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Thérapeutique

Publié le 13 juin 2016Lecture 6 min

Place de l’orthèse d’avancée mandibulaire dans la prise en charge des apnées du sommeil

Y. MUTEL, Bordeaux

L’éventail thérapeutique du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) n’est pas très large. En fonction de l’étiologie et du degré de sévérité, le choix se portera sur la PPC, l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM), la chirurgie maxillo-faciale (CMF) et/ou la prise en charge hygiéno-diététique.
L’OAM (figure 1) est un dispositif dentaire destiné à maintenir la mandibule en position propulsée pendant le sommeil, afin d’élargir le diamètre de l’oropharynx. Sa mise en œuvre suppose la collaboration entre un médecin prescripteur spécialiste du sommeil et un praticien dentaire (dentiste ou orthodontiste) formé à la pratique de l’OAM et possédant un minimum de connaissances sur le sommeil et les troubles ventilatoires du sommeil.

Figure 1. Propulsion mandibulaire. La taille des biellettes latérales détermine le degré d’avancée mandibulaire. Indications   Les dernières recommandations en date de la HAS stipulent : - IAH ≥ 30, ou bien 15 ≤ IAH ≤ 30 en présence d’un sommeil déstructuré (IME ≥ 10) et/ou d’une maladie cardio-vasculaire grave (HTA résistante, fibrillation auriculaire récidivante, insuffisance ventriculaire gauche sévère, maladie coronaire mal contrôlée, antécédent d’AVC) : OAM uniquement en deuxième intention en cas de refus ou d’intolérance à la PPC. - 15 ≤ IAH ≤ 30 en l’absence de maladie cardio-vasculaire grave et avec un IME < 10 : OAM en première intention. Pour ce qui est des enfants apnéiques, il faut savoir que s’il n’existe pas de contre-indications morphologiques à la PPC, en revanche seuls les rétrognathes mandibulaires authentiques peuvent bénéficier d’une OAM, qui n’est en fait qu’un modèle de propulseur mandibulaire parmi beaucoup d’autres.   Classification des OAM   Les OAM non titrables sont aujourd’hui obsolètes. Propulsion mandibulaire et titrabilité sont donc les deux dénominateurs communs à toute OAM, quelle que soit sa conception ou sa forme. On peut actuellement classer les OAM en deux grandes catégories : - les orthèses sur mesure (figures 2 et 3), réalisées en laboratoire à partir des empreintes des arcades dentaires du patient et des directives du praticien dentaire. Selon que les deux gouttières maxillaire et mandibulaire sont dissociables verticalement ou non, on parle d’orthèse bibloc ou d’orthèse monobloc ; - les orthèses d’essai ou orthèses test (figure 4), provenant du commerce, plus rudimentaires, mais permettant sur une durée courte (6 mois maximum) de jauger l’efficacité de la propulsion mandibulaire sur le syndrome obstructif avant de passer à une orthèse sur mesure. Figure 2. OAM monobloc sur mesure titrable grâce au vérin latéral. Figure 3. OAM bibloc sur mesure titrable Somnodent®. Figure 4. OAM test monobloc Bluepro®. Mode d’action   Lorsqu’elle est bien acceptée et tolérée, la PPC est presque toujours efficace car, bien titrée ou mieux, auto-pilotée, elle force obligatoirement le passage du site obstructif. L’OAM agit de manière inverse : en avançant la mandibule, elle contribue à augmenter le diamètre des voies aériennes supérieures (VAS) pour libérer le passage du flux inspiratoire (figure 5). Cela explique pourquoi l’efficacité du traitement est plus aléatoire avec l’OAM qu’avec la PPC (d’où les recommandations de la HAS), et plus au cas par cas (d’où l’intérêt des orthèses test). Figure 5. Objectivation de l’augmentation du diamètre antéro-postérieur des VAS et de l’avancée du menton par une OAM : en rouge, IRM sans OAM, en vert avec l’OAM (selon B. Fleury). Mise en œuvre   La collaboration entre le prescripteur et le praticien dentaire doit se faire dans le strict respect de la bonne chronologie des actes (figure 6). Figure 6. Synopsis de la chronologie interdisciplinaire : en rouge, le médecin prescripteur ; en vert et bleu, le praticien dentaire. Le praticien dentaire va réaliser l’OAM en respectant lui-même la chronologie des étapes suivantes : Détermination des éventuelles contre-indications locales de l’OAM : - dentaires : mauvaise répartition des dents ou nombre insuffisant, nécessité de soins conservateurs et/ou de restaurations prothétiques etc. (figure 7) ; - parodontales : les gingivites doivent toujours être traitées au préalable. Les parodontites chroniques ne sont pas une contre-indication si elles sont modérées et stabilisées, sinon leur traitement préalable s’avère obligatoire. Il faut savoir que les contre-indications parodontales sont de loin les plus fréquentes (plus de 70 %) ; - articulaires : les lésions périarticulaires des ATM (articulations temporo-mandibulaires), myalgies et capsulites ne constituent pas des contre-indications absolues, mais doivent inciter à la prudence car elles sont souvent un signe de bruxisme sévère et d’afférences psychogènes dont le contexte peut s’avérer très défavorable. Les lésions intracapsulaires contre-indiquantes sont les luxations discales aiguës et les luxations discales irréductibles, ne permettant que peu d’amplitude d’ouverture buccale (figure 8) ; - morphologiques : les contre-indications absolues sont bien entendu les décalages sagittaux avec une mandibule trop en avant, a fortiori les véritables prognathismes mandibulaires. Les occlusions sans décalage sagittal mais avec peu ou pas de recouvrement incisif doivent inciter à la prudence car un port de long terme de l’OAM peut générer dans ce cas un déplacement mandibulaire irréversible (figures 9 et 10). Si la ou les contre-indications sont définitives, il y a abstention et le patient est redirigé vers le médecin prescripteur avec un courrier de liaison, sinon la réalisation de l’OAM est différée le temps de prodiguer les soins adéquats. Mise en œuvre proprement dite : prise d’empreintes, mesures de la cinétique mandibulaire et détermination de la propulsion initiale (50 % à 70 % de la capacité maximale). Pose de l’OAM : adaptation, réglage. Titration : 1 mm supplémentaire tous les 8 à 15 jours ; la valeur finale de propulsion est conditionnée par les signes subjectifs : tolérance articulaire, ronflements, scores d’Epworth et Pichot, qualité perçue du sommeil, etc. À partir de là, l’OAM est considérée comme titrée et le patient est réadressé au prescripteur qui validera par l’examen de son choix, la plupart du temps, PSG ou PGV orthèse en bouche. Le suivi dentaire est assuré par des consultations semestrielles destinées à contrôler le bon équilibre de l’OAM à moyen et long terme, et intercepter à temps les éventuels effets iatrogènes, en particulier sur les ATM et sur les mouvements dentaires parasites.  Figure 7. Cas extrême d’un patient totalement édenté au maxillaire et dont les hauteurs de crête osseuse étaient insuffisantes pour accueillir la gouttière d’une OAM. Image radiologique des implants prothétiques. Figure 8. À gauche : ATM intacte ; à l’ouverture buccale maximale, le disque articulaire a bien suivi le mouvement en synchronisation avec la tête du condyle mandibulaire : situation idéale pour une OAM. À droite, luxation discale aiguë : le disque est luxé en avant, n’est pas recapté par le condyle mandibulaire qui le déforme en le plicaturant ; cette lésion est le plus souvent douloureuse et limite fortement l’amplitude d’ouverture buccale ; l’OAM est contre-indiquée tant que la lésion n’a pas été traitée avec succès. Figure 9. Deux cas cliniques d’occlusion favorable à l’OAM. À gauche, peu de recouvrement vertical mais gros surplomb sagittal ; à droite, pas de surplomb mais recouvrement très marqué (supraclusion) qui contribue à annuler l’effet de mémorisation positionnelle générée la nuit par l’OAM. Figure 10. Occlusion à risque de déplacement mandibulaire parasite et de migrations dentaires car peu de surplomb, pas de recouvrement et contacts peu engrenés. Conclusion    L’OAM constitue un bon traitement du SAOS, à condition de bien respecter les indications (première ou deuxième intention, ou bien complément de la PPC), et d’être gérée par un praticien dentaire formé et travaillant avec des médecins prescripteurs dans le respect de l’organigramme interdisciplinaire. Enfin, il faut savoir que les patients relevant d’une correction par chirurgie maxillofaciale (SAOS généré au moins partiellement par une rétrognathie) doivent obligatoirement passer un test préalable avec une OAM pour apprécier l’efficacité de l’avancée mandibulaire.   Pour en savoir plus : • Aubertin G. Ventilation non invasive dans les troubles du sommeil : chez l’enfant aussi. Réalités Pédiatriques 2014 ; # 184. • Beaumont L. Fleury B. L’orthèse d’avancée mandibulaire : une alternative à la PPCÉ ? Pour quels patients ? Revue des Maladies Respiratoires Actualités 2014 ; 6(2). • Bouchard P. Parodontologie et dentisterie implantaire : vol. 1 : médecine parodontale. Ed. Lavoisier, 2014. • Challamel MJ. Le sommeil de l’enfant. Ed. Masson, 2009. • Dupas P. Diagnostic et traitement des dysfonctions craniomandibulaires. Ed. CdP, 1993. • Lacôte M et al. Évaluation clinique de la fonction musculaire. Ed. Maloine, 5e édition, 2005. • Mutel Y. Apport de l’orthodontie dans les troubles du sommeil de l’enfant. Réalités Pédiatriques 2014 ; # 184. • Weitzenblum E, Gautier C. Syndrome d’apnées obstructives du sommeil. Ed. Masson, 2004 ; 190-209. "Publié dans OPA Pratique"

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