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Insuffisance cardiaque

Publié le 31 oct 2015Lecture 22 min

Les médicaments de l’insuffisance cardiaque chronique

M. GALINIER1,2,3, P. FOURNIER1, C. DELMAS1,3, O. LAIREZ1,3, J. RONCALLI1,3 1. Fédération des Services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil ; 2. Inserm UMR 1048, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), Université Paul Sabatier, Équ


Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
Ces dernières décades, l’insuffisance cardiaque a fait l’objet d’une intense activité de recherche pharmacologique aboutissant à des progrès thérapeutiques majeurs grâce à l’utilisation de médicaments inhibant l’activation des systèmes neuro-hormonaux sympathiques et rénine-angiotensine-aldostérone. Dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée (ICFEA), ces médicaments possèdent un quadruple effet favorable sur le remodelage ventriculaire gauche, les symptômes, la fréquence des hospitalisations et la mortalité, de nombreux essais cliniques positifs ayant abouti à de solides recommandations de classe Ia(1)

Ces avancées thérapeutiques ont modifié le pronostic, autrefois effroyable, de l’ICFEA divisant par deux son taux de mortalité en 20 ans. A contrario, le traitement de l’insuffisance à fraction d’éjection préservée (ICFEP), qui intéresse du fait du vieillissement de la population et de la forte prévalence de l’hypertension artérielle près de 50 % des patients insuffisants cardiaques, demeure empirique, les essais ayant porté spécifiquement sur ce syndrome s’étant révélés négatifs. Ainsi, les recommandations concernant l’ICFEP demeurent largement spéculatives, de classe IIa et de niveau d’évidence C.   Traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée   Le traitement de l’ICFEA obéit à des recommandations précises (tableau 1, figure). Pour les patients symptomatiques en classe II à IV de la NYHA, il repose sur un triptyque associant inhibiteurs de l’enzyme de conversion, ou en cas d’effets secondaires des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2, bêtabloquants et antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes, associé en cas de symptôme persistant à un diurétique proximal. Sa mise en place nécessite de connaître l’état de la fonction rénale, ainsi avant d’instaurer le t raitement, il faut doser la créatininémie, qui permettra d’estimer le débit de filtration glomérulaire (DFG), la kaliémie et la natrémie. *Si DFG ≥ 30 ml/kg/min et K+ ≤ 5 mmol/l. **Si FC ≥ 70 bpm sous bêtabloquants ou bêtabloquants contre-indiqués. ***Si FC ≥ 80 bpm au repos ou ≥ 110 bpm pour un effort sous-maximal sous bêtabloquants.   Traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée(1). Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) doivent être systématiquement utilisés chez les patients présentant une fraction d’éjection ≤ 40 % qu’ils soient symptomatiques ou non (recommandations I, A), remplacés en cas de survenue d’effets secondaires spécifiques de cette classe (toux, angio-oedème) par un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2. En effet, ils améliorent la fonction ventriculaire gauche en luttant contre le remodelage, réduisent les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et allongent la durée de vie. Ils doivent être initiés à faible dose, si possible après une diminution de la posologie des diurétiques pour éviter une hypotension ou une altération de la fonction rénale. Chez les patients hospitalisés pour décompensation, un IEC doit être prescrit avant la sortie. Un contrôle de la créatininémie et de l’ionogramme doivent être réalisés une à deux semaines après le début du traitement. En effet une élévation de la créatininémie est fréquente lors de leur initiation, secondaire à la levée de la vasoconstriction des artérioles efférentes des glomérules qui est sous la dépendance de l’angiotensine 2, ce qui induit une diminution de la perfusion rénale. Elle peut être respectée si l’augmentation du taux de créatinine ne dépasse pas 50 % de la valeur initiale et si la kaliémie demeure inférieure à 5,5 mmol/l. La posologie doit être progressivement augmentée par palier de 15 jours tant que la pression artérielle systolique demeure supérieure à 90 mmHg en l’absence d’hypotension orthostatique. La dose cible est la posologie maximum tolérée la plus proche possible de celle utilisée dans les essais thérapeutiques (tableau 2). En cas d’insuffisance rénale, leur dose d’entretien sera adaptée au DFG, diminuée de moitié si < 30 ml/min. Ils ne sont contre-indiqués que chez les patients présentant une insuffisance rénale terminale (DFG < 15 ml/min) ou une sténose bilatérale des artères rénales. En cas de survenue d’insuffisance rénale sous IEC, il faut s ’ a s sur e r de l ’ abs enc e de coprescription de médicaments né-phrotoxiques comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens et si nécessaire réduire la dose d’IEC ou les arrêter. En cas de survenue d’hyperkaliémie sous IEC, il faut diminuer la dose pour une kaliémie comprise entre 5,5 et 5,9 mmol/l et surveiller la biologie et les arrêter pour une kaliémie ≥ 6 mmol/l. En cas de survenue d’hypotension orthostatique, il faut diminuer la dose de diurétiques et supprimer les autres médicaments hypotenseurs, notamment les autres vasodilatateurs. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) ont une place limitée, ils ne sont recommandés que : - chez les patients intolérants aux IEC avec une fraction d’éjection ≤ 40 % en association aux bêtabloquants et aux antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes pour diminuer le risque de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations I, A) ; - chez les patients demeurant symptomatiques malgré un traitement par IEC et bêtabloquants, avec une fraction d’éjection ≤ 40 % et ne pouvant tolérer les antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes pour diminuer le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations I, A). Quand ils sont utilisés chez un patient intolérant aux IEC, ils doivent être administrés selon les mêmes règles de prescription que les IEC, en débutant à faible dose et en ciblant les posologies élevées qui ont été validées, en effet, comme les IEC, leurs bénéfices sur la morbi-mortalité, notamment la prévention des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, est dosedépendante. En cas d’association aux IEC, ils ne peuvent être utilisés qu’en l’absence d’insuf fisance rénale sévère (DFG ≥ 30 ml/min) et d’hyperkaliémie (K+ < 5 mmol/l) chez un patient ne recevant pas d’antagoniste des récepteurs minéralo-corticoïde. Le traitement doit être initié à faible posologie (tableau 2) puis augmenté progressivement par palier de 2 à 4 semaines jusqu’à la dose maximale tolérée la plus proche possible de celle obtenue dans les essais cliniques, le faible niveau tensionnel de la majorité des patients en ICFEA rendant cette incrémentation posologique délicate, sous surveillance stricte de la créatininémie et de la kaliémie.   Les bêtabloquants Les bêtabloquants doivent être systématiquement associés aux IEC en l’absence de contre-indication chez tous les insuffisants cardiaques symptomatiques et/ou avec une fraction d’éjection ≤ 40 % (recommandations I, A). Cependant, chez les patients asymptomatiques, ils n’ont démontré leur intérêt que dans la dysfonction ventriculaire gauche du post-infarctus. Les bêtabloquants améliorent la fonction ventriculaire gauche, pouvant entraîner un phénomène de remodelage inverse, réduisent les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et prolongent la durée de vie, diminuant notamment le risque de mort subite. Ils devront être initiés à faible posologie, après disparition des signes de surcharge hydrosodée, chez un patient dont la pression artérielle systolique est ≥ 90 mmHg et la fréquence cardiaque ≥ 50 bpm, traitée par IEC. Cependant, l’ordre d’introduction des IEC et des bêtabloquants repose plus sur l’histoire que sur une logique thérapeutique puisque les résultats de l’étude CIBIS III ont montré une efficacité comparable que le traitement soit initié par les IEC ou les bêtabloquants. Chez un patient hospitalisé pour décompensation, chaque fois que cela est possible un traitement bêtabloquant doit être débuté avant sa sortie. Ce sont les quatre molécules ayant démontré leur efficacité au cours de l’insuffisance cardiaque qui doivent être utilisées : bisoprolol, carvédilol, métoprolol ou nébivolol. L’initiation du traitement qui se fait à la posologie la plus faible possible doit se faire sous surveillance mais peut être réalisée en ambulatoire. La posologie sera augmentée progressivement par palier de 2 à 4 semaines mais une titration plus lente peut être parfois nécessaire. La dose ne doit pas être augmentée en cas d’aggravation des signes d’insuffisance cardiaque, d’hypotension symptomatique ou de fréquence cardiaque < 50 bpm. En l’absence de ces problèmes, la dose cible est la posologie maximale tolérée la plus proche possible de celle des essais thérapeutiques (tableau 2). La situation clinique peut conduire à privilégier certains bêtabloquants. Ainsi chez les patients les plus sévères ou ceux dont le niveau tensionnel reste élevé, le carvédilol, qui possède une action alphabloquante diminuant la postcharge, doit être privilégié. Chez les patients porteurs de broncho-pneumopathie chronique obstructive, les bêtabloquants ne sont pas contre-indiqués mais ils doivent être introduits à distance d’un épisode d’exacerbation et le nébivolol, qui est le plus bêta-1-sélectif, et qui pourrait être mieux toléré. En cas d’une survenue d’une hypotension symptomatique sous bêtabloquant, avant de réduire leur posologie, il faut supprimer les autres agents hypotenseurs à l’exception des IEC ou des ARA2, comme les inhibiteurs calciques ou les dérivés nitrés. En cas de bradycardie excessive, chez un patient en rythme sinusal avant de diminuer la dose de bêtabloquants il faut arrêter la digoxine si celleci était prescrite. En cas de survenue d’une décompensation cardiaque aiguë sous bêtabloquants, en l’absence de choc cardiogénique, ceux-ci peuvent être poursuivis, en diminuant éventuellement temporairement leur posologie et en augmentant la dose de diurétiques.   Les diurétiques proximaux Les diurétiques proximaux sont recommandés chez les insuffisants cardiaques avec des symptômes ou des signes cliniques de congestion (recommandations I, B). Ils améliorent les symptômes mais n’ont pas fait l’objet d’essais thérapeutiques étudiant leurs effets sur la morbi-mortalité. Si initialement les diurétiques thiazidiques peuvent suffire, très rapidement les diurétiques de l’anse, dont l’action salidiurétique est plus puissante, s’imposent, notamment en cas d’altération de la fonction rénale avec un DFG < 30 ml/min. Au cours de l’insuffisance cardiaque modérée, il faut commencer par une faible dose et l’augmenter jusqu’à l’amélioration des signes cliniques et des symptômes de congestion. Il faut cibler la posologie minimale efficace, permettant de contrôler les symptômes sans entraîner une stimulation neuro-hormonale accrue, potentiellement délétère à long terme. À distance d’un épisode congestif, qui a pu nécessiter des posologies élevées de diurétiques, après obtention du poids sec, leur posologie doit être progressivement réduite afin d’éviter le risque d’hypotension, de déshydratation et d’insuffisance rénale fonctionnelle. A contrario, dans l’insuffisance cardiaque sévère, les posologies de diurétiques de l’anse devront être progressivement augmentées pour contrôler les symptômes, données alors en plusieurs prises quotidiennes, par exemple le matin et à midi pour lutter contre la réabsorption sodée. Dans les formes les plus sévères, en cas de résistance aux diurétiques, une association de diurétiques de l’anse et de thiazidiques à faible dose peut être bénéfique car synergique, sous surveillance biologique stricte. En cas d’une survenue d’une hypotension, il faut réduire la posologie de diurétiques avant de diminuer les doses d’IEC ou de bêtabloquants. En cas de survenue d’une insuffisance rénale, il faut distinguer les patients en hypovolémie où la posologie des diurétiques doit être réduite, de ceux présentant un rein cardiaque avec inflation hydrosodée où a contrario leur dose doit être majorée. Plus que le dosage des peptides natriurétiques, un contrôle échocardiographique Doppler doit alors être réalisé. Les antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes Les antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes (ARM) sont recommandés : - chez tous les patients demeurant symptomatiques en classe II à IV de la NYHA avec une fraction d’éjection ≤ 35 % malgré un traitement par IEC (ou ARA2 en cas d’intolérance) et bêtabloquants pour diminuer le risque de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations I, A) ; - en association aux IEC et aux bêtabloquants au cours des dysfonctions ventriculaires gauches du post-infarctus chez les patients ayant présenté en phase aiguë une insuffisance cardiaque pour diminuer le risque de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations I, B). Du fait du risque d’hyperkaliémie, que fait courir leur association avec les IEC ou les ARA2, les ARM doivent être réservés aux patients ne présentant pas d’insuffisance rénale sévère, dont le DFG est ≥ 30 ml/min et dont la kaliémie de base est ≤ 5 mmol/l. Si le DFG estimé est ≥ 60 ml/min, ils doivent être initiés à la posologie de 25 mg/j, chez les patients hospitalisés pour décompensation avant la sortie de l’hôpital, et leur posologie peut être doublée après un mois de traitement si les symptômes persistent et la kaliémie ≤ 5 mmol/l. Chez les patients présentant une insuffisance rénale modérée, avec un DFG compris entre 30 et 60 ml/min, ces posologies doivent être diminuées de moitié. Chez tous les patients, une surveillance régulière de la kaliémie et de la créatininémie s’impose et l’emploi de suppléments potassiques est contre-indiqué. Le choix entre les différents ARM dépend de leurs indications, la spironolactone devant être utilisée dans l’insuffisance cardiaque sévère et l’éplérénone chez les patients en insuffisance cardiaque modérée, en stade II, et après un infarctus compliqué de dysfonction ventriculaire gauche. Dans ce cas, une administration précoce entre le 3e et le 7e jour doit être privilégiée car plus efficace pour prévenir le risque de décès. En cas de survenue de gynécomastie, de douleurs mammaires ou de dysfonction érectile sous spironolactone, il faut la substituer par de l’éplérénone qui est mieux tolérée car plus spécifique des récepteurs minéralo-corticoïdes. En termes de puissance d’effets anti-minéralo- corticoïdes, il est admis que 25 mg de spironolactone sont approximativement équivalents à 50 mg d’éplérénone.   La surveillance biologique La surveillance biologique est un temps essentiel lors de la coprescription d’agents bloquant le système rénine-angiotensine-aldostérone. Elle doit être identique lors de l’association aux IEC d’un ARM ou d’un ARA2. La créatinine et la kaliémie doivent être dosées avant le traitement, une semaine et un mois après l’initiation ou chaque augmentation de posologie, puis au long court tous les 6 mois, ou tous les 3 mois en cas d’insuffisance rénale modérée, et surtout au cours des situations cliniques pouvant générer une hypovolémie et donc une insuffisance rénale fonctionnelle (vomissements, diarrhées, fièvre, canicule) pouvant entraîner une hyperkaliémie dont la fréquence est plus importante dans le monde réel qu’au cours des essais thérapeutiques. Si en cours de traitement, la kaliémie est ≥ 6 mmol/l, les ARM ou les ARA2 doivent être arrêtés. En cas de kaliémie comprise entre 5,5 et 5,9 mmol/l, leur dose devra être diminuée de moitié ou le traitement arrêté en fonction du contexte clinique. Pour une kaliémie comprise entre 5 et 5,4 mmol/l, soit leur posologie sera diminuée, soit une surveillance stricte de la kaliémie sera instaurée. Quant à l’utilisation des peptides natriurétiques dans l’optimisation du traitement de l’insuffisance cardiaque, son utilité reste débattue et elle n’est pas actuellement recommandée en particulier chez les sujets âgés.   L’ivabradine L’ivabradine, agent bradycardisant pur, antagonisant les canaux If est indiquée : - chez les patients en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque est ≥ 70 bpm (75 en France) malgré un traitement par une dose maximale tolérée de bêtabloquants, avec une fraction d’éjection ≤ 35 %, demeurant symptomatiques en stade II à IV malgré un traitement par IEC (ou ARA2 en cas d’intolérance) et ARM pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations IIa, B) ; - chez les patients en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque est ≥ 70 bpm ne pouvant tolérer les bêtabloquants, avec une fraction d’éjection ≤ 35 %, traités par IEC (ou ARA2 en cas d’intolérance) et ARM pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations IIb, C). Elle est initiée à la posologie de 5 mg x 2/j et augmentée secondairement à 7,5 mg x 2/j si la fréquence cardiaque n’est pas contrôlée, une valeur de 60 bpm semblant optimale. En cas de survenue d’une fibrillation atriale, elle doit être arrêtée.   La digoxine La digoxine, autre agent chronotrope négatif, peut être utilisée : - chez les patients en rythme sinusal ne pouvant tolérer les bêtabloquants avec une fraction d’éjection < 45 %, traités par IEC (ou ARA2) et ARM, pour diminuer le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations Ib, B), bien que l’ivabradine soit une alternative chez les patients dont la fréquence cardiaque est ≥ 70 bpm ; - chez les patients en rythme sinusal tolérant les bêtabloquants avec une fraction d’éjection ≤ 45 %, traités par IEC (ou ARA2) et ARM, demeurant symptomatiques en stade II à IV, pour diminuer le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandations IIb, B) ; - chez les patients en fibrillation atriale avec une fraction d’éjection ≤ 45 %, elle est indiquée en première intention chez les patients ne tolérant pas les bêtabloquants (recommandations I, B) et en deuxième intention en association aux bêtabloquants en cas de réponse incomplète à ces derniers pour ralentir la fréquence ventriculaire (recommandations IB), qui doit être ramenée au-dessous de 80 bpm au repos et de 110 bpm à l’effort sous-maximal lors du test de marche de 6 minutes. Sa posologie sera adaptée à la fonction rénale, 0,25 mg/j pour un DFG ≥ 60 ml/min, 0,125 mg/j (Hémigoxine®) pour un DFG compris entre 30 et 60 ml/min, 0,0625 mg/j pour un DFG < 30 ml/min. Le taux de digoxine doit se situer entre 0,6 et 1 ng/ml pour rester à distance de la zone toxique. Ses contre-indications sont représentées par les blocs auriculoventriculaires du 2e ou 3e degré et les maladies du sinus non appareillés, ainsi que les syndromes de préexcitation. Chez les patients en rythme sinusal en cas de bradycardie sous l’association digoxine-bêtabloquants, l’emploi de ces derniers doit être privilégié.   Les dérivés nitrés Les dérivés nitrés, s’ils ont démontré à forte posologie chez les sujets noirs américains un bénéfice sur la morbi-mortalité en association avec l’hydralazine au cours de l’étude A-HeFT, ont actuellement une place très limitée dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique en France où l’hydralazine n’est pas commercialisée, utile surtout chez les patients intolérants aux IEC et aux ARA2. Leur utilisation ne doit pas gêner, en favorisant une baisse tensionnelle, l’usage des médicaments à action neuro-hormonale ayant démontré leurs bénéfices sur la mortalité.   Les inotropes positifs Les inotropes positifs sont réservés au traitement du choc cardiogénique, en effet au cours de l’insuffisance cardiaque chronique leur administration par voie orale ou en cure intraveineuse discontinue a systématiquement été associée à une majoration de la mortalité, que ce soit pour les bêtastimulants adrénergiques ou les inhibiteurs des phosphodiastérases. Leur mécanisme d’action final, augmentation de la teneur calcique intramyocytaire qui majore les processus de contraction, pourrait être à l’origine de ses effets délétères, en favorisant les processus d’apoptose.   Les autres thérapeutiques Les autres thérapeutiques testées ces dernières années dans le traitement de l’ICFEA ont abouti à des échecs que ce soit les antagonistes des récepteurs de l’endothéline, les anticytokines, les inhibiteurs des récepteurs de l’hormone antidiurétique ou de l’adénosine et les statines. Alors que l’on aurait pu penser que sous l’effet du double blocage du système rénine-angiotensinealdostérone et du système adrénergique, un seuil plancher audelà duquel il devenait illusoire de vouloir réduire la mortalité était atteint, les résultats de l’étude PARADIGM-HF où le LCZ696 diminue, par rapport à l’IEC de référence l’énalapril, la mortalité cardiovasculaire et totale, le risque de mort subite, et la fréquence des réhospitalisations, indépendamment de l’âge, vont conduire à un profond bouleversement du traitement de l’ICFEA(2).   Le LCZ696 Le LCZ696 est une molécule duale possédant une double action. D’une part, il comprend le sacubitril, un inhibiteur sélectif de la néprilysine, l’endopeptidase neutre, enzyme qui dégrade les peptides natriurétiques (ANP, BNP, CNP), permettant ainsi une augmentation des taux endogènes de ces hormones vasodilatatrices, par un effet médié par la voie du GMP cyclique, natriurétriques, antifibrotiques et antiprolifératives, réduisant l’hypertrophie ventriculaire. D’autre part, il renferme un antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine 2, le valsartan, ce qui permet de diminuer le risque d’effets secondaires par rapport à l’omopatrilat qui agissait comme un IEC et dont le développement avait été interrompu en raison du risque d’angio-œdème lié à l’inhibition de trois enzymes responsables de la dégradation de la bradykinine, l’enzyme de conversion, la néprilysine et l’aminopeptitase P. L’association d’un inhibiteur du SRAA aux inhibiteurs de la néprylisine est nécessaire du fait de l’augmentation de l’angiotensine 1 et 2 ainsi que de l’endothéline qu’ils génèrent qui induiraient en cas d’utilisation isolée un effet vaso-constricteur. L’essai PARADIGM-HF est le plus grand essai sur le plan numérique réalisé dans l’ICFEA. Pour être inclus, les patients devaient être stables en stade II à III de la NYHA malgré un traitement par IEC (ou ARA2) et bêtabloquants, présenter une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 35 % et un taux de BNP > 100 pg/ml en cas d’hospitalisation pour décompensation dans les 12 mois précédents ou un BNP > 150 pg/ml dans les autres cas, avec une PAS > 95 mmHg, un DFG > 30 ml/min et une kaliémie < 5,4 mmol/l. À l’issue d’un suivi moyen de 27 mois, les résultats sont sans appel, le LCZ696 diminuant significati vement par rapport à l’énalapril de 20 % le critère primaire du fait d’une réduction de ces deux composants, 20 % pour les décès cardiovasculaires et 21 % pour la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de 16 % la mortalité totale. Le LCZ696 est globalement bien toléré, seuls les hypotensions symptomatiques étant plus fréquentes (14 vs 9,2 %), bien que conduisant exceptionnellement à un arrêt du produit, alors que la toux, une élévation du taux de créatinine > 2,5 g/l ou une hyperkaliémie > 6 mmol/l se sont révélés moins fréquents. Quant aux angio-œdèmes, ils sont restés exceptionnels, aucun ne compromettant la liberté des voies aériennes. Les résultats complémentaires récemment publiés(3) portent sur les modes de décès, le LCZ696 réduisant significativement aussi bien les morts subites (-20 %) que les décès par insuffisance cardiaque terminale (-21 %) et sur la progression de la maladie chez les patients survivants(4). Le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque est réduit par le LCZ696 qui diminue significativement, par rapport à l’énalapril, de 23 % le nombre d’hospitalisations globales pour insuffisance cardiaque, et ce dès le 30e jour après la randomisation, de 16 % le taux d’admission à l’hôpital quelle qu’en soit la cause, de 30 % le nombre de visites pour insuffisance cardiaque aux départements d’urgence et de 18 % le taux d’admission en soins intensifs. De plus, le LCZ696 réduit significativement de 16 % la nécessité d’une intensification du traitement de l’insuffisance cardiaque, de 31 % le recours aux inotropes intraveineux et de 22 % le taux d’implantation d’un stimulateur multisite ou d’une assistance circulatoire ou de réalisation d’une greffe cardiaque. L’étude des biomarqueurs de stress et de souffrance myocardique éclaire le mécanisme de ces effets favorables du LCZ696, les taux de NTproBNP et de troponine T étant significativement diminués sous LCZ696 par rapport à l’énalapril, tant à court (4 semaines) qu’à moyen terme (8 mois), alors que logiquement les taux de BNP et de GMP cyclique urinaire s’élèvent conformément aux mécanismes d’action du produit. Ainsi le LCZ696 diminue par rapport aux IEC non seulement le risque de décès, mais également celui d’aggravation de la maladie insuffisance cardiaque, réduisant la nécessité de recourir aux services de soins d’urgence ou de majorer le traitement, effets suggérant une diminution des coûts de prise en charge. Cette action bénéfique apparaît précocement dès le 1er mois, se poursuit au long cours et est indépendante de l’âge(5). Dans la pratique quotidienne, s’il est utilisé en remplacement des IEC ou des ARA2, le LCZ696 sera débuté à 100 mg x 2/j le lendemain de la dernière prise du précédent bloqueur du SRA puis augmenté au bout d’une semaine à 200 mg x 2/j en l’absence d’hypotension. Par contre, s’il est donné en première intention, un schéma d’administration plus progressif devra être proposé avec un dosage initial à 50 mg x 2/j. Dans la mesure du possible, il faudra systématiquement cibler la dose de 200 mg x 2/j qui seule assure un blocage optimal de la néprilsine. Quant à la surveillance des peptides natriurétiques sous ce traitement, elle devra reposer sur la mesure des taux de NT-proBNP et non de ceux du BNP qui sont élevés initialement par la prise du produit, ne reflétant plus alors l’état hémodynamique du patient.   Traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée   Aucun traitement n’ayant à ce jour démontré de bénéfice au cours de l’ICFEP, son traitement demeure empirique, basé sur des concepts physiopathologiques. En l’absence de médicaments lusinotropes positifs utilisables en pratique, deux voies sont possibles pour améliorer le remplissage ventriculaire gauche : ralentir la fréquence cardiaque afin d’augmenter la durée du remplissage et améliorer la compliance ventriculaire gauche.   Les médicaments chronotropes négatifs Les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques à tropisme cardiaque, notamment le vérapamil, ont fait l’objet de quelques petites études démontrant leurs bénéfices uniquement sur l’hémodynamique ventriculaire gauche ou l’amélioration des symptômes, en particulier en cas de fréquence cardiaque est ≥ 70 bpm. Plus récemment, l’étude SENIORS a démontré le bénéfice du nébivolol sur la morbi-mortalité des patients insuffisants cardiaques âgés de plus de 70 ans quelle que soit la valeur de la fraction d’éjection.   Les médicaments bloquant le système rénine-angiotensine-aldostérone Le rôle joué par l’angiotensine 2 dans les processus d’hypertrophie ventriculaire gauche et de réduction de la relaxation myocardique et de la distensibilité ventriculaire, ainsi que les effets de l’aldostérone sur la fibrose myocardique, sont à la base de leur utilisation au cours de l’ICFEP. Les IEC et les ARA2 possèdent ainsi une action lusinotrope positive et surtout font régresser, chez les patients hypertendus, l’hypertrophie ventriculaire gauche améliorant la compliance ventriculaire. Les IEC n’ont cependant pas démontré de bénéfices sur la morbi-mortalité au cours de l’ICFEP dans l’étude PEP-CHF. Les nombreux billets de cette étude (arrêt des traitements, utilisation d’un IEC en ouvert chez près de 40 % des patients…) rendent néanmoins illusoires l’interprétation de ces résultats. Les ARA2 ont démontré leur efficacité sur la régression de l’hypertrophie ventriculaire gauche et l’amélioration des paramètres de la fonction diastolique au cours de l’étude LIFE. Cependant, les études CHARM-Preserved et I-PRESERVE n’ont pu démontrer de bénéfices sur la morbimortalité, respectivement du candésartan et de l’irbésartan au cours de l’ICFEP. Il est ainsi possible qu’à la différence de l’ICFEA, la mortalité au cours de l’ICFEP provienne avant tout de l’étiologie sous-jacente et que le traitement de la dysfonction diastolique améliore essentiellement les symptômes sans modifier le pronostic vital. Néanmoins les patients présentant une ICFEP étant le plus souvent hypertendus, les bloqueurs du système rénine-angiotensine méritent d’être utilisés, le contrôle tensionnel étant un élément essentiel du traitement pour faire régresser l’hypertrophie ventriculaire gauche et éviter les poussées tensionnelles, facteurs fréquents de décompensation. Ils devront être utilisés d’emblée à pleine dose, à la différence de l’ICFEA, puisque leur effet antihypertenseur est recherché. Un contrôle de la fonction rénale reste nécessaire lors de leur introduction du fait du risque de sténose des artères rénales au cours de l’ICFEP. Quant aux ARM, ils ne se sont pas révélés davantage efficaces, la spironolactone réduisant uniquement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque sans effets sur la mortalité au cours de l’étude TOPCAT. L’essai PARAGON-HF, qui est en cours de recrutement, où le LCZ696 est comparé au valsartan, nous informera sur son efficacité dans l’ICFEP, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (première et récurrentes) faisant partie du critère principal composite à côté des décès cardiovasculaires. Ses actions vasodilatatrices et natriurétiques, secondaires à la nondégradation des peptides natriurétiques sous l’effet de l’inhibition de la néprilysine, devraient être bénéfiques au cours de ce syndrome qui est autant une maladie vasculaire que cardiaque, comme le suggèrent les résultats de l’essai preuve de concept PARAMOUNT qui a observé, sous l’effet du LCZ696, une diminution du NT-proBNP dans l’ICFEP.   Les diurétiques proximaux Les diurétiques proximaux devront être utilisés à la posologie minimale efficace, adaptés au degré d’inflation hydrosodée, et il ne faudra pas hésiter à les arrêter chez les patients stabilisés, un régime sans sel modéré, entre 4 et 6 g, pouvant être suffisant. En fonction de la sévérité des symptômes et du niveau de la fonction rénale, le choix se portera soit sur les thiazidiques, soit sur les diurétiques de l’anse. Leur posologie doit, en dehors des rares cas de cardiopathie restrictive, être moindre que dans l’ICFEA, en effet une même diminution des pressions de remplissage entraîne dans l’ICFEP une diminution du volume télédiastolique et ainsi du débit cardiaque plus importante qu’au cours de l’ICFEA du fait d’une pente plus aiguë de la relation pression/volume télédiastolique, ce qui peut favoriser la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle.     En pratique    Guidé par les recommandations, le traitement médical de l’ICFEA doit être standardisé, en s’efforçant d’obtenir les posologies optimales, c’est-à-dire les plus élevées possibles en fonction de la tolérance des patients, pour les IEC ou les ARA2 et les bêtabloquants. En cas d’association aux IEC ou aux ARA2 d’un ARM, une surveillance biologique stricte s’impose. Quant au traitement de l’ICFEP, il diffère finalement peu de celui de l’ICFEA, également basé, même si le niveau de preuve est moindre, sur les bêtabloquants et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine, seule la posologie des diurétiques proximaux, en règle inférieure et l’absence de recours aux digitaliques l’en séparant. La mise à disposition du LCZ696 va bouleverser ce schéma, notamment s’il se révèle également positif dans le traitement de l’ICFEP. Ces progrès thérapeutiques ne seront cependant efficaces que si deux conditions sont respectées : le suivi des recommandations par les médecins, qui est bon pour le choix des médicaments mais non optimal pour leur posologie, et l’observance du traitement par les patients, qui est majoré par l’éducation thérapeutique qu’il faut généraliser, permettant une meilleure adhésion des patients. 

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