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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 sep 2014Lecture 18 min

La stimulation cardiaque - Évolution et perspectives en pratique clinique

C. BARS, J.-M. DARONDEL, J. SEBBAH, P. JORROT, Institut Mutualiste Montsouris, Paris Hôpital privé des Peupliers, Paris

Par rapport à d’autres champs d’expertise de la rythmologie, en particulier l’électrophysiologie et l’ablation, on pourrait croire à une certaine forme de « stabilité » dans le domaine de la stimulation cardiaque. La réalité est bien différente puisque l’évolution est constante et les innovations nombreuses. Une sonde, deux sondes, trois sondes, pas de sonde… Voire pas de stimulation… Entre rappel historique, indications et progrès récents, quelques clés pour aider la pratique clinique au quotidien. 

La stimulation cardiaque : le passé, le présent et l’avenir   L’ère des pionniers Si la simple idée de Luigi Galvani a confirmé au XVIIIe siècle la possibilité d’une contraction musculaire à la suite d’une stimulation électrique, ce n’est que bien plus tard, au début du XXe siècle que l’on commença réellement à s’intéresser à la stimulation cardiaque. C’est d’abord, on l’a oublié, en 1917, un Français du nom de Marmorstein qui confirma la possibilité de stimuler le nœud sinoauriculaire et les ventricules de chiens, avant que le premier stimulateur cardiaque externe, sous forme d’une énorme machine, fît son apparition en 1931, sous l’impulsion d’Albert Hyman travaillant à New York. Cette machine, fonctionnant à l’aide d’une manivelle et d’un magnéto, produisait de l’électricité que l’on amenait au cœur en enfonçant une aiguille à travers la paroi thoracique… Ce premier appareil de stimulation cardiaque externe reçut pour la première fois le nom de « pacemaker » (figure 1). Figure 1.  L’aventure était née et devait faire de ce futur bijou de technologie, l’appareil intracorporel le plus implanté au monde. Dans les années 50, le Dr Walton Lillehei, un des pionniers de la chirurgie cardiaque constatait qu’un des grands freins dans la progression de sa spécialité était représenté par des troubles conductifs pré- et postopératoires majeurs et développa le premier stimulateur cardiaque externe facilement mobilisable. Il étudia avec un certain Earl Bakken, futur fondateur de la firme Medtronic, la possibilité d’un stimulateur cardiaque fonctionnant à l’aide d’un métronome à transistor, le stimulateur étant mû par des piles au mercure produisant un courant de 9 volts, et étant porté en bandoulière après avoir été relié au patient par des électrodes épicardiques (figure 2). Ce premier jeune patient a pu bénéficier de ce type d’appareillage transitoirement, après sa chirurgie cardiaque et a pu en être libéré quelques jours plus tard, son rythme cardiaque étant réapparu par la suite, comme c’est assez souvent le cas. La firme Medtronic rechercha alors avec l’aide de chercheurs et de médecins new yorkais les possibilités de miniaturisation et de commercialisation de cet appareil, et le premier « pacemaker intracorporel autonome » fut implanté en Suède (Elmquist et Senning) en 1958. Figure 2.  Ce premier modèle, coulé dans une résine époxy, avec une source d’énergie provenant d’une pile nickel-cadmium (figure 3), fut remplacé peu à peu à travers des innovations technologiques et informatiques majeures (figure 4). Figure 3.   Figure 4. Les grandes étapes de ces innovations : • Utilisation de pile au mercure au début des années 60. • Invention de la stimulation double chambre en 1962. • De 1962 à 1965 : introduction des sondes endocavitaires. • Concept de stimulation sentinelle. • Utilisation (certes transitoire) de l’énergie atomique. • 1972 : utilisation de l’énergie qui prédominera jusqu’à aujourd’hui, à savoir la pile au lithiumiode, augmentant notablement la durée de vie de ces boîtiers. • 1972 : le pacemaker devient multiprogrammable de l’extérieur. • 1972 à 1979 : amélioration de cette programmabilité et diminution parallèle de la taille des boîtiers. • 1979 : application de la télémétrie externe à la surveillance des piles et des sondes. • 1983 : utilisation de multiples capteurs physiologiques, et principalement des capteurs de mouvement dans la correction de la fonction chronotrope (systèmes d’asservissement multiples). • 1990 : création de PM double chambre à sonde unique. • 1995 : les premiers pas de la stimulation triple chambre (resynchronisation) et donc de l’extension des indications de la stimulation classique vers le « traitement électrique de l’insuffisance cardiaque ».   Les dernières innovations Les nouveaux modes de programmation Si la miniaturisation des boîtiers n’est plus le cheval de bataille des constructeurs (les PM actuels étant pratiquement inapparents sous la peau), ceux-ci ont redoublé d’ingéniosité dans l’amélioration des composants électroniques, et c’est incontestablement dans ce domaine et celui des améliorations des modes de programmation que les recherches se sont concentrées. Notamment, les programmations privilégiant la conduction autonome découlent directement des constatations faites en matière de stimulation hémodynamique. La stimulation AAI-Safe-R, ou MVP, a transformé notre façon d’appréhender la stimulation des patients non dépendants et chez qui les anciens modes de programmation permanents pouvaient s’avérer souvent délétères. Ces algorithmes permettent une stimulation auriculaire seule (AAI) avec bascule dans le mode DDD après 1, voire 2 ondes P bloquées, ce qui, à l’œil non averti, peut poser des problèmes d’interprétation, à l’origine de quelques coups de téléphone angoissés… du cardiologue traitant. Certains algorithmes tendent à prévenir les passages en fibrillation atriale (FA), par des stimulations atriales préventives associées à des ATP (antitachycardia pacing) au tout début d’éventuels passages en tachycardie atriale (on note moins de FA soutenues en associant le mode MVP au mode DDDRP (étude MINERVA). D’autres algorithmes prévoient des réponses à des chutes de fréquence dans les syndromes vasovagaux invalidants permettant d’élargir les indications de la stimulation définitive dans ce domaine. Les systèmes espions Depuis longtemps les mémoires embarquées sont connues, mais deviennent de plus en plus sophistiquées, et, en plus des fonctions holters habituelles, de plus en plus détaillées, et des histogrammes permettant une meilleure identification des arythmies, ont été ajoutés des paramètres de surveillance hémodynamique, comme par exemple des mesures d’étirement et d’impédance des sondes et également de l’impédance intrathoracique venant témoigner et prévenir de la congestion à un stade préclinique… Par ailleurs, notamment sur les stimulateurs-resynchronisateurs les plus récents, de nouveaux capteurs internes permettent d’évaluer la réponse à la resynchronisation et d’adapter au mieux les délais interventriculaires et le délai A-V. Le stade actuel n’atteint pas encore un degré de spécificité exemplaire, mais a le mérite d’ouvrir la voie vers un contrôle automatisé du fonctionnement de ces prothèses. Un chapitre à part entière concerne la transmission des données par télécardiologie (un petit émetteur-récepteur placé auprès du patient permet en permanence avec une grande fiabilité de transmettre des données techniques et rythmiques par un système GSM), technique qui a pour avantage de désencombrer les centres de contrôle, et de répondre le plus rapidement aux alertes récupérées par ces centres de réception des données (troubles du rythme, modification brutale d’impédance d’une sonde témoignant d’une lésion ou d’un déplacement de celle-ci, vieillissement de générateur, surveillance de paramètres hémodynamiques permettant de répondre plus vite à un problème de congestion infraclinique, etc.). Si ces systèmes sont parfaitement au point et fonctionnent quotidiennement dans certains centres, les mises au point et le poids des structures à envisager, en termes humains notamment, représentent encore un frein à la généralisation et à la systématisation de cette technique. Les améliorations des sondes et leur positionnement Les anciennes sondes épaisses, rigides et donc plus fragiles ont été peu à peu remplacées par des sondes dont la finesse et la souplesse assurent désormais une sécurité à long terme proche de 100 % des systèmes de stimulation. Les anciennes sondes passives à barbillons ont peu à peu été remplacées par des sondes actives à vis, droites ou préformées et dont la stabilité s’est révélée bien supérieure, au prix d’une plus grande fréquence de problèmes liés aux effractions. Si la stabilité est meilleure, le choix du site d’implantation est également bien amélioré, ce qui reste capital en matière de stimulation hémodynamique et afin notamment d’éviter que cette stimulation devienne délétère par elle-même… Les blocs de branches gauches sont bien amoindries simplement en évitant la pointe du ventricule droit (VD) et en choisissant au mieux le site de stimulation septale le plus haut situé, près de l’origine du tronc de faisceau de His. Enfin, en matière de resynchronisation, les sondes devant être positionnées dans le réseau veineux coronaire sont désormais préformées afin de se faufiler au mieux dans les méandres de ce réseau et afin d’obtenir une stabilité optimale. Par ailleurs, plusieurs dipôles de stimulation sont positionnés sur ces sondes (en général quadripolaires) afin d’obtenir de plus grandes distances entre les seuils de stimulation et les seuils phréniques. Il est même possible d’envisager désormais, afin d’améliorer le résultat d’une resynchronisation, une véritable stimulation ventriculaire gauche (VG) multipoints à l’aide d’une seule sonde VG… Si les dernières sondes sont donc désormais un concentré de technologie, entrant à part entière dans la réussite du système de stimulation, les recherches actuelles tentent parfois de s’en affranchir avec les stimulateurs sans sonde. Les stimulateurs sans sonde (cf. article de P. Defaye, Cardiologie Pratique n°1065) En effet, si les sondes ont été améliorées dans leur conception, elles n’en demeurent pas moins le talon d’Achille du système, et leur positionnement endocavitaire toujours susceptible de se compliquer de sepsis et de la plus redoutable des complications, à savoir l’endocardite. Ceci a conduit les constructeurs à imaginer un système se passant de ces électrodes… ce qui pour l’instant ne permet d’envisager qu’une stimulation monochambre, le stimulateur en forme de minicylindre étant largué après cathétérisme veineux fémoral à la pointe du VD où il y sera amarré (figure 5). Figure 5. Et demain Les recherches se concentrent sur les consommations d’énergie (batteries rechargeables de l’extérieur, ou utilisant les battements cardiaques et leur énergie mécanique pour, régénérer en permanence ces batteries grâce à un capteur piézo-électrique, réparation également à l’étude du tissu conductif lui-même à partir de cellules souches automatiques…) et parallèlement, des progrès constants sont réalisés en matière d’optimisation des systèmes de resynchronisation et de leur autoprogrammation.   Stimulation cardiaque : un point sur les indications   Dans le cadre de la stimulation cardiaque conventionnelle, peu de nouveautés à mettre en évidence. Les recommandations européennes ont été rappelées lors du congrès de l’EHRA en 2013 et publiées dans l’European Heart Journal. Les étiologies, indications et modes de stimulation recommandés sont rappelés dans les figures 6 et 7 et le tableau 1. Figure 6. Les différentes étiologies de la stimulation cardiaque.   Figure 7. Les différents modes de stimulation. Quelques cas particuliers • Dans le cas de la syncope asystolique réflexe, la stimulation cardiaque doit être envisagée chez les patients de plus de 40 ans, avec syncopes réflexes récidivantes imprévisibles, et pause symptomatique documentée, par dysfonction sinusale et/ou BAV (IIa, B). • Chez les patients présentant des pauses asymptomatiques, la stimulation cardiaque est recommandée lorsque la durée de la pause est supérieure à 6 secondes (IIa, C). En pratique quotidienne, cette durée est parfois revue à la baisse en fonction du contexte clinique. • Pas d’indication de stimulation cardiaque après résolution d’un BAV de haut degré ou complet à la phase aiguë d’un syndrome coronarien aigu. • En cas de BAV de haut degré ou complet après chirurgie cardiaque ou remplacement valvulaire percutané, une période d’observation jusqu’à 7 jours est indiquée pour vérifier le caractère permanent ou non du trouble. Ce délai peut être raccourci en cas de BAV complet avec échappement ventriculaire lent (I, C). • En cas de dysfonction sinusale post-chirurgie cardiaque, le délai d’observation est plus long de 5 jours à plusieurs semaines, à adapter au cas par cas (I, C). • En cas de BAV congénital, la stimulation cardiaque est indiquée si le patient est symptomatique. En l’absence de symptômes, elle est indiquée en fonction d’autres éléments (dysfonction ventriculaire gauche, intervalle QT allongé, longueur de la pause ventriculaire, extrasystolie ventriculaire complexe) (I, C). • Dans le cadre de la cardiopathie hypertrophique avec obstruction intraventriculaire gauche, la stimulation cardiaque est envisagée chez les patients symptomatiques avec échec du traitement médical et contre-indication à l’alcoolisation septale ou la myomectomie (IIb, C). Concernant le mode de stimulation, sauf en cas de BAV permanent, il faut envisager un mode de stimulation préservant au mieux la conduction auriculoventriculaire physiologique, dans l’idéal grâce aux nouveaux algorithmes de monitorage et d’adaptation en continu du délai A-V. Des modalités d’asservissement seront adoptées en cas d’insuffisance chronotrope.   Une sonde gauche pour tous les patients ?   D’un point de vue épidémiologique, la TASK FORCE européenne estime à 400 patients par million d’habitants le nombre de patients éligibles à une resynchronisation cardiaque dans les pays européens alors que la moyenne d’implantation en 2011 n’était que de 140 dans les pays d’Europe de l’Ouest et centrale. Concernant la sélection des patients, plusieurs essais suggèrent que l’asynchronisme mécanique et la réponse aiguë à la resynchronisation sont des marqueurs indépendants sur la réponse au long cours. Cependant, actuellement, la sélection de ces patients par l’imagerie reste à préciser et repose essentiellement sur l’asynchronisme électrique et la largeur des QRS. En pratique, trois groupes sont à distinguer :   En rythme sinusal Chez les patients insuffisants cardiaques avec FEVG < 35 % et bloc de branche gauche (BBG) > 120 ms malgré un traitement médical optimal, les preuves de la CRT sont très fortes en termes de réduction de mortalité, d’hospitalisation. L’étude MADIT-CRT a montré chez 1 820 patients avec cardiopathie ischémique ou non, avec FEVG < 30 % et QRS > 130 ms que le groupe DAI-CRT réduisait le critère combiné mortalité/ hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 53 % par rapport au groupe défibrillateur simple ou double chambre dès le stade II de la NYHA. Par ailleurs, un groupe de 188 patients ont été identifiés comme « super-répondeurs » permettant de dégager des critères de « super-réponses ». Les prédicteurs pour une amélioration de FEVG de plus de 14 % sont : sexe féminin, BBG > 150 ms, cardiomyopathie primitive. Les indications de la resynchronisation cardiaque en rythme sinusal sont rappelées dans le tableau 2. Il est à noter que la resynchronisation cardiaque n’est pas indiquée lorsque les QRS font moins de 120 ms, comme l’a montré l’étude LESSER-EARTH (Thibault B et al. Circulation 2013). Cette étude multicentrique randomisée en double aveugle a comparé deux groupes de patients avec dysfonction ventriculaire et QRS < 120 ms. Tous les patients ont été implantés d’un dispositif de resynchronisation et un seul groupe a été activé. Dans ces conditions, il n’y a pas d’amélioration de la FEVG, des volumes ventriculaires, ni de la gêne fonctionnelle. On note même une dégradation du test de marche de 6 minutes dans le groupe CRT. L’essai a été arrêté prématurément après inclusion de 85 patients due à une perte de chance pour ces patients.   En fibrillation atriale Malgré l’absence de preuves solides, due à un manque d’essais randomisés de grande envergure, l’opinion prédominante des experts est en faveur du caractère utile de la resynchronisation chez les patients en FA avec les mêmes indications que pour les patients en rythme sinusal, à condition qu’une ablation de la jonction A-V soit envisagée en cas de pourcentage de stimulation BiV inférieure à 99 %. Il n’y a pas de données concernant le stade II (tableau 3). Les réserves apportées sont en rapport avec la perte du synchronisme A-V et l’imputabilité de celui-ci dans le bénéfice global de la resynchronisation. Important : dans le contexte d’une cardiomyopathie et fréquence cardiaque en FA non contrôlable, la question de la stratégie thérapeutique se posera en particulier avec l’opportunité d’une ablation de la fibrillation atriale. En effet, l’étude PABA-CHF (Khan MN et al. NEJM 2008) a comparé les deux approches (ablation de la jonction A-V et resynchronisation cardiaque vs ablation de la FA) et la stratégie ablative a montré sa supériorité en termes d’amélioration de la FEVG, du périmètre de marche et de la qualité de vie (moyenne de suivi de 6 mois).   Dans ces situations, il faudra s’attacher à bien évaluer le rapport bénéfice/risque de ces deux stratégies (en sachant que parfois plusieurs séances d’ablation seront nécessaires), tenir compte du type de FA et évaluer le taux de succès, de l’âge physiologique, et bien informer le patient.   Indication de stimulation conventionnelle et FE inférieure à 50 % Une étude récente regroupant 691 patients (BLOCK-HF) (figure 8) a mis en évidence une supériorité de la resynchronisation de novo par rapport à la stimulation conventionnelle chez des patients avec FEVG < 50 %, QRS fins et BAV complet. Dans ce cas, la resynchronisation réduit les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les signes congestifs. Ces éléments ont permis d’intégrer ce groupe de patients dans les recommandations mais sont à mettre en balance avec le taux de complication éventuel de ce type d’intervention, le coût du matériel et la durée de vie diminuée de la batterie. Ces données seront à confronter avec celles à venir d’autres essais futurs, notamment l’étude BIOPACE, dont les résultats viennent d'être communiqués à l'ESC : chez les patients sans dysfonction VG implantés pour BAV, la stimulation BiV n'apparaît pas supérieure à la stimulation VD conventionnelle en termes de mortalité/hospitalisations pour IC. Figure 8. Design de l’étude BLOCK-HF (Curtis et al. NEJM 2013). De la même façon, chez les patients ayant bénéficié de l’implantation d’un stimulateur cardiaque conventionnel et développant une insuffisance cardiaque secondairement, il semble raisonnable d’envisager un upgrade pour une resynchronisation cardiaque (tableau 4). Pacemakers et IRM   Environ 75 % des patients implantés de prothèses, pacemakers (PM) ou défibrillateurs automatiques implantables (DAI) auront une indication d’IRM. La présence d’un PM ou DAI représentait habituellement une contre-indication à la réalisation d’une IRM. Toutefois, des études récentes ont montré que même avec des prothèses conventionnelles les risques étaient rares, sous réserve de quelques précautions. Par ailleurs, l’industrie propose depuis 2010 des prothèses IRM-compatibles sous certaines conditions. Du fait de ces évolutions, les sociétés savantes ont récemment modifié leurs recommandations quant aux possibilités d’utilisation de l’IRM chez les patients implantés avec un stimulateur ou défibrillateur cardiaque.   Risques de l’IRM chez les patients implantés Ils sont liés aux trois principes de fonctionnement de l’IRM (interactions résumées dans le tableau 5) : - les effets liés à la présence d’un champ magnétique statique permanent (qui permet l’alignement des protons, champ magnétique exprimé en Tesla le plus souvent compris entre 0,5 et 1,5 en pratique clinique) ; - les effets liés à la présence d’un gradient de champ magnétique (permet de modifier l’orientation des protons dans les trois plans de l’espace, gradient exprimé en MHz) ; - les effets liés à la radiofréquence (permet de changer l’état d’énergie des protons, ce qui génère un signal IRM des tissus, ce champ de radiofréquence est exprimé en MHz). Conséquences cliniques possibles pour le patient : - arrêt cardiaque par inhibition de la stimulation chez les patients stimulo-dépendants ; - induction d’arythmie atriale ou ventriculaire (FA, TV, FV) ; - élévation temporaire ou définitive du seuil de stimulation ; - altération de la détection au cours d’un trouble du rythme ; - dysfonctionnement de la prothèse, stimulation asynchrone ou inadaptée ; - cas rapportés de décès.   Même si ces complications existent (y compris de rares décès), il n’en demeure pas moins qu’elles sont exceptionnelles, survenant le plus souvent chez des patients non surveillés. En revanche, même chez des patients implantés avec des prothèses conventionnelles sous réserve d’une population sélectionnée et bien surveillée, les risques de complications semblent presque nuls.   Cas des PM conventionnels (non IRM-compatibles) Plusieurs études ont montré le très faible risque de l’IRM chez des patients appareillés avec des prothèses traditionnelles. Par exemple, O.M. Muehling et coll. (J Cardiovasc Magn Reson 2014) n’ont retrouvé aucune complication chez 356 patients appareillés avec des PM traditionnels et ayant passé une IRM cérébrale. Résultat sous condition : patients avec sonde épicardique exclus, programmation spécifique en asynchrone du PM durant l’examen, et d’une surveillance cardio-respiratoire continue durant l’IRM par une équipe rythmo-radiologique exercée. De ce fait, les sociétés savantes ont révisé leur niveau de recommandation. Ainsi il est possible de réaliser une IRM à 1,5 Tesla chez les patients porteurs de prothèses cardiaques conventionnelles avec un risque faible de complication à condition de prendre les mesures appropriées (recommandation niveau IIb - niveau de preuve B de l’ESC 2013, contre un niveau III antérieurement). L’examen pourra donc être discuté au cas par cas sous réserve des conditions et protocole suivants : - vérifier la pertinence de l’examen, possibilité de substitution par un autre moyen d’imagerie, évaluation collégiale de la balance bénéfice/risque de l’examen par une équipe de cliniciens, radiologues et rythmologues ; - les risques d’interférence augmentent d’une part avec la proximité entre la zone testée et la prothèse, d’autre part, avec l’intensité du champ magnétique, seules les IRM ≤ 1,5 Tesla sont possibles ; - l’existence de sondes épicardiques ou abandonnées reste une contre-indication à l’IRM ; - l’implantation des sondes et boîtiers doit dater de plus de 6 semaines ; - le caractère stimulo-dépendant du patient augmente le risque mais ne représente pas une contre-indication ; - l’examen lui-même nécessitera : • une vérification complète du matériel avant et après l’examen, • une programmation spécifique de l’implant (inhibé ou asynchrone) selon l’état de stimulodépendance du patient, • une inhibition des thérapies antitachycardiques en cas de DAI, • une surveillance cardio-respiratoire continue par une équipe de radiologues et rythmologues durant l’examen.   Cas des PM IRM-compatibles L’industrie propose depuis maintenant 2010 des PM (et bientôt des DAI) qui permettent avec sécurité la réalisation d’une IRM. Toutefois, la réalisation de cet examen reste soumise à différentes conditions (d’où dans la littérature le nom de PM IRMconditionnel). L’excellent niveau de sécurité de ces prothèses a permis de modifier les guidelines. Ainsi dans les recommandations 2013 de l’ESC (niveau IIa - niveau de preuve B), il est possible de réaliser une IRM à 1,5 Tesla chez les patients porteurs de prothèses cardiaques conditionnellement IRM-compatibles de façon sûre, sous réserve de suivre les instructions du constructeur. Les constructeurs étant nombreux, les instructions le sont aussi et un besoin d’uniformisation sera nécessaire. Toutefois, plusieurs points de réflexion sont importants à connaître : Hétérogénéité importante du matériel En effet, il faut distinguer les PM et sondes dédiés et conçus pour l’IRM qui permettent la réalisation d’IRM corps entier, des PM et sondes de technologie conventionnelle mais qui ont subi par le constructeur des tests de compatibilité IRM et qui permettent la réalisation d’IRM hors thorax. Le couple sonde et boîtier compatibles de même marque La compatibilité IRM nécessite effectivement un boîtier et des sondes compatibles, ce qui exclut les changements de PM sur d’anciennes sondes non compatibles. Par ailleurs, toutes les études réalisées avec des PM IRM-compatibles pour prouver leur innocuité l’ont été avec des boîtiers et des sondes de même marque. Cette particularité a bien sûr poussé les constructeurs à recommander une implantation avec des sondes et boîtier de même marque. Cette attitude est un avantage commercial évident pour l’industrie mais représente un facteur restrictif important pour les implanteurs. Il n’en demeure pas moins qu’aucune étude n’a démontré que les différents matériels estampillés IRMcompatibles (de marques différentes) étaient équivalents entre eux et donc interchangeables. Points communs à ces matériels pour la faisabilité de l’IRM - Ensemble du matériel IRMcompatible (marqueur radio-opaque spécifique sur boîtier et sondes visibles à la radio) ; - absence d’ancien matériel intracardiaque laissé en place (non IRM-compatible) ; - implantation datant de plus de 6 semaines ; - puissance de l’IRM ≤ 1,5 Tesla (matériel non garanti pour 3 Tesla) ; - avant la réalisation de l’IRM, consultation de rythmologie ayant pour but : • de vérifier l’intégrité et l’efficacité du matériel implanté, • la programmation du PM en mode IRM-compatible ; - présence d’un rythmologue inutile durant l’examen ; - après l’IRM, nouvelle consultation de rythmologie pour rebasculer le PM en mode standard.   Même si la faisabilité et la sécurité de ces matériels n’est pas à remettre en doute, il n’en demeure pas moins que la réalisation de l’IRM chez ces patients rencontre encore de nombreuses contraintes justifiant une consultation de rythmologie spécifique, au mieux auprès du centre implantateur, et une parfaite communication entre radiologue et rythmologue.   Conclusion   En stimulation cardiaque, la recherche et les innovations nous offrent des possibilités thérapeutiques de plus en plus larges, les difficultés ou impasses tendent à être contournées et le nombre de patients éligibles à un traitement se majore continuellement. Ne perdons pas de vue le patient, la discussion thérapeutique autour de son cas précis afin de lui proposer la meilleure thérapeutique, allant de l’abstention jusqu’au système le plus perfectionné.   Perspectives d’avenir   Il est probable qu’à court terme l’ensemble des PM et sondes implantés soit IRMcompatibles, mais cela nécessite une uniformisation du matériel pour favoriser sa diffusion et simplifier son utilisation.  Les premiers défibrillateurs implantables et sondes de défibrillation IRM-compatibles seront disponibles sur le marché au deuxième semestre 2014 et devraient rapidement se généraliser. Seuls pour l’instant les matériels de resynchronisation n’ont pas de compatibilité IRM prévue à court terme, du fait de contraintes techniques plus importantes au niveau des sondes ventriculaires gauches.       Figure 9. Implantation d’un PM/DAI.   Figure 10. Marqueurs radio-opaques sondes et boîtier témoins de l’IRM-compatibilité.

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