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Congrès et symposiums

Publié le 14 oct 2014Lecture 9 min

Les bêtabloquants au rebut ?

P. SABOURET, ACTION Study Group et Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière

ESC

Recommandations : la polémique sur les bêtabloquants en chirurgie non cardiaque éteinte par un Français D’après la communication de C. Funck-Brentano   La controverse sur l’emploi des bêtabloquants (BB) a été brillamment résolue par C. Funck-Bentano. Il a souligné que celle-ci a été initiée par un journaliste médical, et reprise par certains auteurs dans le British Medical Journal, qui ont dénoncé la potentielle surmortalité des bêtabloquants liée à l’application des recommandations de 2009 concernant la chirurgie non cardiaque et qui aurait provoquée 800 000 morts depuis 2008. Comme l’a remarqué l’orateur, qui a cité Talleyrand, « tout ce qui excessif est insignifiant ». Ce qu’il a démontré par une revue exhaustive de la littérature permettant de mieux appréhender les nouvelles recommandations (tableau 1).  En effet, le bien-fondé des recommandations de 2009 est lié aux doutes sur la validité des études positives (DECREASE, NEJM 1999 ; 341 : 1 789-94) menée par l’équipe d’Erasmus, dirigée par D. Poldermans, qui était également le président du groupe de travail ayant produit les recommandations de 2009. Le discrédit pour scientific misconduct a abouti à la nécessité d’une nouvelle analyse des études, en excluant toutes celles de son groupe. POISE : l’objet de la discorde   Ainsi, les indications des bêtabloquants dans la prévention des complications CV de la chirurgie non cardiaque ont été réduites et affinées. Cependant, tous les problèmes sur la stratégie optimale n’ont pas été réglés. En effet, l’étude POISE, réalisée en 2008, est la seule étude de grande taille. Elle a inclus 8 351 patients, mais elle pose des problèmes méthodologiques flagrants pour juger de l’intérêt des bêtabloquants : - d’abord par le choix du métoprolol, qui ne semble pas être le bêtabloquant de référence dans cette indication, suite à des données concordantes de plusieurs études ou registres qui plaident plutôt pour l’usage de l’aténolol ; - ensuite, par la posologie utilisée, puisque les patients recevaient 100 mg de métoprolol initialement, puis 6 heures après l’intervention, le protocole permettant d’administrer jusqu’à 400 mg de métoprolol sur 24 heures, ce qui est une posologie inhabituelle, particulièrement inadaptée en période postopératoire où la gestion de la PA et de la fréquence doit être réalisée en modulant finement les traitements à visée cardiovasculaire.   L’étude POISE pèse pour beaucoup dans les résultats négatifs d’une récente métaanalyse (Heart 2014 ; 100 : 456-64), qui a montré une réduction des événements coronaires, mais au prix d’un excès de mortalité, d’accidents vasculaires cérébraux, d’hypotension et de bradycardies. La méthodologie de l’étude POISE est indéniablement discutable et des données complémentaires ont objectivé une relation entre les hypotensions provoquées par les doses très importantes de métoprolol et les effets cardiovasculaires délétères de ce bêtabloquant. Les nouvelles recommandations   D’autres études, notamment plusieurs études observationnelles récentes de très grande taille, ont montré un effet bénéfique des bêtabloquants sur la mortalité et la morbidité, en particulier de l’aténolol, en identifiant les conditions associées à de tels effets. Compte tenu de l’ensemble des données, et compte tenu des incertitudes liées à l’absence d’études randomisées parfaitement conduites, le groupe de travail a émis les recommandations suivantes : • Les patients déjà traités par un bêtabloquant, ne doivent pas l’arrêter. • Les bêtabloquants ont des effets bénéfiques, lorsqu’ils sont prescrits à des patients qui bénéficient d’une chirurgie à haut risque CV et présentent au moins 2 facteurs de risque CV. • Pour que ce bénéfice existe, les bêtabloquants doivent être pris au moins 2 jours (et si possible de 7 à 30 jours) avant l’intervention, en s’assurant d’une augmentation progressive et prudente de la posologie, pour obtenir une FC entre 60 et 70 bpm, avec une PAS systolique maintenue au-dessus de 100 mmHg. • Tous les patients ne doivent évidemment pas recevoir de bêtabloquants, notamment si le risque chirurgical est faible et que l’initiation d’un traitement bêtabloquant et l’ajustement des doses ne peuvent être réalisés dans des conditions adéquates. Conclusion   Ces explications permettent d’éclairer les options actuelles, où l’usage des bêtabloquants est fonction des caractéristiques des patients. Comme le disaient les Romains, bien avant l’élaboration des recommandations scientifiques : « In medio stat virtus » (la vertu se trouve au milieu), ce qui incite à la promotion d’une attitude pondérée dans tous les domaines, ce qu’encouragent les dernières recommandations.    ATLANTIC : évaluation de l’intérêt du ticagrelor en préhospitalier dans le STEMI D’après la communication de G. Montalescot (France)   L’étude ATLANTIC a évalué l’intérêt d’une stratégie de prétraitement hospitalier par ticagrelor (dose de charge de 180 mg) chez des patients présentant un syndrome coronarien aigu (SCA) avec sus-décalage du segment ST (STEMI). Les patients dans le groupe « préhospitalier » recevaient un placebo en salle de cathétérisme cardiaque et, inversement, les patients du bras conventionnel recevaient un placebo dans le camion du SAMU suivi de l’administration de 180 mg de ticagrelor en salle de cathétérisme (figure 1). Figure 1. Étude ATLANTIC : population et design.   L’hypothèse principale ayant motivé cette étude repose sur le concept qu’une inhibition précoce et puissante de l’agrégation plaquettaire pourrait permettre une revascularisation coronaire plus rapide ; le critère de jugement principal combiné associait donc logiquement le pourcentage de patients avec une artère TIMI 3 à l’angiographie initiale et/ou avec une diminution de plus de 70 % de la surélévation du segment ST juste avec l’angioplastie. Les critères secondaires préspécifiés sont résumés comme suit : • Critère composite décès, IDM, thrombose de stent, AVC ou revascularisation urgente à J30. • Thrombose de stent à J30. • Bail-out avec les anti-GPIIb/ IIIa.   Au total, 1 872 patients ont été inclus. L’étude ne montre pas de différences entre les deux groupes sur le critère primaire ni sur l’ensemble des critères secondaires, notamment le taux d’hémorragies (figure 2). Figure 2. Étude ATLANTIC. Hémorragies en dehors des pontages (selon les définitions TIMI, STEEPLE, GUSTO et ISTH).  On note une réduction significative des thromboses de stent (figure 3), d’interprétation difficile compte tenu du faible nombre d’événements. Cette absence de bénéfices du prétraitement par ticagrelor peut s’expliquer par l’excellence de la prise en charge puisque les délais entre le prétraitement et le traitement en salle de cathétérisme a été de seulement 31 minutes. On note également une interaction négative avec l’emploi de la morphine dont on connaît le potentiel à retarder les délais d’action des antiagrégants plaquettaires par voie orale. Il n’y a pas de sur-risque hémorragique avec le prétraitement, ce qui conforte les récentes recommandations européennes de revascularisation coronaire qui incite à l’administration de la bithérapie antiagrégante plaquettaire dès le premier contact médical.  Figure 3. Étude ATLANTIC. Thrombose de stent jusqu’à J10. Les nouvelles recommandations dans l’embolie pulmonaire : les points forts    Les manifestations veineuses thromboemboliques représentées par les thromboses veineuses profondes (TVP) et par l’embolie pulmonaire (EP) demeurent des affections fréquentes et graves (incidence annuelle de 100 à 200 cas/ 100 000 habitants), pour lesquelles les dernières études ont apporté des éléments nouveaux pour le diagnostic, l’évaluation de la gravité de l’EP et la prise en charge curative. De nouvelles recommandations s’avéraient nécessaires, les précédentes datant de 2008, et ont été présentées à l’ESC par deux membres du groupe de travail, les professeurs Stavros Konstantinides et Adam Torbicki. Les auteurs des recommandations ont rappelé que la difficulté principale est l’évaluation précise des patients à « risque intermédiaire » qui concerne 95 % des patients avec EP, pour affiner le risque, car le risque intermédiaire concernait auparavant une population hétérogène de patients, qui présentaient un pronostic extrêmement variable à moyen terme. Les autres 5 % des patients sont représentés par les EP graves d’emblée avec des manifestations cliniques d’état de choc. Un arbre décisionnel simple initie la démarche diagnostique pour la suspicion d’EP en séparant les patients en état de choc et/ou hypotension et ceux sans ces critères (figure 4). Figure 4. Embolie pulmonaire aiguë.  Le scanner spiralé est la pierre angulaire du diagnostic, sous réserve qu’il soit bien réalisé et bien interprété, la scintigraphie pulmonaire apparaît plus en retrait, et l’angiographie pulmonaire, qui a été pendant des décennies le gold-standard (ou valeur-étalon), n’est actuellement conseillée que lorsqu’une revascularisation invasive est envisagée dans le même temps. Pour les patients ne présentant pas d’EP grave d’emblée, un algorithme incluant le score clinique de PESI simplifié a donc été développé, incluant des critères cliniques de sévérité complémentaires du score de PESI, mais aussi les données échographiques et/ou du scanner pour évaluer le ventricule droit et sa fonction, et l’utilisation des biomarqueurs pour définir le véritable niveau de risque parmi ces patients classés auparavant en risque intermédiaire (tableau 2), avec pour conséquences pratiques de préciser les indications de fibrinolyse pour les patients avec EP sévères, et à l’inverse, une hospitalisation de courte durée pour les patients dont le risque s’avère faible.  Concernant l’anticoagulation, l’héparine non fractionnée, les HBPM et le fondaparinux restent indiqués pendant la période des 5 aux 10 premiers jours, avec un relais par AVK toujours possible, mais aussi la possibilité d’effectuer un relais précoce à 24-48 h par les NOAC (non vitamin K oral anticoagulants), représentés pour l’heure par le rivaroxaban (études EINSTEIN-DVT et EINSTEIN-PE), l’apixaban (étude AMPLIFY), le dabigatran (études RE-COVER et RE-COVER II), l’edoxaban étant dans l’attente d’une AMM sur la base des données de l’étude HOKUSAI- VTE. La durée du traitement anticoagulant sera d’au moins 3 mois et sera modulée en fonction des circonstances de survenue de la phlébite, et des facteurs favorisants sous-jacents (cancers, hémopathies, troubles de la coagulation).   La thrombolyse conserve toute sa place pour les EP graves (état de choc et/ou hypotension) avec des bénéfices hémodynamiques et échocardiographiques qui doivent apparaître très rapidement, au maximum pendant les 7 premiers jours post-fibrinolyse ; 90 % des patients répondent favorablement à la fibrinolyse dans les 36 heures. Le prix à payer reste un excès d’hémorragies intracrâniennes de l’ordre de 1,9 à 2,2 %, ce qui incite à poursuivre les études sur la fibrinolyse locale, délivrée par un cathéter intrapulmonaire. Les recommandations prodiguent des conseils spécifiques pour la prise en charge en cas de grossesse, ou le scanner spiralé et la scintigraphie font jeu égal en termes d’exposition ionisante et de valeur prédictive négative, en sachant que l’angiographie pulmonaire doit être à tout prix évitée, ou de pathologie cancéreuse, ou une anticoagulation prophylactique est systématiquement recommandée dans les 30 jours suivant une intervention chirurgicale curative du cancer, le risque de TVP étant x 90 par rapport aux sujets témoins. Un score de risque de récurrence des TVP est disponible pour décider du maintien au long cours d’un traitement, basé sur les données d’une cohorte de 543 patients. Le traitement de l’EP chez les patients cancéreux repose sur les HBPM à doses curatives pendant 3 à 6 mois, avec peu de données disponibles sur le fondaparinux et les NOAC pour l’instant.   On voit donc que les recommandations conservent le scanner spiralé en figure de proue du diagnostic, avec l’intégration des marqueurs échocardiographiques et biologiques, permettant d’affiner la gravité de l’embolie pulmonaire, et l’entrée en force des AOD ou NOAC dans le traitement curatif. On ne peut qu’espérer que ces recommandations soient adoubées par les autorités de santé françaises, afin de donner un cadre précis et actualisé de la prise en charge des manifestations veineuses thromboemboliques.  Figure 5. Suspicion d’embolie pulmonaire sans choc ni hypotension artérielle.   

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