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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 30 sep 2015Lecture 7 min

FA et SCA : quelle attitude adopter ?

P. DEHARO, T. CUISSET, CHU La Timone, Marseille

La maladie coronaire demeure une des principales causes de mortalité en France. Le syndrome coronarien aigu (SCA) concerne environ 100 000 patients par an en France. On observe une diminution globale de l’incidence des SCA ST+. À l’inverse, les diagnostics de SCA ST- sont en augmentation(1). Le traitement du SCA est basé sur un traitement antiagrégant plaquettaire puissant associé à une revascularisation en urgence en cas de SCA ST+ ou différée 24 à 48 heures après le diagnostic en cas de SCA ST-(2). La fibrillation atriale est une maladie fréquente dont l’incidence accroît avec le vieillissement de la population pour concerner plus de 5 % de la population de plus de 80 ans. L’association FA et SCA est fréquente et représenterait environ 14 % des cas(3).

Le principal risque lié à l’apparition d’une fibrillation atriale est thromboembolique. Les recommandations européennes de 2013 ont introduit en remplacement du score de CHADS, le score CHA2DS2-VASc (C = insuffisance cardiaque, hypertension, âge ≥ 75 ans, diabète, accident embolique, maladie vasculaire, âge ≥ 65 ans, sexe féminin) indiquant une anticoagulation au long cours pour un score ≥ 1. Le score de HASBLED est un outil qui permet d’évaluer le risque hémorragique (hypertension, insuffisance hépatique ou rénale, accident vasculaire cérébral, antécédent hémorragique, INR labiles, âge > 65 ans, consommation d’alcool)(4). Les anticoagulants oraux directs (AOD) et les anti-vitamine K (AVK) sont le traitement de référence pour la prévention des accidents ischémiques dans la FA. La problématique de la prise en charge du SCA chez les patients porteurs d’une FA est donc d’actualité du fait d’une incidence en augmentation, d’un pronostic péjoratif (mortalité multipliée par 3 dans le SCA en cas de FA) et de la difficulté de traiter ces patients au quotidien(5). Le traitement anticoagulant indiqué pour la FA augmente le risque hémorragique global des patients présentant un SCA ; et à l’inverse son interruption augmente le risque thrombo embolique(5). L’association FA et SCA est donc une situation à haut risque qui nécessite une prise en charge standardisée et individualisée. La balance bénéfice ischémique/risque hémorragique guide la prise en charge à chaque étape.   Comment prendre en charge un SCA chez un patient porteur d’une FA (tableau) Du fait de l’exclusion des patients porteurs d’une indication d’anticoagulation au long cours des essais randomisés de prise en charge du SCA, le traitement optimal reste discuté. Les essais TRITON et PLATO ont mis en évidence la supériorité des nouveaux antiagrégants plaquettaires (prasugrel et ticagrelor) versus clopidogrel malgré un sur-risque hémorragique(6,7). Ils sont donc le traitement recommandé en cas de SCA. Il est maintenant bien défini que la stratégie consistant à donner un prétraitement antiplaquettaire préhospitalier doit être réservée aux SCA ST+(2). Dans le cadre des patients en FA avec indication d’anticoagulation, on préconisera l’emploi du clopidogrel (300 à 600 mg) comme prétraitement du fait de l’absence d’évaluation des nouveaux antiplaquettaires et de leur sur-risque hémorragique majoré par le traitement anticoagulant. Quel que soit le traitement anticoagulant du patient, on préconise en cas d’angioplastie coronaire l’addition de faibles doses d’héparine (2 000 UI). Dans le SCA ST- l’angioplastie est différée de 24 à 48 heures. Un traitement par AVK ne doit pas être interrompu du fait de preuves que la poursuite du traitement au long cours est associée à moins de complications hémorragiques qu’une stratégie de relais. On contrôlera l’INR des patients avec objectif entre 2 et 3. Lors de l’angioplastie coronaire, il n’est pas indiqué de bolus d’anticoagulants. Chez les patients traités par AOD, la stratégie est moins consensuelle et les recommandations proposent (sans preuve scientifique) l’interruption durant 24 à 48 heures du traitement en cas de SCA ST- associé à un relais par anticoagulant intraveineux au moment de la stratégie invasive. Dans tous les cas la voie radiale sera préconisée du fait d’un risque hémorragique moindre associé à une mortalité moindre, les antirécepteurs Gp2b3a étant réservés à des situations exceptionnelles à très haut risque thrombotique. Le dogme de l’implantation d’un stent nu (bi-antiagrégation [biAAP] de 4 à 6 semaines) chez les patients sous anticoagulants au long cours a récemment été remis en cause. Les stents actifs de première et deuxième génération nécessitaient des durées de biAAP de 6 à 12 mois du fait d’un risque de thrombose de stent élevé. L’apport des stents actifs de dernière génération a modifié les pratiques. En effet, ces stents ont une thrombogénicité très faible et autorisent une biAAP plus courte et quasiment équivalente aux stents nus tout en diminuant le taux de resténose au long cours, principale limite des stents nus(8). Ils ont démontré leur supériorité dans la maladie coronaire stable, et leur utilisation dans le SCA semble possible. On peut donc recommander l’emploi préférentiel de stent actif de dernière génération en cas de SCA chez un patient en FA.   Quel traitement antithrombotique à la sortie du patient ? Les scores permettant d’évaluer la balance ischémie/hémorragie partagent la plupart des variables expliquant la dif ficulté de l’évaluation du risque et du choix des traitements. Une triple thérapie (biAAP + anticoagulant) reste la règle depuis l’essai ACTIVE-W qui a été arrêté précocement devant une supériorité des anticoagulants en comparaison à une biAAP dans la prévention du risque embolique de la FA(9). Néanmoins, cette triple thérapie est responsable d’un sur-risque hémorragique en comparaison à une biAAP. Les données de l’étude WOEST montrent que l’utilisation de clopidogrel associé à une anticoagulation serait le meilleur compromis versus une triple thérapie (avec AVK). Dans cette étude sur 573 patients, l’utilisation de clopidogrel et anticoagulant sans aspirine durant 1 an après l’implantation de stent est associé à une réduction des événements hémorragiques (19,5 % vs 44,9 % ; p < 0,00001) sans sur-risque thrombotique (11,3 vs 17,7 % ; p = 0,025) (figure 1)(10). Cette étude incluait 30 % de patients avec SCA. Du fait d’un niveau de preuve limité, on réservera cette attitude aux patients à risque hémorragique très élevé associé avec un risque thrombotique faible. Dans le cadre d’une triple thérapie les nouveaux anti-plaquettaires ont peu été évalués mais sont responsables d’un risque hémorragique très é l evé en compa r a i son au clopidogrel et doivent donc être évités(11). Figure 1. Étude WOEST. Les AOD ont tous montré un bénéfice sur le risque hémorragique en comparaison aux AVK dans la FA, notamment sur le risque d’hémorragie intracrânienne mais demeurent peu étudiés dans le SCA. En association avec l’aspirine, les AOD (principalement l’apixaban) sont aussi à l’origine d’une réduction du risque hémorragique versus AVK. La métaanalyse la plus récente ne montre pas de différence entre les AOD et les AVK sur le critère infarctus du myocarde(12). Ces AOD n’ont pas été évalués en association de type triple thérapie, toutefois l’usage des AOD semble être une alternative envisageable aux AVK en association aux antiplaquettaires, en privilégiant plutôt les doses faibles. De façon pratique, il ne semble pas nécessaire en cas de SCA avec angioplastie chez un patient sous AOD, de switcher aux AVK compte tenu d’une coprescription d’antiplaquettaire(s).   Pour quelle durée et quelle dose ? La triple thérapie est associée à un sur-risque hémorragique qui peut affecter le bénéfice global du traitement. De ce fait, elle doit être limitée. L’étude ISARTRIPLE (Triple Therapy in Patients on Oral Anticoagulation After Drug Eluting Stent Implantation) compare 6 semaines versus 6 mois de triple thérapie (clopidogrel et AVK) chez des patients avec implantation de stent actif sur un critère de décès, infarctus, thrombose de stent, AVC ischémique et hémorragie. Les premiers résultats ont été annoncés au Transcatheter Cardiovascular Therapeutics 2014 et montrent que réduire la durée de triple thérapie n’est pas associée avec une augmentation des événements ischémiques. Les AOD sont également en cours d’évaluation (A Study Exploring Two Strategies of Rivaroxaban and One of Oral Vitamin K Antagonist in Patients With Atrial Fibrillation Who UndergoPercutaneous Coronary Intervention [PIONEER AF-PCI], clinicaltrials. gov identifié NCT01830543). Cet essai concerne des patients en FA avec angioplastie coronaire qui sont randomisés en trois groupes : triple thérapie avec AVK ou rivaroxaban (2,5 mg x 2), aspirine, et clopi dogrel (clopidogrel interrompu à 1, 6, ou 12 mois) ; ou rivaroxaban 15 mg par jour (10 mg si insuffisance rénale modérée) et clopidogrel. Dans un petit nombre de cas, les nouveaux antiagrégants seront autorisés. Le critère de jugement principal sera un critère composite : les saignements majeurs et mineurs (classification TIMI). Le critère secondaire sera ischémique (décès cardiovasculaire, infarctus, AVC et thrombose de stent). Un essai avec le dabigatran 150 mg ou 110 mg associé à une mono-antiagrégation plaquettaire (clopidogrel ou ticagrelor) versus une triple thérapie avec AVK (Randomized Evaluation of Dual Therapy with Dabigatran versus Triple Therapy Strategy with Warfarin in Patients with nonvalvular atrial fibrillation that have undergone PCI with Stenting [RE-DUAL PCI]) a été annoncé. La durée de triple thérapie doit donc être adaptée à la balance bénéfice/risque individuelle mais dans tous les cas la plus courte possible. En cas de nouveau stent actif implanté, on peut préconiser 6 semaines de triple thérapie suivie de l’association clopidogrel et anticoagulant durant un an. Chez les patients à très haut risque hémorragique, on préconisera l’association clopidogrel et anticoagulant pour un an sans biAAP. Après un an, l’association d’un antiagrégant à l’anticoagulation indiquée pour la FA n’est pas consensuelle. En effet, un traitement par AVK augmente le risque hémorragique global sans réduire le risque ischémique chez des patients coronariens stables. Néanmoins, les anticoagulants sont connus de longue date pour ne pas prévenir du risque de thrombose de stent. Un an après un SCA, le patient peut être considéré comme stable et on préconisera chez les patients sans récidive une anticoagulation seule (figure 2).  Figure 2. Traitement après SCA et FA.   En pratique   La prise en charge d’un SCA chez un patient en FA n’est pas une situation rare. Le pronostic de ces patients est sévère et la prise en charge difficile du fait d’un sur-risque hémorragique associé aux traitements antithrombotiques. L’association d’un anticoagulant et d’une bi-antiagrégation plaquettaire est nécessaire mais sa durée doit être la plus courte possible pour conserver le bénéfice ischémique. La balance bénéfice/risque guide à chaque étape la stratégie thérapeutique. 

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