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Congrès et symposiums

Publié le 31 aoû 2014Lecture 8 min

Les stimulateurs cardiaques sans sondes

P. DEFAYE, Unité de rythmologie et stimulation cardiaque, CHU de Grenoble


APPAC
Environ 750 000 stimulateurs cardiaques sont implantés par an dans le monde(1). Cette technologie améliore la qualité de vie et réduit la mortalité des patients à risque. Mais elle est associée à des complications non négligeables péri- et post-procédure. Dix pour cent des patients porteurs de stimulateurs cardiaques auront une complication au cours de leur suivi. Ces complications peuvent être liées au générateur (hématome, extériorisation, infection de loge) ou à l’accès veineux, mais également à la mise en place de la sonde (pneumothorax, tamponnade, déplacement de sonde).
À long terme, la sonde de stimulation cardiaque est considérée comme le maillon faible du système pouvant entraîner une thrombose veineuse, une rupture d’isolant ou du fil conducteur ainsi que des infections. Ces complications sont d’autant plus fréquentes que les patients ont des comorbidités. Elles vont impacter le bénéfice de la stimulation cardiaque sur le plan médico-économique.

L’idée de la stimulation sans sonde est apparue il y a plus de 40 ans. Les premières implantations d’un système finalisé ont eu lieu en Europe et particulièrement en France en 2013. Il s’agit des premières implantations humaines et donc d’un véritable tournant dans l’histoire de la stimulation cardiaque.   Historique   Le premier stimulateur cardiaque a été implanté en Suède en 1958 par le Dr Sening. Le patient, qui présentait un bloc auriculo-ventriculaire complet a survécu jusqu’en 2001. Il est décédé de cause extracardiaque. Durant sa vie de patient stimulé, il a bénéficié de multiples replacements et ajouts de sondes(2). D’emblée, dès les premières implantations de stimulateurs, la sonde est donc apparue comme le maillon faible du système de stimulation. Dès le début des années 70, J.W. Spickler et coll. avaient décrit pour la première fois cet appareil avec système de délivrance par voie haute jugulaire. Cet appareil n’a jamais été implanté chez l’homme en raison des limites technologiques qui ont limité son développement(3) (figure 1). Ce n’est qu’en 2013 que les progrès technologiques ont permis de finaliser et d’implanter les premiers stimulateurs sans sondes. Figure 1. Le système de stimulation sans sonde proposé par J.W. Spickler et coll. en 1970.   Technologie en stimulation sans sonde   Le premier stimulateur sans sonde commercialisé est l’appareil Nanostim® St Jude Medical. Il s’agit d’un appareil extrêmement miniaturisé puisqu’il fait 1 cc pour un poids de 2 g. Il est délivré via un introducteur fémoral d’un diamètre de 18 F. Il est fixé à la pointe du ventricule droit grâce à un hélix. Il s’agit d’un stimulateur VVIR. Sa longévité est de 9,8 années avec 100 % de stimulation à 2,5 V. À 50 % de stimulation, sa longévité est estimée à 14 ans. À son extrémité proximale, il y a un petit crochet qui permet éventuellement de récupérer cet appareil grâce à un système de type lasso par voie basse. Cet appareil est programmable par télémétrie à faible consommation d’énergie (figures 2 et 3). Figure 2. Système de stimulation sans sonde St Jude Medical Nanostim®.  Figure 3. Schéma de l’implantation du stimulateur Nanostim® à l’apex du ventricule droit. Un autre appareil est développé par Medtronic. Il s’agit du stimulateur Micra® de volume 0,8 cc et 2 g également mais il est introduit via un introducteur fémoral de 22 F (figure 4). Figure 4. Système de stimulation Medtronic Micra.   Les avantages de la stimulation sans sondes   Il s’agit d’une technique beaucoup moins invasive qui devient un acte de rythmologie interventionnelle beaucoup plus qu’un acte chirurgical puisqu’il n’y a plus de cicatrice. Il n’y a plus de sonde et cela va de façon évidente entraîner moins de complications liées aux sondes. L’implantation est réalisée par voie fémorale d’où moins d’irradiation pour l’implanteur qui est plus à distance de la source. Le fait qu’il n’y a plus d’incision chirurgicale va diminuer le risque infectieux. Il n’y a plus de connections entre sonde et boîtier. La miniaturisation entraîne l’absence d’antenne et donc la plus grande facilité pour l’IRM-compatibilité. Les conséquences médico-économiques sont importantes avec possibilité de l’implanter en ambulatoire. L’absence de cicatrice et de boîtier au niveau pectoral va faire disparaître les complications locales telles qu’infection, extériorisation cutanée et hématome local. En stimulation cardiaque conventionnelle, le risque de déplacement de sonde est de 2,2 à 3,7 %. On peut penser qu’il sera réduit par l’absence de sonde en raison des moindres contraintes, notamment d’étirement, qui peuvent faire déplacer les sondes. La voie d’abord sous-clavière entraîne un risque de pneumothorax de 1,6 à 2,6 %. Cela disparaît avec la voie d’abord fémorale. Les risques de thrombose des axes veineux supérieurs, sous-claviers particulièrement, n’existent plus avec la stimulation sans sonde. Pour le risque d’infection, la taille limitée de cet appareil sans sondes va également réduire le risque de greffe bactérienne. Certains problèmes sont en rapport avec la connexion entre sonde et boîtier qui est un des points faibles. Le stimulateur sans sondes inclut la batterie, la microélectronique et l’électrode dans un même boîtier miniaturisé.   Technique d’implantation   Après avoir ponctionné la veine fémorale, un introducteur de 18 F pour l’appareil Nanostim™ est introduit de préférence à droite car le trajet est plus direct. Le stimulateur est délivré grâce à un cathéter orientable au niveau du ventricule droit (figure 5). Quand le stimulateur est positionné à la pointe du ventricule droit, il est vissé ce qui est confirmé par des marqueurs radio-opaques. Les seuils de stimulation, de détection et l’impédance sont réalisés par télémétrie inductive. Si ces mesures sont correctes, le stimulateur est libéré du cathéter de délivrance après avoir fait un petit test pour vérifier qu’il est bien fixé à la paroi (« tug test »). Figure 5.  A. Introduction du stimulateur sans sonde et de son cathéter de délivrance au niveau de la veine fémorale droite et de la veine cave inférieure. B. Progression du cathéter porteur et du stimulateur au niveau de l’oreillette droite. C. Orientation du cathéter et du stimulateur au niveau de sa position finale à l’apex du ventricule droit. D. Le stimulateur sans sonde est vissé à la pointe du ventricule droit et le cathéter est retiré : position définitive.   Limites actuelles de la stimulation sans sonde   Pour l’instant, il n’existe que des stimulateurs VVIR. Le développement de stimulateurs double chambre est plus complexe car cela nécessite le positionnement d’un stimulateur sans sonde au niveau de l’oreillette droite. La forme du stimulateur sans sonde doit probablement être modifié pour son positionnement dans l’oreillette afin de ne pas gêner le mouvement tricuspidien. Faut-il le positionner ailleurs que sur la paroi latérale ? L’auricule droite paraît peu propice en raison du risque de perforation. La communication sans fil entre les deux stimulateurs sans sondes oreillette droite et ventricule droit nécessite une consommation d’énergie significative, il faut donc progresser technologiquement sur ces systèmes. Des recherches sont en cours pour la stimulation du ventricule gauche entre endocardique et stimulation via sinus coronaire. L’implantation est effectuée par l’intermédiaire d’un introducteur de gros diamètre, 18 F pour le Nanostim® et 22 F pour le Micra®. Cela peut entraîner des risques d’hématome ou de fistule au niveau fémoral. Le risque d’embolisation dans les cavités droites existe (artère pulmonaire) et on peut donc être amené à récupérer cet appareil. Le repositionnement peut être effectué quand l’appareil n’a pas encore été largué. Concernant l’extraction, l’appareil Nanostim® a été conçu avec possibilité de réaliser l’extraction de cet appareil avec un lasso ou double lasso contrairement au Medtronic Micra®. On ne connaît pas le devenir de ces appareils à long terme, notamment le risque d’encapsulation et de fibrose qui pourrait rendre difficile l’extraction et il faudra répondre à deux stratégies : abandon du « sans sonde » et réimplantation ou extraction.   La première étude clinique publiée en 2014   La première étude humaine a été publiée récemment(4) : 33 patients ont été inclus ; 32 patients ont été implantés. Il s’agit d’une étude prospective non randomisée, en simple bras évaluant l’efficacité et la sécurité de l’implantation d’un stimulateur sans sonde. Les patients dépendants, porteurs d’une valve tricuspide mécanique, ayant déjà un stimulateur ou un défibrillateur ou suivis pour hypertension artérielle pulmonaire, ont été exclus. Le critère principal de sécurité sans complications a été étudié à 90 jours. Les critères secondaires d’efficacité comprennent le taux de succès, la durée d’implantation, et les diverses mesures d’efficacité de l’implantation et du suivi (seuils de sensibilité et de stimulation, impédance, évaluation de l’asservissement). L’âge moyen des 33 patients inclus était de 77 ± 8 ans et 67 % étaient des hommes. Les patients ont été principalement implantés pour FA associée à des troubles de conduction auriculo-ventriculaires (67 % des patients). Il y a eu une complication importante : 1 perforation du ventricule droit avec tamponnade et décès secondaire lié à un AVC. À 3 mois de suivi, les diverses mesures de sécurité de la stimulation étaient toutes stables et excellentes. Tout cela est donc comparable à la stimulation conventionnelle avec sondes. Une étude multicentrique mondiale prospective est en cours actuellement, 180 stimulateurs sans sondes Nanostim® ont été implantés. Quelques tamponnades ont été observées toujours lors des premières implantations, ce qui amène à améliorer la formation des implanteurs car il s’agit vraiment d’une nouvelle technologie et technique. Par ailleurs, les indications doivent être des indications conventionnelles et non des patients avec indication de type implantation « compassionnelle » car contre-indiqués, étant trop sévères pour la stimulation habituelle. Pour prouver la non-infériorité par rapport à la stimulation conventionnelle, il faut choisir les mêmes patients avec cette technique comme alternative. Environ 70 patients ont été implantés avec le stimulateur Micra® pour l’étude marquage CE.   Conclusion   Nous vivons donc en 2014 une véritable révolution technologique en stimulation cardiaque avec l’implantation des premiers stimulateurs sans sondes VVIR. Il s’agit d’une rupture technologique. La stimulation VVIR concerne 25 % des patients implantés d’un stimulateur cardiaque. Ces systèmes sans sondes vont faire disparaître les problèmes liés au maillon faible : la sonde de stimulation (risque de dysfonction, thrombose, infection ainsi que problèmes cutanés potentiellement induits par le stimulateur en position sous-claviculaire : extériorisation, abrasion, infection). Il est nécessaire de valider la sécurité de ces nouveaux stimulateurs sur des études à plus grande échelle en cours. On peut espérer le développement de système double chambre dans les 5 ans à venir. Une des autres possibilités de développement concerne l’association du défibrillateur sous-cutané et d’un système sans sonde communiquant entre eux pour assurer la stimulation antitachycardique et la stimulation antibradycardique. Les dix prochaines années vont être passionnantes. La recherche investit sur des systèmes rechargeables type récupérateur d’énergie (« energy harvester ») ou biopiles (pile au glucose développée à Grenoble par Philippe Cinquin et Serge Cosnier, Université Joseph Fourier) afin de réduire encore la taille des appareils en augmentant leur longévité et leur permettre de communiquer entre divers systèmes sans sondes (oreillette droite, ventricule droit et stimulation gauche).

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