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Coronaires

Publié le 31 oct 2014Lecture 6 min

Faut-il toujours une revascularisation chirurgicale complète tout artériel ?

S. CHOCRON, Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Jean Minjoz, Besançon

La revascularisation chirurgicale complète tout artériel ne pose des problèmes techniques que sur les atteintes tritronculaires. Les atteintes uni- ou bitronculaires sont plus à même d’en bénéficier facilement. Nous centrons cette étude sur les patients tritronculaires. 

Il existe plusieurs définitions de la revascularisation complète : - toute coronaire > 1 mm de diamètre est revascularisée ; - toute coronaire > 1,5 mm de diamètre est revascularisée ; - implantation d’au moins un greffon sur chacun des trois territoires du cœur. Pour notre part, nous pensons que la dernière définition est la plus pertinente, parce que la plus objective. Il est difficile, que ce soit sur la coronarographie ou en per-opératoire de déterminer précisément le diamètre d’une artère coronaire.   Nous sommes encore loin, dans la pratique quotidienne, de la revascularisation tout artériel. Dans l’étude « SYNTAX »(1), alors que les recommandations faites dans le design de l’étude précisaient qu’il fallait tendre vers une revascularisation complète, et que la revascularisation artérielle était fortement recommandée, seuls 28 % des patients ont bénéficié de l’utilisation des 2 artères mammaires internes (AMI), alors que la revascularisation chirurgicale complète tout artériel n’a concerné que 19 % des patients de cette étude. De façon similaire, l’étude prospective randomisée en cours « ART »(2), qui compare les pontages avec 2 AMI aux pontages utilisant 1 seule AMI laisse la possibilité, dans le bras double mammaire, de compléter la revascularisation par des greffons veineux ou artériels.   L’intérêt de la revascularisation tout artériel   Les meilleurs greffons artériels actuellement disponibles sont les 2 artères mammaires internes, leur perméabilité, similaire pour la droite et la gauche, est de 94 à 98 % à 1 an, et de 92 à 96 % à 10 ans. Ces chiffres tombent à 85 % à 1 an et 80 % à 10 ans pour l’artère radiale et l’artère gastro-épiploïque. Ils sont de 25 % à 10 ans pour les greffons saphènes. Il paraît logique d’utiliser les greffons ayant la meilleure perméabilité à long terme. L’utilisation des 2 AMI donne un bénéfice en termes de survie de 20 % par rapport à l’utilisation d’une seule AMI(3). Il existe plus de 3 000 publications comparant l’utilisation des 2 AMI versus 1 AMI. Certes, ces études ne sont pas prospectives randomisées, mais sont toutes concordantes En 1999, Lytle(4), avait déjà montré une survie améliorée et une diminution du nombre de réinterventions par l’utilisation des 2 AMI comparée à l’utilisation d’une seule AMI. D.P. Taggart et coll.(1), en 2001, dans une métaanalyse sur 15 962 patients ont montré que l’utilisation des 2 AMI donne un bénéfice en termes de survie de 20 % par rapport à l’utilisation d’une seule AMI.   L’intérêt de la revascularisation complète   ARTS trial(5) a montré à 1 an sur un critère composite (décès, accident vasculaire cérébral, infarctus, réintervention chirurgicale ou instrumentale), l’absence de différence significative selon le type de revascularisation (complète versus incomplète). Par contre, sur les mêmes patients, à 10 ans la différence est significative avec un hazard-ratio en faveur de la revascularisation complète de 1,2 (1,1-1,4). Scott(6), en 2000 a réalisé une analyse rétrospective sur 2 067 patients qui avaient bénéficié d’une AMI sur l’IVA. Il a ainsi comparé la survie, selon que les patients avaient bénéficié d’une revascularisation complète ou incomplète. L’écart, en faveur de la revascularisation complète était de 0,9 % à 1 an, 3,8 % à 5 ans, 8,9 % à 10 ans, et 16 % à 20 ans. De plus, on peut noter que le taux de décès périopératoire est équivalent dans les 2 groupes. Il n’y a donc pas plus de risques à réaliser une revascularisation complète, avec un gain de survie sensible dès la 5e année postopératoire. Ainsi, la Société européenne de cardiologie classe en recommandation 1A la revascularisation complète tout artériel chez les patients ayant une espérance de vie raisonnable(7).   Les techniques de revascularisation complète tout artériel   Les techniques sont détaillées sous forme de vidéos sur le site internet : www.chirurgie-cardiaque- besancon.org/learncabg En substance : - il faut avoir les artères mammaires internes les plus longues possibles ; pour ce faire, il est nécessaire de les prélever de façon squelettisée, c’est-à-dire vaisseau nu, sans tissus autour ; - il faut rapprocher les mammaires des coronaires à ponter. Pour ce faire, on prélève la mammaire droite en greffon libre, qui est anastomosée en termino-latéral sur la mammaire gauche, qui reste, elle, pédiculée. Avec ce montage dit « en Y ou en T »(8), on peut atteindre le 3e segment de la coronaire droite en passant par la gauche du cœur ; il faut utiliser des pontages séquentiels. Ceux-ci peuvent être réalisés de façon classique, ou mieux en diamant ou diamant inversé qui utilisent une moindre longueur de mammaire (figure 1). Une autre possibilité est de réaliser une segmentation mammaire. Figure 1. Selon le type d’anastomose séquentielle utilisée, la longueur de mammaire nécessaire est différente. En haut, la réalisation d’un pontage séquentiel classique, impose, pour que le trajet soit harmonieux, de disposer le greffon en « S », avec perte de longueur de mammaire. En bas, le pontage séquentiel en diamant ou diamant inversé, permet de garder une mammaire rectiligne, utilisant ainsi moins de longueur de mammaire.   Quand peut-on éviter la revascularisation complète ?   Selon l’espérance de vie du patient La différence en termes de survie est sensible à partir de la 5e année postopératoire(6). Il est donc important d’évaluer l’âge physiologique du patient plutôt que l’âge d’état civil.   Selon les lésions L’absence de revascularisation influence négativement la survie des patients quelle que soit l’artère dès lors qu’il s’agit de lésions proximales. Seules les lésions distales de la coronaire droite ou les coronaires droites hypotrophiques n’influencent pas la survie lorsqu’elles ne sont pas revascularisées(6).   Quand peut-on éviter la revascularisation tout artériel ?   Le diabète L’utilisation des 2 AMI augmente le risque d’infection postopératoire chez le patient diabétique. Les résultats à 1 an de l’étude ART(2)montrent une augmentation de 1,3 % des réfections sternales. D’un autre côté, B.W. Lyttle et coll.(4) ont montré l’intérêt, en termes de survie, de l’utilisation des 2 AMI chez le patient diabétique. Le strict équilibre glycémique en postopératoire a montré son efficacité. La décision est particulièrement difficile chez les patients jeunes, diabétiques insulinodépendants ayant une microangiopathie avérée.   L’âge En théorie, l’âge n’est pas une contre-indication à la revascularisation tout artériel. Il n’y a pas d’augmentation de la mortalité périopératoire, et de plus elle évite le clampage latéral de l’aorte nécessaire à l’implantation proximale des greffons veineux. Ce clampage latéral génère des accidents vasculaires cérébraux, d’autant plus fréquents que le sujet est âgé et athéromateux.   La radiothérapie médiastinale (cancer du sein, Hodgkin)   La radiothérapie, si elle a intéressé le sternum altère la vascularisation de celui-ci ainsi que de la peau en regard. Le prélèvement des 2 AMI accroît cette dévascularisation et peut générer des problèmes cutanés et sternaux difficiles à résoudre.   Chirurgie à cœur arrêté ou à cœur battant ?   La chirurgie tout artériel à cœur battant ne présente pas de difficultés particulières. En revanche, de nombreuses études ont montré qu’à cœur battant le nombre de pontages réalisés était plus faible qu’à cœur arrêté, posant le problème des revascularisations incomplètes(9).   En pratique    La chirurgie de revascularisation complète tout artériel (figure 2) est le gold standard de la revascularisation coronarienne. Elle nécessite de suivre un certain nombre de règles pour pouvoir être réalisée et de dominer la technique des divers types d’anastomoses coronariennes sur des artères de plus petit calibre que ne sont les veines. Les interventions sont à peine plus longues (+23 minutes)(2) que lorsqu’on utilise une seule artère mammaire associée à des greffons veineux complémentaires. On ne peut que s’étonner du faible nombre de chirurgiens cardiaques qui pratiquent ce type de revascularisation. Même si, à ce jour, il n’y a pas d’études prospectives randomisées montrant l’intérêt de ce type de revascularisation, le nombre de publications en sa faveur fait qu’elle est recommandée en IA par la Société européenne de cardiologie(7).  Figure 2. Deux coronarographies de contrôle après sextuple pontage coronarien. À gauche : l’AMIG revascularise l’artère interventriculaire antérieure, alors que l’AMID revascularise 5 vaisseaux, la bissectrice, 2 latérales, la circonflexe, et le 2e segment de la coronaire droite. À droite : l’AMIG revascularise 2 diagonales et l’IVA, l’AMID revascularise 2 artères latérales ainsi que l’interventriculaire postérieure.

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