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Insuffisance cardiaque

Publié le 30 avr 2016Lecture 6 min

Insuffisance cardiaque chronique : stopper le cercle vicieux des hospitalisations

E. MILLARA

Dans un précédent article (Cardiologie Pratique n°1100), nous avons souligné le risque élevé de décompensation au cours des semaines suivant une sortie d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë. S’il est moindre, ce risque est cependant loin d’être nul chez un patient qui semble aller bien, et la répétition des hospitalisations impacte négativement le pronostic. Les patients stables doivent donc être suivis attentivement et leur traitement optimisé selon leur profil.

Toute décompensation aiguë d’insuffisance cardiaque s’accompagne d’une dégradation des paramètres hémodynamiques. Mais une fois stabilisée, la fonction cardiaque ne revient pas à son point de départ : chaque épisode aigu conduit à une aggravation de l’insuffisance cardiaque(1). Et de fait, il a été rapporté que le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque constitue un facteur prédictif puissant et indépendant de mortalité toutes causes(2). Après la première hospitalisation, la survie médiane est de 2,4 ans, passant à 1,4 an après la seconde et à 1 an après la troisième. Elle n’est plus que de 0,6 an après la quatrième (figure)(2). Figure. Survie médiane en fonction du nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque(2). Le traitement doit être optimisé selon le profil du patient La prévention des décompensations fait appel à des mesures non médicamenteuses (hygiène de vie et réadaptation cardiaque notamment(3)) et à l’optimisation thérapeutique, dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie, de soulager les symptômes, de prévenir les épisodes de décompensation de façon à réduire le nombre et la durée des hospitalisations, et aussi de ralentir la progression de la maladie et de réduire la mortalité(4). Ainsi le LCZ696 (combinaison fixe d’un inhibiteur de l’endopeptidase neutre et d’un ARA II) est indiqué chez les patients adultes dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique symptomatique à fraction d’éjection réduite dans les insuffisances cardiaques de classe NYHA II à IV, insuffisamment contrôlées par les thérapeutiques non médicamenteuses ou médicamenteuses bien conduites. Cette nouvelle association fixe a été évaluée comparativement à l’énalapril, en addition à un traitement de base comprenant un bêtabloquant (93 % des patients), un diurétique (80 % des patients) et un antagoniste des minéralocorticoïdes (environ 55 % des patients). Après un suivi moyen de 27 mois, le LCZ696 a permis par comparaison à l’énalapril une réduction de 20 % sur le critère principal combinant la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque(5). Ce médicament comporte un risque élevé d’hypotension et d’hyperkaliémie et ne concerne que les patients dont la PAS est supérieure à 100 mmHg et dont la kaliémie est inférieure à 5,4 mmol/l(6). Autre exemple, chez des patients insuffisants cardiaques dont la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 70 bpm en rythme sinusal, et recevant déjà un traitement standard par inhibiteur du système rénine-angiotensine, bêtabloquant et diurétique, l’adjonction d’ivabradine réduit de 18 % ce même critère (mortalité cardiovasculaire et hospitalisations pour insuffisance cardiaque). Par ailleurs si on se focalise sur le risque particulier des hospitalisations, ce traitement réduit de 25 % le risque de première hospitalisation (p < 0,001) ainsi que le nombre d’hospitalisations ultérieures : -34 % de risque de seconde hospitalisation sur une période d’environ 3 ans, et -29 % de risque de troisième hospitalisation (p < 0,001 et p < 0,012 respectivement)(7). Une spécificité de l’ivabradine est de s’accompagner également d’une amélioration de la qualité de vie et de la tolérance à l’effort. Une étude randomisée(8) portant sur 123 patients insuffisants cardiaques stables (classe NYHA II et III) a montré qu’après 3 mois de traitement, l’association carvédilol 12,5 mg + ivabradine 7,5 mg, deux fois par jour, augmente significativement la VO2 max par comparaison au carvédilol seul à la dose de 25 mg deux fois par jour. La symptomatologie est également améliorée, comme l’atteste la réduction de classe NYHA, plus importante avec la combinaison qu’avec le carvédilol seul. Par ailleurs, l’atteinte des doses cibles des médicaments a été facilitée par l’ajout d’ivabradine : 76 % des patients du groupe recevant l’association ont atteint la dose cible de carvédilol, contre 47 % des patients du groupe carvédilol seul. Il est donc plus pertinent et plus efficace d’associer l’ivabradine à une demi-dose de carvédilol que de tenter d’augmenter le carvédilol jusqu’à la dose maximale, ce qui se révèle de toute façon impossible chez plus de la moitié des patients. Une cohorte allemande a suivi 1 956 patients insuffisants cardiaques pour la plupart en classe NYHA II et III chez lesquels l’ivabradine était ajoutée au traitement traditionnel bien conduit(9). Après 4 mois, la proportion de patients présentant des signes de décompensation passait de 22,7 % à 5,4 % ; la proportion de patients présentant des taux de BNP > 400 pg/l passait de 54 % à 27 % ; la proportion de patients ayant une FEVG > 35 % augmentait ; et les patients se retrouvaient majoritairement en classe NYHA I et II. Une amélioration du score de qualité de vie était également enregistrée.   Une moindre incidence d’hospitalisations génère un bilan médicoéconomique favorable   Sur le plan médico-économique, l’optimisation thérapeutique apporte un bénéfice substantiel : un modèle développé aux États-Unis indique que le surcoût imputable à l’ivabradine ajoutée au traitement standard sur une période de 10 ans est largement amorti par les économies réalisées grâce au moindre nombre d’hospitalisations, avec en prime un meilleur état de santé ajusté sur la qualité de vie (QALYs)(10). En pratique, le suivi doit impliquer le médecin généraliste et le cardiologue, et sa fréquence doit être adaptée à l’état du patient : 3 consultations par an pour un patient en classe NYHA I à une consultation par mois chez le généraliste et/ou chez le cardiologue pour un patient en classe III(4). L’éducation thérapeutique (ETP) doit faire partie intégrante du suivi médical de l’insuffisant cardiaque. Elle doit être adaptée au niveau de connaissances et aux représentations du patient, au degré de sévérité et à l’évolution de la maladie. Elle porte — entre autres — sur l’autosurveillance par le patient et son entourage des symptômes, la connaissance des signes d’alerte faisant craindre une décompensation et nécessitant de contacter son médecin ; l’adaptation du traitement diurétique peut être enseignée au patient, prenant place en cas d’aggravation de la dyspnée ou de prise de 2-3 kg sur quelques jours, avec programmation d’une consultation rapide si les symptômes persistent malgré le renforcement thérapeutique(4).   L’impact d’un programme d’ETP sur la morbi-mortalité a été objectivé par des essais cliniques   Ainsi, une intervention structurée visant à développer la compétence des patients en matière de gestion des prises de poids permet d’obtenir une meilleure adhésion à la surveillance quotidienne du poids (> 80 % avec ETP versus < 12 % sans ETP) ainsi qu’une amélioration de la classe NYHA à 6 mois et une réduction des hospitalisations, comparativement à des patients ayant reçu de simples instructions sans éducation thérapeutique(11). Une cohorte française ayant inclus 3 237 patients insuffisants cardiaques a montré, après un suivi médian de 27 mois, une réduction de la mortalité toutes causes dans le groupe des patients ayant reçu une éducation thérapeutique : 17 % dans le groupe de patients « éduqués » versus 31 % dans le groupe contrôle(12). Enfin, la création d’une unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque (UTIC) à l’hôpital René Dubos de Pontoise, incluant une structure d’hospitalisation mais aussi une structure ambulatoire et une structure d’éducation, a été associée à une réduction du taux de réhospitalisation dans l’année, passant de 22 % à 16 %(13).   Conclusion   L’inertie peut être une tentation chez le patient insuffisant cardiaque considéré comme stable. Au contraire, il est bien prouvé qu’il faut profiter de ces périodes de stabilité pour introduire ou optimiser les médicaments, éduquer, voire discuter certaines grandes décisions (greffe, resynchronisation).    En pratique   Les hospitalisations pour décompensation aiguë grèvent le pronostic du patient insuffisant cardiaque stable. L’optimisation thérapeutique vise à améliorer la qualité de vie, mais aussi à éviter les décompensations et à réduire la mortalité. En addition au triptyque standard diurétique-IEC-bêtabloquant, l’ivabradine réduit le risque de mortalité cardiovasculaire, de réhospitalisation et améliore la qualité de vie. De même, un inhibiteur de l’endopeptidase neutre a montré un bénéfice similaire sur la morbi-mortalité cardiovasculaire associé à un traitement de base optimisé. La réduction des hospitalisations a aussi un impact financier positif. L’éducation thérapeutique améliore le pronostic.

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