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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 30 avr 2016Lecture 6 min

FA paroxystique et FA permanente : même risque embolique ?

E. GANDJBAKHCH, N. BADENCO, Institut de cardiologie, Unité de rythmologie, AP-HP, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme soutenu le plus fréquent. Elle touche entre 600 000 et 1 million de personnes en France (soit 1 à 1,5 % de la population), et son incidence augmente progressivement avec 110 000 à 230 000 nouveaux cas par an(1). Plusieurs facteurs de risque sont associés au développement de la FA comme l’âge, le sexe masculin, l’indice de masse corporelle (IMC), l’hypertension artérielle, l’intervalle PR, la présence d’une valvulopathie et l’insuffisance cardiaque(2) mais aussi le diabète ou l’obésité(3).

La morbi-mortalité de la FA reste principalement liée au risque thromboembolique, en particulier le risque d’AVC ischémique. Ainsi, la prévention des accidents thromboemboliques constitue une des pierres angulaires de la prise en charge d’un patient présentant une fibrillation atriale. Cela passe par l’identification des patients à risque, qui bénéficieront de la prescription d’un traitement antithrombotique. La stratification du risque thromboembolique chez les patients présentant une FA non valvulaire repose depuis 2010 sur le score de risque CHA2DS2-VASc, élaboré à partir des données de l’Euro Heart Survey, étude prospective multicentrique incluant 5 333 patients avec FA non valvulaire. Ainsi, il a été montré de manière reproductible que le risque thromboembolique augmente de manière parallèle au score de CHA2DS2-VASc (figure 1), avec un risque considéré comme significatif à partir de 1 (femmes < 65 ans exclues)(4). De nombreuses études ont montré que le risque thromboembolique était diminué de manière significative par la prise d’un traitement anticoagulant oral au long cours, soit par antivitamine K (AVK)(5), soit par anticoagulants oraux directs (AOD)(6-8). La place des traitements antiagrégants plaquettaires (AAP) dans la prévention du risque thromboembolique a ainsi quasiment disparu depuis 2012, ces molécules ayant montré une efficacité moindre que les AVK et les AOD en termes de prévention du risque embolique malgré un risque hémorragique similaire(9). Ainsi, la prescription d’un traitement AAP reste limitée aux patients refusant un traitement anticoagulant curatif dans les recommandations européennes(10) ou aux patients avec un score de CHA2DS2-VASc à 1 en alternative au traitement anticoagulant pour les recommandations nord-américaines(11). Par ailleurs, les patients présentant une FA dite « valvulaire » (rétrécissement mitral rhumatismal ou prothèse valvulaire mécanique) ou associée à une cardiomyopathie hypertrophique sont à haut risque thromboembolique et requièrent un traitement anticoagulant par AVK indépendamment du score de CHA2DS2-VASc(10,12). Figure 1. Risque thromboembolique annuel selon le score de CHA2DS2-VASc. Adapté de Lip et al. Chest, 2010. La FA paroxystique est associée à une sous-prescription de traitement anticoagulant   Les registres en vie réelle nous montrent que le type de FA influence la prescription du traitement antithrombotique. Selon sa durée, la FA est définie comme paroxystique si de durée inférieure à 7 jours (avec arrêt spontané ou provoqué) en opposition à la FA persistante, définie comme une FA de durée supérieure à 7 jours (tableau 1)(10,11). La FA paroxystique, en particulier en cas d’épisodes courts et/ou peu fréquents, a longtemps été considérée par les praticiens comme à plus faible risque thromboembolique que la FA persistante, ce dont témoigne la plus faible prescription de traitement anticoagulant chez ces patients comparé à ceux en FA persistante. Cette observation a été retrouvée dans de nombreux registres, comme l’Euro Heart Survey(13) ou le registre NABOR(14), y compris chez les patients avec un score de CHADS2 élevé. Cette observation pourrait être liée à un profil de risque différent selon le type de FA, paroxystique ou persistante(9,15,16). Ainsi, les données du registre en vie réelle REALISE-AF portant sur 9 816 patients montrent que la FA paroxystique est associée à un profil de risque thrombotique significativement plus faible que les patients présentant une FA de plus longue durée(16). Dans ce registre, les patients en FA persistante ou permanente présentaient en moyenne plus de comorbidités (comme l’insuffisance cardiaque, la présence d’une maladie vasculaire ou d’une valvulopathie) et étaient significativement plus âgés que les patients avec FA paroxystique. Le score de CHA2DS2-VASc, qui inclut plusieurs de ces comorbidités, était aussi significativement plus élevé chez ces patients, en particulier ceux en FA permanente (CHA2DS2-VASc moyen à 1,7 pour FA paroxystique, 1,8 pour FA persistante et 2,2 pour FA permanente). Néanmoins, cela n’explique pas complètement la différence observée de prescription de traitement antithrombotique selon le type de FA. Ainsi, dans le registre PINNACLE ayant inclus 71 316 patients entre 2008 et 2012, les patients avec FA paroxystique avaient significativement moins de chance d’être sous traitement anticoagulant après ajustement sur le score de CHADS2 et autres comorbidités (50,3 % vs 64,2 % ; risque relatif 0,74 ; IC95% : 0,72- 0,76), témoignant de la prescription moins fréquente d’une anticoagulation adaptée en cas de FA paroxystique, indépendamment du profil de risque des patients(17). Le risque thromboembolique diffère-t-il selon le type de FA ?   Ainsi, si le profil de risque des patients semble différent selon le type et la durée de la FA, de nombreux registres montrent que le type de la FA (paroxystique ou persistante) n’apparaît pas comme un facteur prédictif indépendant du risque thromboembolique, après ajustement sur les scores de CHADS2, de CHA2DS2-VASc et sur les autres comorbidités(9,15,18). Dans l’étude SPAF, le risque d’événement embolique était similaire pour les deux types de FA (risque annuel de 3,2 % vs 3,3 % [figure 2]). Dans cette cohorte traitée par AAP, les patients à risque thromboembolique élevé présentaient un taux d’AVC ischémique similaire quel que soit le type de FA (7,8 % vs 8,7 %)(18). Des résultats similaires sont retrouvés dans l’étude RE-LY(15), dans l’étude Active-W(9) ou dans le registre J-RYTHM(19) (tableau 2). Ainsi, même des épisodes de FA de courte durée semblent associés à un risque thrombo embolique significatif. Dans l’étude SOS-AF, le suivi des mémoires embarquées des stimulateurs cardiaques montrait que le risque thromboembolique devenait significatif à partir de 60 minutes de FA. Dans cette étude, les épisodes de courte durée étaient associés à un risque comparable aux épisodes prolongés > 24 heures(20). Le rôle de la sidération atriale après restauration du rythme sinusal a été suggéré comme un des mécanismes associés au risque emboligène, en particulier en cas d’épisodes fréquents de FA paroxystique. Néanmoins, il ne s’agit probablement pas du seul facteur explicatif, cette sidération étant significativement plus courte en cas d’épisodes de courte durée. Ainsi, Manning et coll. ont montré que la restauration de la systole mécanique atriale survenait en moyenne dans les 24 heures après un épisode bref (< 2 semaines), dans la semaine après un épisode plus prolongée (2 à 6 semaines) et dans le mois après un épisode prolongé > 6 semaines(21). Plus récemment, une analyse complémentaire de Rocket-AF montrait que les patients en FA persistante présentaient un risque ajusté d’événement thromboembolique (2,18 vs 1,73 événement pour 100 patients-années ; p = 0,048) et de décès (4,78 vs 3,52 ; p = 0,006) significativement plus élevé que les patients avec FA paroxystique(22). Les patients inclus dans cette étude avaient en moyenne un score de CHADS2 et de CHA2DS2-VASc plus élevé que dans les autres études. De plus, il est important de souligner que la survenue d’événement thromboembolique était loin d’être nulle chez les patients en FA paroxystique sous traitement anticoagulant adapté (1,73 événement pour 100 patients-années). Par ailleurs, il est peu probable que l’augmentation significative du risque de décès chez les patients en FA persistante soit uniquement attribuable à une augmentation des événements thromboemboliques mais possiblement à un pronostic hémodynamique plus sombre chez ces patients présentant plus de comorbidités(22). Figure 2. Risque d’AVC ischémique selon le type de FA (paroxystique ou persistante) et le score de risque dans l’étude SPAF. Adapté de Hart et al. JACC, 2000.  En pratique    En conclusion, l’ensemble des données issues d’études randomisées ou de registres en vie réelle semble indiquer que la FA paroxystique présente un risque thromboembolique similaire à la FA persistante, y compris en cas d’épisodes de courte durée. Néanmoins, le profil de risque associé à la FA persistante est souvent plus sévère avec plus de comorbidités associées. Ces données contrastent fortement avec la sous-prescription observée d’une anticoagulation adaptée au score de CHA2DS2-VASc chez les patients ayant une FA paroxystique, y compris ceux présentant un score de risque élevé. Une meilleure information des praticiens semble nécessaire pour améliorer la prise en charge de ces patients. 

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