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Coronaires

Publié le 31 mar 2016Lecture 8 min

La réadaptation cardiaque : le meilleur antidépresseur chez le coronarien ?

O. STCHEPINSKY, Centre William Harvey, Saint-Martin d’Aubigny (Manche)

La dépression, fréquente au décours de la maladie coronaire, constitue un marqueur de risque de nouvel événement cardiovasculaire et de mortalité.
Les traitements antidépresseurs et les thérapies mentales non médicamenteuses ont une efficacité modérée sur les symptômes dépressifs sans réduction de la mortalité avec un effet modeste sur la récidive des événements cardiaques.
De nombreuses études ont montré depuis près de 20 ans, un bénéfice de l’activité physique sur les symptômes dépressifs et le pronostic cardiovasculaire.

L’étude UPBEAT est la première étude randomisée qui montre que le réentraînement physique au cours d’un cycle de réadaptation cardiaque diminue les symptômes dépressifs. La métaanalyse de Rutledge confirme l’amélioration des symptômes dépressifs grâce à la réadaptation cardiaque avec réduction des récidives d’événements coronaires et de la mortalité totale.   Prévalence de la dépression dans la maladie coronaire   La prévalence de la dépression estimée dans la population des patients coronariens est de 30 à 40 % avec une prévalence de dépression majeure évaluée entre 15 et 30 %. Au décours d’un syndrome coronarien aigu, la prévalence de la dépression est estimée à 20 % contre 4 % dans la population générale. La présence d’une dépression dans les suites d’un syndrome coronarien aigu constitue un facteur de mauvais pronostic, prédictif de mortalité indépendant de la sévérité des lésions coronaires. On retrouve 20 % de dépression majeure après un syndrome coronarien aigu.   Facteur pronostique de la dépression dans la maladie coronaire   Depuis 2013, les recommandations de la National Heart Foundation en Australie et de la Société allemande de cardiologie préconisent la prise en compte de la dépression comme facteur étiologique et pronostique dans la coronaropathie avec un niveau de preuve de niveau A. En 2014, l’AHA à partir d’une analyse de 53 études sélectionnées a confirmé que la dépression dans la maladie coronaire est un facteur de risque de mortalité toutes causes, de mortalité cardiovasculaire et du critère composite événement coronaire non fatal associé à la mortalité. Plusieurs métaanalyses confirment la relation entre dépression et évolutivité de la maladie coronaire. Dans l’étude de Frasure-Smith, la dépression est, à 18 mois d’un infarctus du myocarde un facteur de risque indépendant de mortalité. Même après ajustement sur la sévérité de la cardiopathie ischémique, la relation entre dépression et risque d’évolutivité reste significative. L’atteinte du système nerveux autonome chez le sujet dépressif est responsable d’une altération de la variabilité sinusale indépendante de l’âge avec une hypertonie sympathique responsable d’une hyperexcitabilité ventriculaire. L’hyperagrégabilité plaquettaire, l’augmentation des processus inflammatoires (hypersécrétion de cytokines pro-inflammatoires [IL-6]) et la dysfonction endothéliale expliquent également ce sur-risque cardiovasculaire. Enfin les patients dépressifs développent une moindre compétence à l’éducation thérapeutique, au sevrage tabagique, à la reprise d’activités physiques avec une moins bonne observance au traitement. La dépression dans la maladie coronaire est un facteur de risque de mortalité toutes causes, de mortalité cardiovasculaire et d’événement coronarien non fatal.   Traitement de la dépression chez le coronarien   Traitement médicamenteux Plusieurs études randomisées ont analysé l’effet du traitement médicamenteux, de la dépression sur le pronostic cardiovasculaire : Dans l’étude SADHART, 369 patients avec dépression majeure (DSM IV) dans les 30 jours suivant un syndrome coronarien aigu ont été randomisés en double aveugle pour recevoir soit un placebo, soit de la sertraline (IRS). À 24 semaines, aucune différence n’est apparue sur la FEVG (critère principal) ni sur les critères secondaires (intervalle QT, ESV, variabilité sinusale) et seuls les patients les plus dépressifs présentaient une amélioration significative de leurs symptômes. Dans l’étude MIND-IT, 331 patients dépressifs (Beck > 10) à 3, 6, 9 ou 12 mois post-infarctus ont été randomisés pour recevoir soit une prise en charge conventionnelle, soit un antidépresseur par citalopram ou mirtazapine. À 18 mois aucune différence n’est apparue entre les 2 groupes en termes de score de dépression ou en taux d’événements cardiaques.   Psychothérapie Dans l’étude ENRICHD, 2 481 patients dans les 28 jours suivant un infarctus du myocarde ont été sélectionnés sur des critères de dépression (critère ICD-10) et/ou d’isolement social pour bénéficier d’une thérapeutique cognitive d’une durée minimale de 6 mois complétée si besoin par un IRS. À 29 mois, aucune amélioration des symptômes de dépression n’était apparue (échelle d’Hamilton) avec absence de différence sur les récidives d’infarctus du myocarde et les décès. Dans l’étude MOSAÏC, 183 patients présentant des troubles dépressifs, une anxiété ou des attaques de panique, ont été randomisés entre un suivi conventionnel ou un programme téléphonique avec prise en charge plurifactorielle. À 24 semaines, les patients avec prise en charge plurifactorielle ont amélioré leur score sur l’échelle mentale SF-12 NCS. En 2013, la métaanalyse de T. Rutledge qui regroupait 18 études évaluant les thérapeutiques mentales (psychothérapie et/ou antidépresseur) ne retrouvait pas de baisse de mortalité mais un effet modeste sur la récidive d’événements cardiovasculaires et un effet modéré sur la dépression sur 22 autres essais cliniques. La variabilité sinusale en effet reste altérée même si le traitement antidépresseur apporte une certaine amélioration sur les symptômes dépressifs en raison d’une altération persistante du système nerveux autonome. La dysfonction endothéliale persiste sous IRS avec une atteinte des fonctions plaquettaires, des leucocytes et de la réponse immunitaire. Les thérapeutiques mentales (antidépresseur et/ou psychothérapie) peuvent améliorer les symptômes de la dépression mais sans diminuer la mortalité chez le coronarien.   Exercice physique et réadaptation cardiaque   Dès 1996, des études ont montré qu’un programme de réadaptation cardiaque avec réentraînement physique sur 3 à 4 mois apportait un bénéfice sur les symptômes de la dépression, la qualité de vie et aussi sur le pronostic cardiovasculaire après un syndrome coronarien. Dans l’étude de Milani, 338 patients dépressifs (échelle de Beck) après un infarctus du myocarde, une angioplastie coronaire ou des pontages aorto-coronariens ont été pris en charge dans un programme de réadaptation cardiaque avec entraînement physique pendant 3 mois pour des séances de 50 à 60 min au rythme de 3 fois par semaine, à 70-85 % de la fréquence de réserve. À 3 mois, tous les patients avaient une réduction significative des paramètres de dépression, d’anxiété et une amélioration de leur qualité de vie avec un bénéfice bien plus marqué dans le groupe des patients les plus dépressifs (score > 10). Les limites de cette étude étaient l’absence de groupe contrôle, l’effet possible de l’éducation du patient et de sa famille et de l’effet du soutien social du groupe. En 1999, Blumenthal a étudié l’effet de l’entraînement physique de 45 min, 3 fois par semaine à 70-85 % de la fréquence de réserve sur 4 mois chez des sujets âgés dépressifs (score de 13 à 18 pour les formes modérées et supérieur à 18 pour les formes sévères au test HAM-D) versus traitement par sertraline débuté à 50 mg jusqu’à une posologie de 200 mg par jour ou combinaison du traitement par IRS et du programme d’entraînement physique. Les résultats montraient une équivalence d’effet sur les symptômes dépressifs (HAM) avec une amélioration des performances physiques sur le critère VO2 dans le groupe exercice. L’étude d’Andréa Dunn en 2005 a montré qu’un programme d’entraînement physique aérobie sur 3 mois au rythme de 3 à 5 séances par semaine entraîne une amélioration de 47 % des scores de dépression sur le test d’Hamilton. En 2005, Blumenthal a montré à nouveau chez des patients suivis pour une maladie coronarienne stable que le programme de réentraînement physique aérobie pendant 4 mois pour des séances de 55 min à 50-70 % de la fréquence de réserve et au rythme de 3 séances par semaine apportait une même efficacité sur l’amélioration des scores de dépression (BDI) que la prise en charge par une psychothérapie orientée vers la gestion du stress et des émotions, significativement supérieur au groupe contrôle. Une amélioration de 25 % de la dysfonction endothéliale, une amélioration de la sensibilité du baroréflexe et de la variabilité sinusale a été retrouvée uniquement pour le programme de réentraînement physique. Dans l’étude UPBEAT, 101 patients coronariens, dépressifs (BDI ≥ 7) ont été randomisés pour participer à un programme de réentraînement physique aérobie sur 4 mois en ambulatoire avec des séances de 30 à 45 min à 70-85 % de la fréquence de réserve, ou pour un traitement par sertraline débuté à 50 mg par jour pouvant être augmenté jusqu’à 200 mg par jour ou placebo. Le score sur l’échelle d’Hamilton (HAM-D) qui constituait le critère primaire s’est amélioré dans le groupe activité physique et traitement par SERTRALINE sans différence significative mais le nombre de patients en rémission de leur état dépressif (critère DSM IV et HAM < 8) était de 40 % dans le groupe activité physique versus 10 % dans le groupe sertraline avec une différence significative. Le programme d’entraînement physique a réduit de façon significative les symptômes dépressifs par rapport au placebo et a permis d’obtenir 40 % de rémission sur les états dépressifs, ce qui est hautement significatif par rapport à l’absence de rémission dans le groupe placebo. Une amélioration de la variabilité sinusale est retrouvée dans le groupe entraînement physique versus sertraline ou placebo mais sans amélioration de la sensibilité du baroréflexe entre les deux groupes actifs. Les limites de l’étude sont le faible effectif de patients, un niveau d’activités physiques modeste (90 min par semaine pour certains patients), un possible soutien social associé puisque le groupe activité physique était encadré et des doses de sertraline qui n’ont pas toujours été optimisées (seulement 30 % des patients avaient une posologie supérieure à 100 mg de sertraline par jour). Néanmoins, UPBEAT est la première étude randomisée qui montre que l’entraînement physique en réadaptation cardiaque améliore les symptômes dépressifs chez les patients coronariens. La métaanalyse de Rutledge en 2013 a évalué l’effet de la réadaptation cardiaque sur la réduction des événements cardiovasculaires en prévention secondaire pour 17 essais et sur l’amélioration des symptômes dépressifs pour 13 essais : l’amélioration des symptômes dépressifs était équivalente à celle obtenue avec les thérapeutiques mentales mais la réadaptation cardiaque réduisait de façon significative la récidive d’événements coronariens et la mortalité totale contrairement au traitement antidépresseur et à la psychothérapie qui n’entraînait pas de baisse de la mortalité avec uniquement une efficacité modérée sur les événements coronariens. L’activité physique en réadaptation cardiaque améliore de façon significative les symptômes de la dépression et diminue le risque d’événements cardiovasculaires et la mortalité toutes causes.   En pratique   La prévalence de la dépression est élevée au décours d’un syndrome coronarien aigu approchant 20 % contre 4 % dans la population générale. De nombreuses études montrent que la dépression sévère est un facteur de mauvais pronostic après un accident coronarien augmentant le risque d’événements cardiaques et la mortalité toutes causes confondues. Les thérapeutiques médicamenteuses et les psychothérapies ne diminuent pas la mortalité en réduisant modestement la récidive d’événements cardiaques, même s’ils améliorent les symptômes dépressifs. La réadaptation cardiaque, en particulier par l’effet antidépresseur de l’activité physique d’endurance, diminue de façon significative les symptômes de la dépression mais réduit de façon également significative le risque d’événements cardiovasculaires et la mortalité toutes causes confondues.

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