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Cardiologie générale

Publié le 03 mai 2015Lecture 5 min

Absorption des médicaments à visée cardiovasculaire après chirurgie bariatrique

S. CZERNICHOW, L. MUZARD, M. BRETAULT et C. CARETTE, Unité de nutrition, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt

La prévalence de l’obésité chez l’adulte en France est de 14,5 % selon l’enquête OBEPI et en progression depuis plusieurs décennies. L’obésité expose à un risque cardiovasculaire plus élevé (Framingham Heart study).
Face à cette épidémie, la chirurgie bariatrique est devenue une option à considérer dans l’arsenal thérapeutique, lorsque l’indice de masse corporelle (IMC) est ≥ 40 kg/m² ou ≥ 35 kg/m² avec des comorbidités associées, après échec d’une prise en charge médicale, nutritionnelle, diététique et psychothérapeutique bien conduite pendant 6 à 12 mois et avec une évaluation et une prise en charge préopératoires pluridisciplinaires.
Cette chirurgie est de plus en plus répandue dans le monde avec environ 25 000 interventions pratiquées chaque année en France. Les procédures les plus fréquentes en France regroupent les interventions restrictives : anneau gastrique ajustable (AGA), sleeve gastrectomie (SG) ; et mixtes, associant restriction et malabsorption : le bypass gastrique avec anse en Y (RYBG) et la dérivation bilio-pancréatique (DBP).

Les patients obèses sévères ou massifs qui ont recours à la chirurgie bariatrique sont fréquemment polymédiqués en raison des comorbidités médicales multiples souvent associées, notamment cardiovasculaires. En pratique, ces patients obèses reçoivent fréquemment des antidiabétiques oraux, de l’insuline, des hypolipémiants, des antihypertenseurs ou d’autres médicaments à visée cardiovasculaire. Cependant, l’effet de la chirurgie sur l’absorption digestive de ces médicaments, donc sur leur biodisponibilité, est mal connu, voire quasiment inconnu. L’objet de cet article est de faire une revue de la littérature sur les connaissances disponibles concernant l’effet de la chirurgie bariatrique sur l’efficacité de ces médicaments.   Absorption des médicaments après chirurgie bariatrique   Il semble que l’effet de la chirurgie bariatrique sur l’absorption des médicaments dépende du type d’intervention et de la molécule étudiée(1) (figure 1).   Résumé de l’effet théorique de la chirurgie bariatrique sur l’absorption des médicaments Figure 1. [d’après(1)] Selon le type d’intervention   • Chirurgie par restriction gastrique La dissolution des médicaments dans l’estomac, première étape de leur absorption, permet leur transformation en forme soluble en milieu digestif. Cette étape est une limite à l’absorption de la plupart des formes solides. Or, la diminution de la poche gastrique, induite par toutes les procédures chirurgicales de l’obésité, réduit le mixage gastrique permettant cette dissolution. D’autre part, la petite poche gastrique restante produit moins d’acide que l’estomac entier. La solubilité des médicaments après chirurgie pourrait donc être affectée de façon spécifique (diminuée ou augmentée en fonction de la molécule) par l’augmentation du pH dans la poche gastrique restante(2, 3). Après RYBG, la vidange de la petite poche gastrique directement dans l’intestin grêle est mal connue : elle serait ainsi plus lente pour les solides, et plus rapide pour les liquides après bypass(4). Ces observations pourraient avoir une influence sur l’absorption des médicaments, mais le mécanisme reste imprécis. • Chirurgie par malabsorption digestive Par l’exclusion d’une portion proximale de l’intestin (de longueur variable selon le type d’intervention malabsorptive), le mixage du médicament avec les sels biliaires est diminué. Ainsi, les médicaments à libération prolongée ou les préparations enrobées pourraient voir leur absorption et leur biodisponibilité réduites. Il en est de même pour les médicaments très lipophiles dont l’exposition aux acides biliaires permet d’accroître l’absorption. Une grande partie de la surface muqueuse du tube digestif est dérivée. Néanmoins, un phénomène « d’adaptation intestinale » par une hypertrophie de la muqueuse intestinale restant en contact avec les aliments après dérivation diges tive a été décrit, pouvant être responsable d’une augmentation de la capacité d’absorption au cours du temps(5, 6). Toutefois, la répercussion de cette adaptation sur l’absorption des médicaments après chirurgie bariatrique n’est pas connue.   Enfin, la chirurgie bariatrique diminuerait l’inflammation systémique. En effet, les patients obèses présentent un tissu adipeux enrichi en protéines de l’inflammation (IL6, TNF α , IGF β ) et infiltré en macrophages. Une perte de poids importante portant sur la masse grasse serait responsable d’une diminution significative du nombre de macrophages et d’une modification du profil inflammatoire(7). L’absorption des médicaments pourrait ainsi être modifiée.   Selon la molécule absorbée Très peu de données existent sur l’absorption des traitements à visée cardiovasculaire après chirurgie malabsorptive.   • Traitement antihypertenseur L’hydrochlorothiazide pourrait voir son absorption diminuée après chirurgie malabsorptive(8).  • Digoxine Dans une série de cas datant de 1977 sur 7 patients op rés d’un by-pass jéjuno-iléal, l’absorption de digoxine ne semblait pas modifiée à 2 mois postopératoires bien que l’excrétion urinaire et fécale soit modérément à sévèrement diminuée(9). Pourtant, la digoxine dépend d’un environnement acide pour une dissolution optimale(10), son absorption et sa biodisponibilité pourraient donc être réduites. • Traitement hypolipémiant Une étude prospective non randomisée s’intéressant à l’absorption de l’atorvastatine après RYBG chez 12 patients a comparé son exposition systémique avant et après l’intervention : une augmentation globale de l’exposition systémique de l’atorvastatine après intervention était observée  (n = 8/12), alors que 4 patients, dont 3 présentant les concentrations d’atorvastatine les plus élevées avant chirurgie, montraient au contraire une baisse de l’exposition systémique(11).  • Antidiabétiques oraux Une augmentation de l’exposition systémique de metformine après RYBG a été observée dans une étude comparant les paramètres pharmacocinétiques d’une dose unique de metformine (1 000 mg sur 24 heures), chez 16 patients opérés (≥ 3 mois postopératoires) et 16 sujets contrôles non opérés(12).    Conduite à tenir en pratique   Il convient de réévaluer les traitements médicamenteux habituels après l’intervention   À la sortie de la chirurgie : selon la clinique et l’indication, il peut être indiqué de diminuer le traitement antihypertenseur, les patients opérés ayant tendance à l’hypotension orthostatique. Le choix pourrait être porté sur une réduction des diurétiques. En effet, en postopératoire immédiat, il est fréquent que les apports hydriques des patients soient nettement réduits (diminution de la sensation de soif et poche gastrique restante limitant la prise alimentaire et hydrique). Un traitement diurétique trop important pourrait favoriser l’apparition d’une déshydratation, voire une insuffisance rénale fonctionnelle.   À distance de la chirurgie : le traitement pourra être réévalué lors du suivi habituel du patient opéré (4 suivis recommandés la première année par la HAS), et le traitement cardiologique sera adapté à chaque situation. Ainsi, après chirurgie bariatrique (bypass notamment), il peut être nécessaire de réduire, voire d’arrêter les traitements antihypertenseurs devant l’amélioration de l’HTA(13). Néanmoins, il est nécessaire de surveiller la pression artérielle au long cours devant le risque de réascension pondérale parfois constatée(14). De même, l’amélioration du profil lipidique, notamment sur les triglycérides(14), peut amener le praticien à réévaluer la nécessité de poursuivre le traitement.   En conclusion   Il est vraisemblable que la chirurgie de l’obésité, principalement malabsorptive, modifie l’absorption des médicaments à visée cardiovasculaire, mais cela semble dépendre de la molécule étudiée. Il paraît important d’adapter au mieux les posologies des médicaments après intervention, afin d’anticiper une baisse de l’efficacité du traitement nécessitant parfois une fenêtre thérapeutique étroite, ou au contraire un surdosage d’un médicament n’étant plus métabolisé au niveau intestinal, source de toxicité potentielle. En pratique, un suivi plus rapproché dans les mois suivant la chirurgie bariatrique s’impose afin de réévaluer et d’adapter au mieux les posologies des médicaments, en s’appuyant principalement sur la clinique et les résultats biologiques usuels.

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