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Cardiopathies congénitales

Publié le 31 oct 2014Lecture 9 min

Conduite à tenir devant une CIA du sujet âgé

P. GUÉRIN, L. LE GLOAN, Hôpital Guillaume et René Laennec, CHU de Nantes

La découverte d’une communication interauriculaire (CIA) chez le sujet âgé est une situation relativement fréquente qui amène à se poser la question de l’opportunité de son occlusion, qu’elle soit percutanée ou chirurgicale. Le cardiologue doit s’interroger sur l’opportunité ou non d’explorer, voire d’intervenir sur une malformation congénitale de découverte tardive, parfois fortuite, dans une population parfois peu demandeuse d’une prise en charge (« Docteur, puisque cette malformation existe depuis ma naissance… »). Nous aborderons le sujet en passant en revue les recommandations, puis en faisant le point sur l’intérêt que peut avoir la correction du défaut septal dans cette population, le mode de fermeture à favoriser et les problèmes particuliers souvent rencontrés. 

Ce que disent les recommandations   Les dernières recommandations de l’ESC (tableau 1), tout comme les recommandations américaines, ne font aucune distinction d’âge pour la prise en charge des CIA(1,2). Elles ne donnent pas réellement d’indication sur l’importance du shunt via le calcul du rapport de débit entre l’artère pulmonaire et l’aorte (QP/QS), mais insistent sur l’importance du retentissement en termes de surcharge diastolique des cavités droites, et sur l’importance des symptômes. Finalement, en l’absence de contre-indication à une prise en charge par chirurgie ou cathétérisme interventionnel, la prise en charge d’une CIA chez le sujet âgé ne doit pas différer de celle du sujet jeune, particulièrement chez le patient asymptomatique et sans élévation des pressions pulmonaires. Néanmoins, cette situation est finalement assez rare chez le sujet âgé chez lequel il n’est pas rare de constater des signes fonctionnels (dyspnée, palpitations, etc.) ou des anomalies particulières en échographie (hypertension artérielle pulmonaire [HTAP], insuffisance tricuspide [IT]…). Quels bénéfices attendre de la fermeture d’une CIA du sujet âgé ?   Finalement, la situation du sujet âgé qui reste asymptomatique avec une CIA hémodynamiquement significative est relativement rare, celui-ci se plaignant fréquemment de dyspnée ou de palpitations (tableau 2). Le sujet asymptomatique masque souvent une limitation fonctionnelle dont il est plus ou moins conscient et qu’il sera possible de relever par un interrogatoire précis, voire par un test d’effort. Finalement, l’intérêt de fermer le défaut septal sera discuté soit pour améliorer le pronostic du patient (augmenter l’espérance de vie, diminuer le risque d’HTAP), soit pour le soulager de ses symptômes et particulièrement de sa dyspnée ou de ses palpitations. Intérêt de l’occlusion d’une CIA sur les symptômes Les principaux symptômes décrits par les patients porteurs d’une CIA et âgés de plus de 40 ans sont résumés dans le tableau 2(3). On y retrouve préférentiellement la dyspnée (54 %) et les palpitations (41 %). La dyspnée La fermeture des CIA permet globalement d’améliorer la dyspnée décrite par les patients au-delà de 40 ans(3,4). Ceci semble particulièrement vrai si le patient présente une élévation de ses pressions pulmonaires(5). Dans l’étude de Patel, seuls 13 % des patients occlus n’ont pas décrit d’amélioration de leur essoufflement, ce qui semble pourtant être la règle avec une amélioration du test de marche de 6 minutes de 23 %(6). Une baisse des peptides natriurétiques (ANP et BNP) ainsi qu’un remodelage myocardique (diminution du volume diastolique ventriculaire droit et augmentation du volume diastolique ventriculaire gauche) sont observés un an après occlusion, accompagnant l’amélioration fonctionnelle décrite par les patients(6) (figures 1 et 2). Ainsi, la présence d’une CIA « vieillie » découverte chez un sujet âgé dyspnéique doit amener à envisager, lorsqu’il persiste un shunt gauche-droite significatif, une correction du défaut septal. Figure 1. Évolution des volumes ventriculaires diastoliques gauche (LVEDD) et droit (RVEDD) après occlusion de CIA : on note une diminution des volumes droits et une augmentation des volumes gauches. D’après Kahn JACC Cardiovasc Interv 2010.   Figure 2. Évolution des taux d’ANP et de BNP un an après occlusion des CIA : on note, après une discrète élévation initiale,une diminution des taux d’ANP et de BNP. D’après Kahn JACC Cardiovasc Interv 2010. Les palpitations Si la fermeture chirurgicale des CIA après 40 ans permet d’améliorer la survie des patients et leur classe fonctionnelle, elle ne semble pas réduire le risque d’arythmie auriculaire dont l’âge et l’HTAP semblent les principaux facteurs prédisposants(7). Hormis le fait que la fermeture chirurgicale ou percutanée du défaut septal est potentiellement pourvoyeuse de troubles du rythme auriculaire(8-10), l’intérêt de l’occlusion sur les troubles du rythme « chroniques » décrits par le patient varie selon les publications : dans l’étude de A. Patel et coll., 81 % des patients décrivent une diminution de leurs palpitations, alors que dans l’étude de Khan aucune efficacité de l’occlusion n’est retrouvée(3,6). Il est possible que la présence d’une HTAP soit un facteur de risque de persistance de l’arythmie auriculaire et que finalement, seuls les patients sans HTAP pourraient espérer une amélioration de leur arythmie après fermeture du défaut septal(11). L’HTAP étant associée à l’ancienneté de la surcharge diastolique droite, âge et l’HTAP seraient donc deux facteurs de risque de persistance de l’arythmie auriculaire après correction du shunt(12). Pour ce qui est de l’incidence de la fibrillation auriculaire tardive, elle ne semble pas influencée par l’occlusion du shunt, quel qu’en soit le mode(5). Il faut enfin signaler que chez le sujet âgé, donc à risque d’arythmie auriculaire, l’occlusion percutanée de la CIA rend difficile ou impossible la réalisation ultérieure d’une ponction trans-septale pour un geste interventionnel à visée antiarythmique. Il est donc nécessaire d’avoir une discussion préalable sur l’opportunité d’un geste antiarythmique avant l’occlusion, ou d’utiliser une prothèse permettant la ponction trans-septale ultérieure. Autres conséquences de la fermeture des CIA - Intérêt de l’occlusion d’une CIA sur l’espérance de vie Il est démontré que la CIA diminue l’espérance de vie des patients(13,14) et qu’indépendamment de la technique de fermeture, la correction du shunt améliore le pronostic des patients(12,15), mais ces analyses sont réalisées sur des populations globales et peu d’études ont spécifiquement exploré la population des patients âgés. Une étude portant spécifiquement sur la population des plus de 40 ans corrigés par chirurgie a montré un avantage de l’occlusion du shunt sur le traitement médical en termes de morbi-mortalité lorsque les pressions pulmonaires systoliques ne dépassent pas 70 mmHg(16), bien que l’âge soit un facteur de risque de complications cardiovasculaires postopératoires(17). Même si l’on manque d’étude pour l’étayer, avec un moindre taux de complications périopératoires, il est probable que la fermeture percutanée des défauts septaux puisse encore améliorer la morbi-mortalité dans cette population. - Intérêt de l’occlusion d’une CIA sur la surcharge diastolique des cavités droites L’occlusion des CIA chez le patient âgé semble toujours permettre un remodelage favorable des cavités cardiaques avec une diminution du volume ventriculaire droit et également une augmentation du volume ventriculaire gauche, conséquence à la fois d’une augmentation de la précharge gauche, mais également conséquence de la réorientation septale(6). Ceci conduit à une amélioration de la fonction ventriculaire gauche particulièrement observée dans les 6 semaines qui suivent l’occlusion, d’évolution ensuite plus lente(18). Cette modification brutale de l’hémodynamique cardiaque doit être bien connue de l’équipe interventionnelle. En effet, dans cette population âgée, majoritairement féminine, la prévalence de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection conservée est importante. L’interruption brutale du shunt gauche-droite peut conduire à une élévation brutale de la pression auriculaire gauche face à un ventricule peu compliant et engendrer un épisode d’insuffisance cardiaque gauche, voire un œdème aigu du poumon(19). Il paraît essentiel dans cette population de n’envisager une fermeture du défaut septal que dans des conditions de volémie optimale, voire après avoir réalisé un test d’occlusion temporaire au ballon pour juger en amont des conséquences hémodynamiques de l’occlusion. - Intérêt de l’occlusion d’une CIA sur l’HTAP Quarante pour cent des patients de plus de 40 ans porteurs d’une CIA présentent une HTAP(20). L’âge, le sexe féminin, la CIA de type sinus venosus sont des facteurs favorisant l’HTAP. Celle-ci est initialement simplement la conséquence de l’hyperdébit (HTAP de débit) mais avec le temps, l’exposition chronique de la microvascularisation pulmonaire à cet hyperdébit peut induire un remodelage vasculaire avec une élévation progressive des résistances pulmonaires. Le ventricule droit est alors exposé à la double contrainte d’une précharge et d’une postcharge élevée. L’ensemble de ces phénomènes conduit à la détérioration fonctionnelle des patients et favorise l’avènement de complications rythmiques auriculaires (fibrillation, flutter), favorisés par le vieillissement et l’HTAP. Si longtemps l’HTAP a été considérée comme une contre-indication opératoire, plusieurs études viennent aujourd’hui démontrer le rôle favorable sur l’HTAP de l’occlusion percutanée du shunt auriculaire, tant que persiste un shunt gauche droite(5,21) (figure 3). Lorsque les pressions pulmonaires sont très élevées (> 70 mmHg de PAPS), la réalisation d’un test d’occlusion temporaire au ballon permettrait de juger de l’intérêt de la fermeture du défaut septal sur les pressions pulmonaires(22). En cas de non-efficacité du test (baisse des pressions de moins de 25 %, élévation des pressions diastoliques du VD ou chute de la pression artérielle systémique), la fermeture de la CIA semble contre-indiquée et le patient doit être considéré comme proche de la maladie d’Eisenmenger donc avec un meilleur pronostic shunt ouvert(23). Sinon, on peut donc considérer aujourd’hui que la présence d’une HTAP n’est plus une contre-indication absolue à l’occlusion d’une CIA, surtout lorsque persiste un shunt gauche droite hémodynamiquement significatif. Figure 3. Évolution des pressions systoliques ventriculaires droites après occlusion de CIA. D’après Balint Heart 2008. - Intérêt de l’occlusion d’une CIA sur l’insuffisance tricuspide Par la surcharge diastolique qu’elle induit, la CIA favorise l’apparition d’une insuffisance tricuspide (IT) fonctionnelle par dilatation des cavités droites et de l’anneau tricuspide. Celle-ci se majore avec le temps et le développement d’une HTAP(24). L’existence d’une IT associée à une CIA pose le problème de sa prise en charge : faut-il envisager une fermeture chirurgicale pour réaliser dans le même temps une plastie tricuspide, ou peut-on espérer une évolution favorable de la fuite après une occlusion percutanée du shunt ? La persistance d’une IT en postopératoire est en effet un facteur de morbi-mortalité. Il est assez généralement admis dans la littérature que l’occlusion du défaut septal entraîne une régression de la fuite tricuspide(20). Parmi les facteurs prédictifs de non-régression de l’IT, on trouve l’âge lors de la fermeture et l’existence d’une HTAP. La non-normalisation de la taille des cavités cardiaques droites après fermeture d’une CIA chez le sujet âgé, explique que l’âge soit un facteur de risque de persistance de l’IT(25). En maintenant une postcharge élevée, l’HTAP semble être un deuxième facteur de risque de non-régression de l’IT. Dans le travail de Toyono, il est montré que la présence de pressions pulmonaires systoliques à plus de 60 mmHg est un facteur de risque de non-régression de l’IT(20). Pour les auteurs, en cas de fuite tricuspide de haut grade, la présence de pressions pulmonaires à plus de 60 mmHg doit faire préférer une fermeture chirurgicale du shunt associée à une plastie tricuspide, la fermeture percutanée devant être réservée aux patients dont les PAPS sont inférieurs à 50 mmHg.   Modes de fermeture   Les recommandations ne font pas de distinction entre les patients jeunes et âgés en termes de mode de prise en charge. La fermeture percutanée semble être la voie à préférer face à une CIA ostium secundum de forme anatomiquement favorable. Il ne semble pas y avoir de surrisque à l’occlusion percutanée dans cette population(3-5,11,20,21,26). La fermeture chirurgicale doit être envisagée en cas de contre-indication à la fermeture percutanée, après réalisation d’un bilan préopératoire habituel. Ce bilan doit comprendre, quel que soit le mode de fermeture envisagé, une évaluation du statut coronarien afin de ne pas méconnaître une coronaropathie qui pourrait être prise en charge dans un même temps opératoire. Enfin, la fermeture des défauts septaux chez les patients âgés et tout particulièrement les femmes âgées, doit être réalisée après contrôle strict de la volémie pour éviter la décompensation d’une insuffisance cardiaque gauche à fonction systolique conservée.   En pratique   L’âge n’est pas une contre-indication à la fermeture d’une communication interauriculaire. La fermeture du shunt permettra souvent d’améliorer un patient âgé se plaignant d’essoufflement. En revanche, son efficacité sur l’arythmie et les palpitations est plus discutable, particulièrement en cas de pressions pulmonaires élevées. Le type de CIA, son anatomie, l’association à une élévation des pressions pulmonaires ou à une insuffisance tricuspide sont les éléments qui permettront, après réalisation d’un bilan préopératoire, de décider du mode de fermeture. Il faudra rester vigilant face au risque de dévoiler en postprocédure une insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée.

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