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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 16 avr 2015Lecture 4 min

Quel est le but d’un traitement antiarythmique ?

J.-F. LECLERCQ, Paris et Le Chesnay

Avant de donner un traitement, quel qu’il soit, le médecin doit estimer le bénéfice qu’il en escompte et le risque qu’il prend. C’est variable selon la pathologie et le patient, en rythmologie comme ailleurs. Nous avons 3 types de traitements pour traiter les troubles du rythme : les médicaments antiarythmiques, les techniques instrumentales d’ablation et les prothèses. Pour un patient donné, le but de chacun de ces traitements n’est pas différent, seuls l’efficacité et le rapport bénéfice/risque le sont. Avant de choisir une thérapeutique (ou de s’en abstenir) la première chose à faire est donc de bien définir son but.

Dans les troubles du rythme jonctionnels le problème est simple : S’il y a une préexcitation patente (syndrome de Wolff-Parkinson-White) il peut y avoir un risque vital. Même si la mort subite est rare, elle est impardonnable chez un patient à cœur sain. Le but du traitement est donc de prévenir ce risque. On a en pratique recours aux techniques d’ablation chez ces patients, seules curatives. Les antiarythmiques au long cours n’ont plus de place. S’il n’y a pas de préexcitation visible, il n’y a pas de risque vital et le but du traitement est d’améliorer le confort de vie du patient en supprimant les tachycardies paroxystiques ou en les rendant supportables au plan fonctionnel. Cela peut évidemment être réalisé par l’ablation, mais si le patient et/ou le cardiologue sont pusillanimes, un traitement antiarythmique au long cours peut être utilisé. On peut aussi ne rien faire si les crises sont rares : je connais un vieux collègue cardiologue qui n’a jamais pris aucun traitement et qui arrêtait toujours son Bouveret par une manœuvre vagale ! Dans les troubles du rythme ventriculaires, la question fondamentale est la même : y-a-t il risque de mort subite ou non ? C’est évidemment fonction de la cardiopathie sous-jacente, et des caractéristiques du trouble du rythme. Dans la cardiopathie ischémique, ce risque est important et le but du traitement antiarythmique est donc la prévention de la mort subite. Seuls deux ont démontré leur efficacité : les bétabloqueurs et le défibrillateur implantable. La prescription d’un bétabloqueur à dose correcte est donc absolument impérative chez le coronarien, et les contre-indications doivent rester exceptionnelles. Aucun autre médicament antiarythmique, même l’amiodarone, n’est indiqué. L’implantation d’un défibrillateur fait l’objet de recommandations régulièrement révisées, prenant en compte la sévérité du trouble du rythme et de l’insuffisance cardiaque. Les techniques d’ablation des tachycardies ventriculaires ont leur place en cas d’accès trop fréquents après implantation. Dans les cardiopathies non ischémiques, le risque de mort subite est également présent même s’il est moins fréquent. Le but du traitement est donc le même et les deux précités peuvent être utilisés. La présence habituelle d’un bloc de branche large explique que le défibrillateur sera souvent triple chambre. Mais s’il n’y a pas de cardiopathie sous-jacente ? En principe, il n’y a pas de risque vital et le problème est donc purement fonctionnel. Seuls les patients avec anomalie génétique de l’ECG (QT long, Brugada, repolarisation précoce) ont un risque de mort subite à évaluer en milieu spécialisé. Pour ceux qui ont des extrasystoles fréquentes mais un ECG et un écho normal, le but du traitement est simplement d’améliorer leur confort de vie, et non de diminuer le nombre des extrasystoles. S’ils ne se plaignent de rien, on ne leur donne rien. S’ils se plaignent de palpitations, on commence toujours par les médicaments les plus anodins. Seuls ceux qui ont des syncopes ou des lipothymies (liées à des salves rapides) sont candidats à l’ablation. Une exception à cette règle : les patients avec insuffisance cardiaque et ES incessantes, chez qui on peut espérer améliorer ou normaliser la fonction pompe en supprimant les ES par ablation (tachy-cardiomyopathie). Mais le problème le plus courant est celui des troubles du rythme auriculaires. Ils ne donnent pas de mort subite, mais peuvent donner embolies et insuffisance cardiaque. Outre les anticoagulants, il y a donc une place pour les traitements antiarythmiques si l’on estime que le maintien du rythme sinusal va diminuer ces risques et donc la mortalité. Dans la FA paroxystique, il n’y a pas de risque d’insuffisance cardiaque en pratique courante (la sténose mitrale serrée se fait rare en 2012). Le risque embolique, lui, existe bien et semble (entre autres facteurs) fonction du nombre d’accès et de leur longueur : c’est démontré chez les porteurs de prothèses où c’est plus facilement quantifiable. On peut donc espérer diminuer le risque embolique de ces patients en diminuant la fréquence et la longueur de leurs crises, ce qui constituerait alors un but majeur du traitement antiarythmique (médicaments ou ablation) . Mais ça, ce n’est pas démontré... travail à faire ! C’est seulement dans la FA persistante et surtout permanente que le risque d’insuffisance cardiaque apparaît. On comprend alors que le but principal des traitements antiarythmiques est probablement de retarder le passage en FA permanente. Nous savons qu’ils permettent de maintenir plus longtemps le patient en rythme sinusal. Pourtant les études contrôlées du type « réduire ou ralentir » sont négatives. Ceci fait ressortir un fait d’expérience vécu par tous les cardiologues : certains patients se f...t complètement d’être en FA chronique et finissent nonagénaires, alors que d’autres qui allaient très bien en rythme sinusal sont en grande insuffisance cardiaque moins d’un an après être passés en FA permanente. Or, problème très agaçant, nous sommes incapables de prédire ce qui va se passer pour un patient donné... Il va de soi que si ce risque ne concerne que 30 % de la population par exemple, une étude contrôlée va forcément enrôler 70 % de patients inutiles : elle a de fortes chances d’être négative, sauf à avoir un effectif gigantesque. Il faut donc avoir chez le même patient la preuve et la contre-épreuve (bien en sinusal, mal en FA et bien au retour en sinusal) pour dire que le traitement lui rend service. Ce n’est pas toujours possible, évidemment. La démonstration est plus facile dans le flutter après ablation. En somme, la difficulté essentielle dans cette maladie est donc bien d’apprécier le risque individuel de tachy-cardiomyopathie. Que de travaux à faire pour la prochaine génération de rythmologues !  

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