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Thérapeutique

Publié le 31 jan 2016Lecture 7 min

Quelle est la durée optimale de la double antiagrégation plaquettaire après angioplastie coronaire en 2016 ?

É. RIANT, É. PUYMIRAT, Département de cardiologie, USIC ; Hôpital européen Georges Pompidou, Paris

La durée optimale de la double antiagrégation plaquettaire (DAP) après une angioplastie coronaire fait aujourd’hui débat. La tendance actuelle en Europe est de raccourcir la durée de la DAP (y compris avec l’utilisation des stents actifs de dernière génération, moins pourvoyeur de thromboses de stents tardives) alors qu’en Amérique du Nord la tendance est au contraire de la prolonger afin de prévenir la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs (récidive d’infarctus, thrombose de stent, accident vasculaire cérébral, etc.). Plusieurs études comparant des durées courtes à des durées prolongées de DAP après angioplastie ont déjà été publiées ; d’autres sont en cours… Les résultats des derniers essais randomisés portant sur la durée de la DAP (DAPT, ITALIC, ISAR-SAFE, OPTIDUAL, PEGASUS, etc.) rapportent des informations contradictoires.
Quelle durée de DAP faut-il retenir en pratique ?

 

Recommandations actuelles de la double antiagrégation plaquettaire après angioplastie coronaire   La durée recommandée de la DAP par la Société européenne de cardiologie(1) dépend à la fois de la situation clinique (maladie coronarienne stable ou non) et du type d’endoprothèse utilisé (tableau 1).  Quelle durée de DAP prescrire après angioplastie coronaire ?   De nombreuses études ont déjà comparé différentes durées de DAP (courte versus prolongée) avec pour la quasi-totalité des stents actifs (figure). D’autres sont également en cours. La plupart de ces études ont été réalisées afin de démontrer la noninfériorité d’une DAP courte (par rapport à une DAP prolongée) afin de ne pas « pénaliser » l’utilisation des stents actifs pour lesquels une DAP prolongée est recommandée et donc potentiellement associée à davantage de complications hémorragiques. Figure. Principales études comparant des durées courte et prolongée à chaque patient…  ITALIC et ISAR-SAFE sont les deux dernières études plaidant pour un raccourcissement de la DAP à 6 mois. ITALIC est une étude française ayant comparé une DAP (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor) de durée courte (6 mois) à une DAP de durée prolongée (24 mois) chez des patients répondeurs à l’aspirine ayant eu une angioplastie avec stent actif (1 850 patients, 25 % de syndromes coronariens aigus)(2). Cette étude conclut à la non-infériorité du traitement court (pas de différence sur le critère principal composite associant : décès, infarctus, revascularisation dans le même vaisseau, accident vasculaire cérébral, saignement majeur [TIMI] à 12 mois : 1,5 % vs 1,6 %). Le détail des événements ischémiques et hémorragiques est présenté dans le tableau 2. ISAR-SAFE est une étude allemande ayant comparé une DAP (aspirine + clopidogrel) de 6 mois à une DAP de 12 mois chez des patients ayant eu une angioplastie avec stent actif (4 005 patients, 40 % de syndromes coronariens aigus)(3). Comme dans l’étude précédente, cette étude conclut à la non-infériorité du traitement court (pas de différence sur le critère principal composite associant décès, infarctus, thrombose de stent, accident vasculaire cérébral, saignement majeur [TIMI] à 9 mois : 1,5 % vs 1,6 %). Le détail des événements ischémiques et hémorragiques est présenté dans le tableau 3. À noter qu’en termes de saignement, les résultats dépendent de la classification utilisée : pas de différence observée entre les deux groupes avec la classification TIMI mais deux fois plus de saignement avec la DAP prolongée avec la classification BARC. À noter également que cette étude a été arrêtée prématurément (6 000 patients attendus initialement). À l’inverse, deux autres études récentes (DAPT, OPTIDUAL) ont testé des durées prolongées de DAP afin de réduire les événements ischémiques. DAPT est une étude internationale multicentrique, randomisée en double aveugle, ayant initialement enrôlé plus de 25 000 patients en Amérique du Nord, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande, dans les 72 heures suivant une angioplastie coronaire avec implantation d’un stent nu ou actif. L’objectif était de comparer une DAP (aspirine + clopidogrel ou prasugrel) de 12 mois à une DAP prolongée de 30 mois (avec un suivi jusqu’à 33 mois) chez des patients n’ayant pas présenté d’événements ischémiques et hémorragiques majeurs au cours des 12 mois suivant l’angioplastie et chez qui l’observance thérapeutique a été jugée satisfaisante. Les résultats chez les patients traités avec stents actifs qui représentent près de 90 % des patients inclus (9 961 patients, âge moyen de 61 ans, 25 % de femmes, 30 % de diabétiques, 40 % de syndromes coronariens aigus environ)(4) montrent que la DAP prolongée est associée à une réduction significative des thromboses de stents (0,4 % vs 1,4 %), des événements cardiovasculaires majeurs (4,3 % vs 5,9 %), et des infarctus du myocarde (2,1 % vs 4,1 %) avec des résultats très homogènes selon le type de stent actif utilisé (stents au sirolimus [Cypher®, Cordis] ; stents au zotarolimus [Endeavor®, Medtronic] ; stents au paclitaxel [Taxus®, Boston Scientific] ; stents à l’évérolimus [Xience®, Abbott Vascular ; Promus®, Boston Scientific]) (tableau 4). À noter la survenue d’événements ischémiques dans les quelques semaines suivant l’arrêt de la DAP prolongée ce qui laisse à penser que quelle que soit la durée de DAP, l’arrêt de la bithérapie est un moment à haut risque d’événements cardiovasculaires. En revanche, comme on pouvait s’y attendre, la DAP prolongée est associée dans cette étude à une augmentation de 61 % des saignements modérés ou sévères (2,5 % vs 1,6 %, classification GUSTO) ainsi qu’à une augmentation (bien que non significative) de 24 % de la mortalité globale (2 % vs 1,5 % ; p = 0,052). Plus curieux, l’analyse des causes de décès montrent qu’il n’existe pas de différence sur les décès d’origine cardiovasculaire mais par contre que les décès non cardiovasculaires (liés notamment à des cancers) sont significativement augmentés avec la DAP prolongée (alors que la proportion de cancer au moment de la randomisation est similaire dans les deux groupes). Enfin, dans la mesure où le type de stent et l’antiagrégant plaquettaire (clopidogrel/prasugrel) n’ont pas été randomisés, il n’est pas possible de tirer de conclusions sur ces sous-groupes. OPTIDUAL, enfin, est une étude française, multicentrique, randomisée, ayant comparé la durée actuellement recommandée de 12 mois de DAP (aspirine + clopidogrel) à une durée plus prolongée de 48 mois après angioplastie coronaire avec stent actif (1 799 patients, 34 % de syndromes coronariens aigus)(5). Les résultats ne montrent pas de bénéfice à la prolongation de la DAP au-delà de 12 mois sur un critère composite principal associant les décès toutes causes, les récidives d’infarctus non fatal, les AVC et les saignements majeurs (5,8 % vs 7,5 % ; p = 0,17). À noter que la prolongation de la DAP n’était pas associée dans cette étude à une augmentation des complications hémorragiques quelle que soit la classification utilisée (TIMI, BARC, GUSTO, ISTH) (tableau 5). Quel impact sur la mortalité ?   Les résultats intrigants sur la mortalité observés dans l’étude DAPT ont incité certains auteurs à réaliser une métaanalyse pour évaluer l’impact de la DAP prolongée (par rapport à une DAP courte, définie par une durée ≤ 6 mois) sur la mortalité(6). Au total, 14 études randomisées dont DAPT (69 644 patients) ont été utilisées pour cette métaanalyse. Les résultats montrent que la DAP prolongée n’a pas d’impact sur la mortalité globale (HR = 1,05 ; IC95% : 0,96-1,19) ni sur la mortalité d’origine cardiovasculaire, ni sur la mortalité non cardiovasculaire.   Cas des syndromes coronariens aigus   Étrangement peu d’études concernant la durée de la DAP ont été réalisées chez ces patients. Les données de sousgroupes issues des études précédentes sont peu informatives car ils ne représentent au mieux qu’un tiers de la population de l’étude. Pourtant c’est une population à haut risque et certains patients pourraient bénéficier d’une prolongation de la DAP. C’est le pari qu’a fait AstraZeneca en réalisant l’étude PEGASUS publiée cette année(7). L’objectif de cette étude était de sélectionner les patients avec un antécédent d’infarctus (entre 1 et 3 ans) à « haut risque » d’événements ischémiques (défini par un âge de plus de 50 ans et au moins 1 critère d’enrichissement : âge > 65 ans, diabète, insuffisance rénale, pluritronculaire, 2 ATCD d’infarctus). Les patients étaient randomisés dans 3 bras (21 162 patients) : 1) aspirine + ticagrelor 90 mg x 2 par jour ; 2) aspirine + ticagrelor 60 mg x 2 par jour ; 3) aspirine + placebo. Les résultats de cette étude montrent qu’à 36 mois l’association aspirine/ticagrelor permet de réduire les événements ischémiques d’environ 1 % quelle que soit la dose utilisée avec toutefois une augmentation des complications hémorragiques non fatales (en particulier avec la dose de 90 mg x 2 par jour). Cette étude incite à respecter les recommandations de la DAP en post-SCA (12 mois) et à discuter au cas par cas sa prolongation au-delà.   Que faire en pratique ?   Les résultats de ces études sont assez contradictoires… En pratique, ces données encouragent à évaluer au cas par cas le rapport bénéfice/risque de la poursuite ou non de la DAP ; à limiter la DAP à 6 mois en cas de risque hémorragique important et au contraire à la poursuivre au-delà de 12 mois chez les patients à haut risque ischémique (antécédent d’infarctus du myocarde, de thrombose de stent, angioplasties multiples ou complexes, etc.). Il semble toutefois exclu de réintroduire une bithérapie chez les patients l’ayant déjà cessée.   En pratique   La durée de la DAP dépend à la fois du contexte clinique (syndrome coronarien aigu ou non) et du type d’endoprothèse coronaire utilisé (stent actif ou non). Plusieurs études dont deux essais randomisés récents (ITALIC, ISAR-SAFE), montrent la non-infériorité d’une DAP courte (6 mois) par rapport à une DAP prolongée (12 et 24 mois respectivement) sur la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs. À l’inverse, l’étude DAPT, montre que la DAP prolongée permet de diminuer la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs et notamment des thromboses de stent au prix d’une augmentation des complications hémorragiques. En pratique, le choix de poursuivre ou non la DAP au-delà du délai minimum doit avant tout être individualisé en prenant en compte les risques ischémiques et hémorragiques propres à chaque patient...    

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