plusieurs populations cellulaires, et tout particulièrement les cardiomyocytes et les cellules endothéliales. Plusieurs voies de signalisation sont mises en jeu, aboutissant à l’activation de cellules inflammatoires telles que les macrophages dont le résultat est l’activation d’un processus d’inflammation, de fibrose myocardique et de remodelage ventriculaire à plus long terme. En outre, les cellules endothéliales occupent un rôle central du fait de leur implication dans plusieurs voies de signalisation intriquées, de leur rôle dans la régulation paracrine et dans les voies pro-inflammatoires. Au total, les mécanismes induisant les lésions d’ischémie/reperfusion sont nombreux bien qu’encore incomplètement décrits mais impliquent des relations entre plusieurs populations cellulaires et des voies de signalisation différentes aboutissant à une réaction inflammatoire locale et générale associée à un phénomène d’apoptose.   Au niveau moléculaire (figure 3) Figure 3. Implication de mécanismes moléculaires dans les lésions d’ischémie-reperfusion. L’occlusion coronaire initiale entraîne de multiples mécanismes pouvant être délétères et responsables d’une dysfonction endothéliale et d’une nécrose myocardique. En plus de la qualité du flux coronaire récupéré grâce à la reperfusion instrumentale et des possibilités d’embolisation distale, participent plusieurs mécanismes, à savoir une surcharge calcique intracellulaire en grande partie secondaire à l’ouverture d’un canal protéique mitochondrial appelé pore de transition membranaire, une libération importante d’espèces réactives de l’oxygène, une variation du pH ainsi que l’activation de voies de l’inflammation médiée par les neutrophiles. Il s’en suit de nombreuses manifestations cliniques telles que le no reflow responsable d’une reperfusion incomplète et d’une taille d’infarctus augmentée, une sidération myocardique et les signes d’insuffisance cardiaque qui peuvent s’y associer ou encore des troubles du rythme ventriculaire qui grèvent le pronostic des patients.   Stratégies thérapeutiques   Pour limiter l’impact des lésions de reperfusion décrites précédemment, de nombreuses stratégies ont été testées aussi bien instrumentales que pharmacologiques.   Cardioprotection instrumentale Le préconditionnement ischémique a été défini par Murry en 1986 sur un modèle animal(5). Il e lcorrespond à l’alternance de courtes séquences d’ischémie et de reperfusion d’une minute, chacune en amont d’une ischémie prolongée, et est associée à une diminution significative de la taille d’infarctus. Au-delà des modèles expérimentaux, cette stratégie apparaissait peu pertinente en pratique clinique : son application en amont de la période d’ischémie est par définition imprévisible en dehors de la chirurgie cardiaque (dont le clampage aortique représente un temps d’ischémie myocardique prédéfini). Ce concept a secondairement évolué et a été proposé par d’autres équipes dans l’optique d’une application clinique plus large avec la réalisation de ces séquences alternées d’ischémie et de reperfusion au décours de l’ischémie et donc tout à fait applicable lors de la prise en charge de l’infarctus du myocarde(6). Les modèles animaux ont rapidement été très encourageants avec une diminution nette de la taille d’infarctus et la faisabilité de la translation en clinique a pu être démontrée tout d’abord par Staat et coll. en 2005(7) avec une diminution significative du taux de CPK après l’alternance de courtes séquences de gonflage/dégonflage intracoronaire du ballon d’angioplastie au moment de la reperfusion. Secondairement, le bénéfice à plus long terme semblait intéressant avec le maintien de cet effet bénéfique représenté par une amélioration de la FEVG à 6 mois(8). Cette stratégie est d’autant plus séduisante qu’il s’agit d’une activation de mécanismes physiologiques endogènes de protection. Bien que de très nombreux essais soient actuellement en cours(9) avec des critères de jugement variables associant biologie et imagerie, l’évaluation d’événements cliniques reste cependant très rare et la place du postconditionnement ischémique apparaît encore très limitée dans la pratique quotidienne. Enfin, toujours dans une perspective de translation clinique avec une stratégie la plus simple possible, il a secondairement été démontré que l’application de ces séquences d’ischémie et de reperfusion pouvaient mettre en jeu les différentes voies de signalisation et de survie décrites précédemment, quel que soit l’organe souffrant de l’ischémie. Ainsi, le concept du conditionnement ischémique à distance était né et la première application clinique a été publiée en 2010(10) montrant une diminution de la taille d’infarctus évaluée par IRM cardiaque chez les patients bénéficiant de l’alternance gonflement/dégonflement d’un brassard à tension au niveau du bras pendant le transport préhospitalier avant la reperfusion par angioplastie coronaire.   Cardioprotection pharmacologique Parallèlement, plusieurs stratégies de cardioprotection pharmacologique se sont développées dans l’optique de trouver une ou plusieurs molécules capables de limiter la taille d’infarctus après une occlusion coronaire aiguë. De nombreux candidats ont été proposés avec deux grandes voies d’action : la stimulation des voies de survie avec un rôle central de la PI3Kinase et une inhibition du pore de transition membranaire mitochondrial(11). La ciclosporine est celle qui a suscité le plus d’espoir avec une preuve de concept en 2008 montrant la diminution de la taille d’infarctus évaluée sur les courbes de CPK et par l’IRM(12,13). L’étude internationale CIRCUS est une étude largement française sous l’impulsion de l’équipe du Pr Ovize(14). Cet essai a tenté de confirmer les résultats précédents avec l’inclusion de 972 patients pris en charge pour un infarctus antérieur secondaire à une occlusion aiguë de l’IVA et randomisés en 2 groupes avec l’injection au moment de la reperfusion soit d’un placebo soit de ciclosporine avec une procédure et un traitement répondant par ailleurs aux recommandations en vigueur. Malgré une population comparable dans les 2 groupes, les résultats apparaissent décevants avec aucune efficacité de la ciclosporine et l’absence de différence sur les critères cliniques évalués qui associaient toute cause de mortalité, hospitalisation pour insuffisance cardiaque et évaluation du remodelage ventriculaire à 12 mois. L’analyse des sousgroupes n’a pas non plus révélé de différence d’efficacité. De même, la translation clinique a été rendue difficile pour de nombreux autres candidats tels que l’EPO injectée au moment de la reperfusion avec des résultats discordants et décevants sur les événements cliniques majeurs(15,16). Malgré des données expérimentales prometteuses prouvées par de nombreuses études, l’application clinique de la cardioprotection reste ainsi complexe compte tenu de nombreux facteurs confondants lors de la translation à l’homme. Le traitement médical optimisé avec les nouvelles molécules antithrombotiques en particulier rend difficile la diminution de la taille d’infarctus en comparaison aux espèces animales où peut être étudiée et homogénéisée la cardioprotection pharmacologique en dehors de tout traitement. D’autre part, le post-conditionnement instrumental ne peut être uniforme du fait de présentations cliniques souvent différentes faisant intervenir la durée de la douleur parfois intermittente, une hypothermie associée ou encore une reperfusion dont la qualité ne peut être complètement contrôlée et fait intervenir de nombreuses variables médicamenteuses et techniques non étudiées dans les modèles expérimentaux telles que la thromboaspiration.    Conclusion   La reperfusion coronaire est indispensable en phase aiguë pour limiter la taille d’infarctus et améliorer le pronostic à long terme. La reperfusion est cependant un phénomène ambivalent et induit nécessairement des effets délétères associés à une augmentation de la taille d’infarctus. Les mécanismes à l’origine de ces lésions d’ischémiereperfusion sont multifactoriels et impliquent des voies cellulaires et moléculaires avec un rôle central de la mitochondrie. La cardioprotection est une stratégie instrumentale ou pharmacologique dont l’objectif est la réduction des lésions d’ischémie-reperfusion. Les applications cliniques restent encore limitées avec de nombreux candidats mais aucun réel élu bien que de nombreuses molécules soient en cours d’évaluation.

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