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Congrès et symposiums

Publié le 14 jan 2015Lecture 10 min

AHA - Cru 2014 : le nombre croissant des études institutionnelles

Y. COTTIN, CHU de Dijon

La récolte 2014 a été de grande qualité avec de nombreuses études majeures dans des thématiques très variées allant de l’endocardite infectieuse à la durée de la bithérapie mais le fait le plus marquant de cet AHA est le nombre croissant des études institutionnelles émanant du NICE ou du NIH. 

Réparer ou ne pas réparer une valve mitrale ?   La prise en charge des insuffisances mitrales (IM) modérées chez les patients devant bénéficier de pontages aorto-coronariens reste complexe, un travail du NIH (National Institutes of Health) a été présenté à l’AHA, et publié parallèlement par Smith dans le New England Journal of Medicine. En effet, il s’agit d’une problématique fréquente car elle concerne 10 % des patients et la présence d’une IM modérée est associée à un mauvais pronostic postopératoire. Les recommandations actuelles n’apportent pas de solution et placent la chirurgie réparatrice en classe IIb(1). Le critère d’inclusion dans cette étude était IM modérée sur l’échocardiographie de repos préopératoire avec une évaluation précise de l’IM selon les critères de la Société américaine d’échocardiographie(2), pour exemple une PISA entre 0,2 et 0,39 cm2 ou un volume de régurgitation sur volume de l’oreillette entre 20 et 39 %. Ce travail a inclus 301 patients randomisés en 2 groupes : 1/ pontages seuls ou 2/pontages associés à une chirurgie réparatrice de la valve mitrale. Les auteurs ne mettent en évidence aucune différence pour le critère principal qui était l’évolution du volume ventriculaire gauche à 1 an, mais surtout une absence d’impact sur la mortalité totale ou les événements cardiovasculaires (figures 1 et 2). En revanche, il existe une augmentation significative des événements neurologiques et des passages en fibrillation atriale chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie réparatrice, respectivement 8 % vs 2 % (p = 0,03) et 18 % vs 8 % (p = 0,03). Enfin, à un an, il n’existe pas de différence en termes de qualité de vie entre les 2 groupes. Pour les auteurs, le délai reste trop court et une analyse à 5 ans est prévue dans le design de l’étude. De plus, ces derniers soulignent que les patients inclus avaient des dilatations ventriculaires gauches plus faibles qu’attendu. Mais pour beaucoup d’experts, c’est le moment et la technique optimale d’évaluation qui sont cruciales, en particulier avec le screening par l’ETO per-opératoire et/ou l’échocardiographie d’effort préopératoire. Figure 1. Mortalité totale. Figure 2. Événements cardiovasculaires.   L’augmentation des endocardites infectieuses en Angleterre, un réel signal ?   Historiquement, l’antibioprophylaxie était recommandée avant des soins dentaires chez les patients à haut risque. En Angleterre, depuis mars 2008, pour le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence), l’antibioprophylaxie ne doit plus être systématique et l’on sait que l’impact est immédiat dans la pratique chez nos collègues anglais. Dans ce contexte, l’équipe de M.J. Dayer a investigué les relations possibles entre la prescription d’une antibioprophylaxie (AP) et le nombre de cas d’endocardite infectieuse (EI). À partir des bases nationales, sur la période de janvier 2004 à mars 2013, les auteurs ont déterminé l’AP par la prescription d’une simple dose de 3 g d’amoxicilline ou de 600 mg de clindamycine, et dans le même temps les hospitalisations pour EI ont été évaluées. L’impact du NICE est clairement démontré avec un nombre de prescriptions mensuelles de 10 900 entre janvier 2004 et mars 2008, qui baisse à 2 236/mois entre avril 2008 et mars 2013 (p < 0,001). Concernant l’EI, le nombre de cas était de 0,11 cas pour 10 millions d’habitants par mois soit 140 cas mensuels et les auteurs observent une augmentation croissante depuis mars 2008 au-dessus de la projection attendue (IC95 % : 0,05- 0,16 ; p < 0,0001) (figure 3). Pour exemple en mars 2013, c’est 175 nouveaux cas, soit 35 cas supplémentaires. Les auteurs précisent également que l’augmentation des EI concerne aussi bien les patients à haut risque que les patients à bas risque EI. L’interprétation est bien sûr difficile et pose 2 questions : - premièrement, l’existence d’un lien direct avec des arguments en faveur : a) l’utilisation de bases nationales avec des codages fiables, et b) une association temporelle, et des arguments « contre » : a) l’absence de contrôle individuel et b) surtout l’absence de données sur le délai entre les soins et les hospitalisations pour EI ; - deuxièmement, le lien de causalité directe – l’argument biologique plausible est que moins d’antibiotique prescrit est associé à plus d’infection – semble pertinent, mais à ce jour les données sur les germes et les portes d’entrée ne sont pas disponibles. Ce type de travail est important car il montre les possibilités des « Big Datas » à l’échelle d’un pays, et nous devons savoir que de nouvelles techniques de chaînages permettront à très court terme, à l’échelle d’un individu, de coupler les résultats biologiques et/ou des actes techniques pour apporter encore plus d’informations. Figure 3. Toutes les hospitalisations (NHS, Royaume-Uni). Le graal du dépistage de la coronaropathie chez le patient diabétique   Depuis près de 20 ans, de nombreux travaux ont testé l’intérêt du dépistage systématique de la coronaropathie chez le patient diabétique. À ce jour, il n’existe aucune indication de dépistage dans les recommandations européennes et/ou américaines chez le patient asymptomatique mais seulement la réalisation d’un électrocardiogramme. L’équipe de Johns Hopkins réitère la question avec comme méthode de screening le scanner coronaire. Les patients inclus étaient des hommes de plus de 50 ans ou des femmes de plus de 55 ans avec un diabète de plus de 3 ans, ou des hommes de plus de 40 ans ou des femmes de plus de 45 ans avec un diabète de plus de 5 ans. Tous les patients bénéficiaient d’un traitement antidiabétique depuis au moins un an. Comme dans toutes ces études les coronariens étaient exclus, comme les patients symptomatiques. C’est donc 44 centres qui ont inclus 900 patients, randomisés en 2 groupes : 448 « screenés » par un scanner coronaire et 452 patients sans dépistage. L’ensemble des patients recevaient un traitement médical optimisé avec comme objectif : a) une HbA1c < 7,0 %, un LDL-C < 100 mg/dl, et une pression artérielle systolique < 130 mmHg. Le critère principal de jugement était un critère combiné incluant : décès toutes causes, infarctus non fatal et hospitalisation pour angor instable ; avec un suivi de 4 ans. L’originalité de ce travail est d’avoir utilisé le score calcique mais également la détermination des sténoses. Le premier résultat confirme que les atteintes coronaires sont fréquentes : 41 % des patients présentent un score calcique > 100, et 24 % ont un score entre 11 et 100 ; de plus, chez 11 % des patients, il existe des sténoses ≥ 70 %, et des sténoses entre 50 et 70 % chez 12 % d’entre eux. Malgré un taux de revascularisation plus important chez les diabétiques dépistés, pour le critère principal aucune différence significative n’est mise en évidence entre les 2 groupes, 7,6 % vs 6,2 % (p = NS) (figure 4). Cette nouvelle étude publiée dans le JAMA est donc négative et renforce le concept de l’optimisation du traitement médical ; en effet, le taux d’événements annuel est très faible dans les 2 groupes (entre 1,6 et 1,9 %), et surtout le pourcentage de contrôle de l’ensemble des facteurs de risque est de 80 %. Ces travaux négatifs sont peu médiatisés mais ils apportent de réelles réponses aux questions quotidiennes de notre pratique. Figure 4. Dépistage de la maladie coronaire chez le diabétique. 6 mois, 12 mois, 24 mois, à vie la bithérapie ?   Il existe des recommandations récentes de l’ESC pour la durée des bithérapies antiagrégantes après une angioplastie avec mise en place d’un stent dans le contexte de l’angor stable mais également après un syndrome coronarien aigu. Le débat est complexe car les études présentées incluent pour certaines uniquement des stents actifs de première génération, pour d’autres uniquement des stents actifs de deuxième génération, et enfin d’autres encore ont inclus tous types de stents, mais surtout ces études ont testé soit un raccourcissement des durées (6 vs 12 mois) soit une prolongation au-delà du 12e mois.   Réduire la durée de la bithérapie antiagrégante   L’étude ISAR-SAFE a inclus 4 000 patients après implantation d’un stent actif, quelle que soit la génération, et a randomisé les patients au 6e mois en 2 groupes : 1/ soit une bithérapie aspirine + clopidogrel du 6e au 12e mois, 2/ soit une monothérapie par aspirine seul. Il faut souligner que les stents actifs de première génération représentaient seulement 10 % des patients et surtout que les patients randomisés étaient toujours sous bithérapie au 6e mois. Ce dernier point est en effet fondamental, car dans le vrai, l’arrêt de la bithérapie est extrêmement fréquente dans les 6 premiers mois après stenting, entre 10 et 30 %. Le critère de non-infériorité de jugement était un critère combiné à 9 mois incluant : le décès, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, ou une hémorragie majeure selon la classification TIMI. Aucune différence significative n’est mise en évidence entre les 2 groupes (figure 5). Figure 5. ISAR-SAFE. Néanmoins, il faut observer que dans l’étude ISAR-SAFE il n’existe pas de sur-risque hémorragique associé à la durée du traitement (0,2 vs 0,3 %, p = NS) contrairement au travail de référence de Valgimigli(3) qui mettait en évidence une augmentation des hémorragies majeures avec la durée de 12 mois par rapport à 6 mois, respectivement, 7,4 vs 3,5 % (p = 0,002). L’explication principale est que les patients de l’étude Prodigy étaient randomisés avant l’angioplastie, contrairement à l’étude ISARSAFE qui n’a inclus que des patients tolérant la bithérapie 6 mois. L’étude française ITALIC, présentée à l’AHA, et publiée dans le JACC, est très originale, en effet elle n’a inclus qu’un seul type de stent de dernière génération (X-science) et surtout les auteurs ont réalisé systématiquement un test de bonne réponse à l’aspirine avant la randomisation. Deux durées de bithérapie ont été testées : 6 vs 24 mois avec comme critère de jugement, un critère de non-infériorité combiné à 12 mois de la randomisation incluant : le décès, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, la revascularisation du vaisseau coupable ou une hémorragie majeure selon la classification TIMI. À un an, aucune différence significative n’est mise en évidence entre les 2 groupes de durée de traitement, respectivement 1,5 vs 1,6 % pour le critère principal (figure 6). Mais un autre résultat est majeur, 7 % des patients sont non répondeurs à l’aspirine, et ce travail pose donc la question d’un test systématique avant l’arrêt de la bithérapie. Néanmoins, il faut souligner que les données de ces patients ne sont pas encore disponibles, mais il est clairement établi que la résistance à l’aspirine est associée à un risque accru d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral ou de décès cardiovasculaire. La nonréponse et l’adaptation sont des problématiques différentes, en effet l’étude française ARCTIC qui avait pour but le monitorage et l’adaptation des doses a été négative, mais là encore, les tests d’agrégation étaient réalisés avant l’angioplastie et ils évaluaient l’aspirine et le clopidogrel. Il reste d’autres questions comme celle des bithérapies associant l’aspirine aux nouveaux antiagrégants, de l’intérêt de la monothérapie avec un inhibiteur de P2Y12 au lieu de l’aspirine. Figure 6. ITALIC. Augmenter la durée de la bithérapie antiagrégante   L’étude DAPT pour « Dual Anti- Platelet Therapy Beyond One Year After Drug-eluting Coronary Stent Procedures » a fait débat, en effet elle tentait de répondre à la question de l’intérêt de prolonger la bithérapie au-delà du 12e après implantation d’un stent actif. Dans cette étude seulement, les patients toujours sous bithérapie au 12e mois étaient randomisés, et en conséquence tous ces patients sont des « tolérants » de la bithérapie et en particulier ces patients n’avaient pas présentés d’hémorragies majeures ou mineures. Après la randomisation, les patients étaient traités par : aspirine seule, ou maintien de leur bithérapie (aspirine + clopidogrel ou aspirine + prasugrel) entre le 12e et le 30e mois, puis l’ensemble des patients était maintenu sous aspirine seule pendant 3 mois. Au 33e mois, les auteurs observent une réduction des thromboses de stents dans le groupe ayant bénéficié du maintien de la bithérapie, respectivement, 0,7 vs 1,4 % (p < 0,001), mais également d’une réduction du critère combiné (décès, infarctus, AVC) 5,6 vs 6,5 % (p = 0,02). En revanche, il existe une augmentation significative des hémorragies modérées ou sévères (2,5 vs 1,6 % ; p = 0,001). Mais l’information majeure de ce travail est une augmentation de la mortalité non cardiovasculaire dans le groupe maintien de la bithérapie, 1,0 vs 0,5 % (p = 0,002). Les résultats de DAPT sont donc, à ce jour, non applicable en pratique clinique, et l’administration américaine attend donc des données complémentaires avant de donner de nouvelles recommandations. Les stents de première génération sont associés à une augmentation des thromboses de stent dans les études randomisées mais également dans les registres, conduisant dans le monde réel à une augmentation de la durée de traitement. Les résultats spécifiques de l’étude DAPT chez les patients ayant bénéficié de l’implantation d’un stent au paclitaxel ont été présentés. Il existe à 30 mois, une réduction du critère principal (décès, infarctus ou AVC) 5,8 vs 9,4 % (p < 0,001) et des thromboses de stent probables ou certaines, 0,8 vs 2,9 % (p < 0,001). Mais les auteurs n’observent pas d’augmentation des hémorragies sévères. Le débat de la durée de la bithérapie reste donc ouvert, mais les prochaines études seront de plus en plus ciblées avec de nombreux paramètres comme la génération du stent, les caractéristiques des lésions traitées, mais également du réseau coronaire et des résultats de tests biologiques. 

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