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Coronaires

Publié le 14 mar 2014Lecture 12 min

Place de l’imagerie cardiovasculaire non invasive dans le dépistage de la maladie coronaire

L. OROBINSKAIA, L. PERDRIX, Services de prévention cardiovasculaire et de cardiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris

Les maladies cardiovasculaires – en particulier les maladies coronaires et l’AVC – restent la première cause de mortalité dans la majorité des pays développés. En France, elles sont récemment passées en seconde place, immédiatement derrière le cancer, et ce, grâce à l’amélioration de la prise en charge thérapeutique des patients, des mesures de prévention en particulier secondaire mais aussi des progrès dont ont bénéficié les méthodes diagnostiques et le développement des techniques d’imagerie. L’enjeu actuel est donc de dépister pour mieux traiter. 

Le dépistage chez les patients symptomatiques   Le dépistage par les examens non invasifs ne doit pas être effectué chez les patients symptomatiques avec SCA ST+ ou ST-. Ces patients doivent bénéficier d’emblée d’une coronarographie. Chez les patients symptomatiques stables (angor de classe I à III de la Société canadienne de cardiologie), le dépistage de l’ischémie myocardique à pour but, d’une part, d’améliorer la qualité de vie du patient en traitant des symptômes et, d’autre part, de diminuer le risque d’événements cardiovasculaires majeurs immédiats et à long terme. En effet, il a été démontré que l’ischémie myocardique (symptomatique ou silencieuse)(1) était un facteur prédictif important et indépendant d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients coronariens connus tout comme chez les patients en prévention primaire. Ainsi, l’objectif du dépistage est d’identifier les patients à risque(2).   Le dépistage chez les patients asymptomatiques La prévalence de l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) varie selon les études. La population la plus à risque d’IMS est la population diabétique. On observe un rapport de fréquence de 2 à 6 entre les populations non diabétiques et diabétiques(3). Le principal objectif du dépistage de l’IMS chez l’asymptomatique est de diminuer le risque d’événements cardiovasculaires grâce à une meilleure prise en charge thérapeutique. En effet, les patients coronariens présentant une IMS ont le même pronostic que les patients coronariens symptomatiques, souvent traités plus agressivement en raison de leurs symptômes(2). Le dépistage de l’IMS a également pour objectif d’évaluer l’étendue de l’ischémie étroitement liée au pronostic. Les outils et les modalités de dépistage chez l’asymptomatique en prévention primaire dépendent de l’estimation du risque cardiovasculaire. Pour exemple, dans l’étude DIAD (Detection of Silent Myocardial Ischemia in Asymptomatic Diabetics)(4), 21 % des patients diabétiques ayant au moins deux facteurs de risque (sur 522 patients au total) présentaient une ischémie myocardique. En cas d’IMS, des sténoses coronaires significatives n’étaient retrouvées que chez 30 à 60 % des patients. L’explication d’une telle discordance réside probablement dans une dysfonction endothéliale entraînant une diminution du flux coronaire sur des coronaires angiographiquement saines(5).   Évaluation du risque cardiovasculaire   Il existe un très grand nombre de scores (> 100). Les scores les plus répandus sont le modèle SCORE de l’ESC et le score de Framingham(6). La cohorte de Framingham a suivi 5 345 patients entre 30 à et 74 ans, pendant 12 ans, avec comme critère principal la survenue d’un événement cardiovasculaire (IDM et décès), en fonction de l’âge, du sexe, du cholestérol total, du HDL-cholestérol, du statut tabagique, de la pression artérielle, et permet de proposer une formule de calcul de score de risque(6,7). Elle est moins bien adaptée en dehors des États-Unis, mais reste globalement applicable aux différentes ethnies mondiales(7). Ce score permet de définir 3 groupes de patients : - les patients à faible risque (score de Framingham inférieur à 6 % à 10 ans(7)). Ces patients ne présentant aucun facteur de risque cardiovasculaire « classique » : pas de tabagisme, cholestérol total < 2 g/l, HDL-cholestérol > 0,40 g/l, pression artérielle < 120/80, glycémie < 1,10 g/l, indice de masse corporelle < 25 kg/m2 et pas d’hérédité cardiovasculaire. Le dépistage de l’ischémie silencieuse dans cette population n’est pas recommandé, car il n’est pas conforme aux recommandations de l’OMS ; - les patients à risque intermédiaire (score de Framingham compris entre 6 et 20 %). Ce sont les patients présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire (en dehors de l’hyperglycémie, qui classe d’emblée les patients en haut risque) : tabagisme actif, cholestérol total > 2 g/l, LDL-cholestérol > 1,6 g/l, pression artérielle > 140/90, âge > 50 ans chez les hommes, et > 60 ans chez les femmes ou hérédité coronarienne. Le dépistage de l’ischémie silencieuse se discute au cas par cas. Un patient à risque intermédiaire mais ayant un score calcique élevé (> 400 unités d’Agatston) doit être reclassé dans le groupe des patients à haut risque ; - les patients à haut risque (score de Framingham > 20 %) : patients en prévention secondaire d’un événement cardiovasculaire coronarien (syndrome coronaire aigu, angor avec coronaropathie documentée, revascularisation coronaire chirurgicale ou endovasculaire) ou cérébral (accident vasculaire cérébral transitoire ou constitué, endartériectomie carotidienne) ou artériel périphérique (revascularisation des artères périphériques) ; ou patients en prévention primaire avec une athérosclérose infraclinique importante (sténose carotidienne > 50 %, sténose d’une artère périphérique > 50 %, anévrisme de l’aorte abdominale de plus de 30 mm), diabétiques de type 2, pression artérielle > 180/90 mmHg, cholestérol total > 3,2 g/l ou LDL-cholestérol > 2,4 g/l(8). Le dépistage de l’ischémie silencieuse est recommandé.   Le modèle SCORE de l’ESC est basé sur des données regroupant 12 études européennes de cohorte (n = 205 178) couvrant une grande étendue géographique à différents niveaux de risque cardiovasculaire(9). Les données de SCORE portent sur plus de 3 millions de personnes-années d’observation et 7 934 événements cardiovasculaires fatals. Ce score évalue le risque de maladie cardiovasculaire fatale, en tenant compte de l’âge, du sexe, du tabagisme, de la pression artérielle et du cholestérol sanguin ou du rapport cholestérol total/HDL. Il présente le risque absolu de maladie cardiovasculaire et la part des facteurs de risque modifiables sur un graphique circulaire. L’effet attendu de l’intervention est calculé d’après les résultats de larges essais cliniques randomisés sur l’hypertension et l’hypercholestérolémie (formule disponible sur internet).   Les examens complémentaires et le dépistage de l’ischémie silencieuse   Les tests de dépistage d’une ischémie myocardique sont loin d’être systématiques et leur indication est guidée par l’évaluation du risque cardiovasculaire global(8). • L’échocardiographie est recommandée (classe IIbB) uniquement en cas d’hypertension artérielle ou d’anomalies sur l’ECG de repos(10,11), à la recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’un remodelage concentrique ou d’une dysfonction ventriculaire gauche. • L’électrocardiogramme d’effort sur bicyclette ou sur tapis(14) (classe IIbB)(12) présente des sensibilité et spécificité pour la détection d’une ischémie myocardique de 70 %. La valeur prédictive d’un test d’effort maximal négatif est très bonne. Il permet également l’évaluation de la capacité à l’effort qui est un marqueur pronostique(14). Le calcul du score de Duke Treadmill prend en compte la capacité à l’effort, les modifications du segment ST, la présence de symptômes et est prédictif de risque de maladie cardiovasculaire(14,13). • L’échocardiographie de stress est pratiquée soit au cours d’un effort sur lit ergométrique semiallongé, soit au cours d’un stress pharmacologique (dobutamine ± atropine), aidée au besoin d’un agent de contraste (Sonovue®). Ses sensibilité et spécificité pour la détection d’une ischémie myocardique sont de 85 % à 90 %(14). La détection d’une ischémie myocardique est basée sur l’analyse de l’amélioration de la cinétique (épaississement pariétal) de l’ensemble des segments myocardiques, l’absence d’ischémie se traduisant par une hyperkinésie homogène à l’effort. Elle est couplée à une surveillance classique ECG et pression artérielle. • La scintigraphie myocardique d’effort ± Persantine® présente une sensibilité et une spécificité globalement superposables à l’échographie de stress (85 % à 90 %), avec une spécificité peut-être un peu plus faible. Les recommandations soulignent bien que la scintigraphie myocardique d’effort a sa place pour l’évaluation des patients symptomatiques, ou en bilan préopératoire, et non pas en pratique courante chez les patients asymptomatiques, puisqu’elle expose le patient à une irradiation de 5-40 mSv. Les traceurs utilisés sont le thallium 201 (201Tl), le MIBI (méthoxy-isobutyl-isonitril) marqué au technétium99mTc et la tétrofosmine marquée au 99mTc(15). Le MIBI est capté par les myocytes lors du premier passage, et sa distribution reflète la perfusion myocardique lors de l’injection suivant le principe de Fick. Sa concentration reste constante, permettant de mesurer son activité plusieurs heures après son injection, contrairement au thallium 201Tl, qui nécessite une acquisition rapidement après son injection. L’irradiation est moindre pour le MIBI et la qualité d’image globalement supérieure au thallium. Le patient réalise une épreuve d’effort sur ergocycle suivant le protocole classique de Bruce. En cas d’anomalies, le patient est habituellement repris plusieurs heures après pour acquérir les images de repos. En cas de capacité à l’effort insuffisante, une injection de dipyridamole (à la dose de 0,76 mg/kg) ou plus rarement de dobutamine (en cas de contre-indication au dipyridamole) peut être nécessaire. • L’IRM de stress pharmacologique peut se faire après injection de dobutamine (± atropine) ou d’adénosine. L’injection de dobutamine, comme en échographie, permet une analyse de la contraction myocardique : la détection d’une ischémie myocardique est basée sur l’analyse de l’épaississement pariétal de l’ensemble des segments myocardiques, l’absence d’ischémie se traduisant par une hyperkinésie homogène. Le stress sous injection d’adénosine est basé sur le vol coronaire et l’analyse de perfusion sur des séquences de premier passage permet de conclure quant à l’existence d’une ischémie myocardique. Certains centres associent l’injection de dobutamine à celle d’adénosine. Les sensibilité et spécificité sont d’environ 85 à 90 %, donc proches de celles de l’échographie de stress ou de la scintigraphie(16). Certains auteurs tentent d’avoir une approche combinant score calcique et IRM(17). Une analyse anatomique des coronaires peut également être faite, mais n’est pas encore utilisée en pratique courante, car elle pose encore de nombreux problèmes techniques. L’IRM pourra certainement dans l’avenir caractériser la composition des plaques coronaires et évaluer leur risque de rupture(18).   Le dépistage de l’athérosclérose infraclinique   Plusieurs études démontrent que la maladie artérielle subclinique a la capacité de prédire le risque d’accident cardiovasculaire. La détection d’athérosclérose subclinique par des tests non invasifs devient ainsi un outil complémentaire au dépistage des sujets à haut risque cardiovasculaire. Le Doppler artériel permet la détection de la plaque d’athérome sur les parois artérielles des divers sites (en prédominance sur les artères carotides, l’aorte abdominale et les artères fémorales) (figure 1). La plaque est définie par l’épaisseur locale de la paroi artérielle dans la lumière circulante de l’artère > 1,3-1,5 mm selon les différentes définitions. Une étude prospective finlandaise chez les sujets d’âge moyen a montré que la présence d’une plaque carotidienne multiplie le risque d’infarctus du myocarde à court terme par 3 et par 7 si la sténose est > 20 % NASCET.   Figure 1. Plaque d’athérome sur l’artère fémorale. L’épaisseur intima-média carotidienne est recommandée par l’AHA chez le patient à risque cardiovasculaire intermédiaire(19). Elle est mesurée par échographie en mode 2B ultrason à haute résolution (figure 2). Elle n’est pas synonyme d’athérosclérose, car les mesures sont effectuées dans la carotide primitive en général indemne d’athérosclérose. En revanche, lorsque la mesure de l’épaisseur intima-média est moyennée sur plusieurs sites comme la carotide primitive, la bifurcation carotidienne et la carotide interne, elle est considérée comme un marqueur d’athérosclérose, car la carotide interne et le bulbe sont les endroits fréquemment atteints par l’athérosclérose. Quel que soit le site de sa mesure, l’épaisseur intima-média est augmentée en présence des facteurs de risque majeurs (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, diabète et tabagisme).   Figure 2. Échocardiographie carotidienne. Augmentation de l’EIM. Calcifications coronaires   Le score calcique Le scanner cardiaque permet l’acquisition de coupes fines en diastole pour diminuer les artéfacts liés aux mouvements du coeur, et de dépister et de quantifier les calcifications des artères coronaires, qui sont un marqueur de l’athérosclérose(20,21) sauf chez les insuffisants rénaux chez qui on peut retrouver des calcifications sans rapport avec l’athérosclérose. Les cristaux de calcium insoluble s’introduisent dans la plaque fibreuse par un mécanisme similaire à celui de la formation osseuse. La quantité de calcium intracoronaire est fonction de la surface calcifiée multipliée par un facteur corrélé à la densité de calcium évaluée en unités Hounsfield ; le score calcique total est exprimé en unité d’Agatston(22). Le score d’Agatston est établi pour chacune des coronaires : tronc commun, interventriculaire antérieure, coronaire droite et circonflexe, artères diagonales et marginales. L’irradiation est faible (< 1,5 mSv, en moyenne 0,9 à 1,1 mSv) (figure 3 et tableau). Les patients avec un score calcique supérieur à 400 sont les patients dont il faut contrôler de façon stricte les facteurs de risque. Une étude prospective, Prospective Army Coronary Calcium Study, montre en effet que les patients dont le statut calcique est connu sont mieux traités(23). Ainsi, le score calcique ne doit pas être utilisé pour une évaluation du degré des sténoses coronaires, mais il apporte une excellente évaluation morphologique chez les patients à haut risque d’athérosclérose.   Figure 3. Score calcique.    Dix sociétés savantes(20,21) évoquent un niveau de preuve suffisant pour la réalisation du score calcique comme test diagnostique, et une recommandation( 15) prône son utilisation avec un haut niveau de preuve chez des patients à risque intermédiaire. En revanche, chez les patients à bas risque, les recommandations sont unanimes pour déconseiller la mesure du score calcique.   Autres tests diagnostiques   Tout à fait secondaires par rapport aux tests cités précédemment, nous ne les développerons que très succinctement.   Vasodilatation débit-dépendante La brachial artery flow-mediated dilation (FMD) ou vasodilatation débit-dépendante est un marqueur dans l’évaluation de la fonction endothéliale et peut être mesurée par l’imagerie échographique de l’artère humérale au cours d’une augmentation du débit sanguin pendant 60 secondes et de l’hyperhémie réactive, consécutive à la levée d’une ischémie de l’avant-bras et de la main induite par un brassard gonflé à pression suprasystolique pendant 5 minutes. Un programme informatisé permet une mesure continue du diamètre artériel et ainsi le calcul du pourcentage de dilatation maximale. Des études de patients porteurs de divers facteurs de risque suggèrent que la vasodilatation débit-dépendante reflète les effets intégrés des facteurs de risque cardiovasculaire. Néanmoins, les difficultés techniques du test le font plutôt réserver aux protocoles de recherche menés par des spécialistes hautement expérimentés.   Rigidité artérielle La mesure de l’onde de pouls (VOP), qui est un marqueur de la rigidité artérielle, n’est pas recommandée(8). La mesure de rigidité artérielle est plutôt réservée à des protocoles de recherche clinique ou à des essais thérapeutiques, car elle présente des limitations d’ordre méthodologique et/ou pronostique. Elle analyse la mesure des mouvements de la paroi artérielle ou de la vitesse de l’onde de pouls, ou celle du contour de l’onde de pouls(24). La mesure concomitante de pression artérielle instantanée, généralement par tonométrie d’« applanation », permet de calculer l’élasticité ou index de rigidité, qui relie la variation de pression artérielle au cours du cycle cardiaque à la variation du diamètre artériel.   Index de pression systolique L’index de pression systolique cheville/bras est le rapport entre la pression systolique mesuré à la cheville (artère tibiale) et la pression systolique humérale. Les mesures de pression sont effectuées par stéthoscope ou par Doppler de poche. L’abaissement de cet index au-dessous de 0,90 traduit une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Un index supérieur à 1,30 traduit une médiacalcose. Cependant, l’abaissement de l’index de pression systolique est rare dans la population générale et sa recherche doit être réservée aux personnes âgées de plus de 65 ans et/ou exposées au risque de maladie artérielle périphérique du fait d’un tabagisme ou d’un diabète.     Conclusion    Le dépistage de la maladie coronaire a pour but l’amélioration du pronostic. Les examens non invasifs doivent donc permettre la mise en évidence de la maladie athéroscléreuse, d’une part, et la détection d’une ischémie myocardique, d’autre part. La première étape est de définir le risque cardiovasculaire du patient, étape pour laquelle il est possible de s’aider de certains examens d’imagerie tels que le Doppler artériel ou le score calcique. La deuxième étape, dépendante de la première, est de poser l’indication de la recherche d’une ischémie myocardique : le choix du type d’examen devra prendre en compte le contexte clinique (faisabilité d’un effort, échogénécité), l’irradiation potentielle et la disponibilité des actes.  Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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