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Congrès et symposiums

Publié le 28 fév 2014Lecture 6 min

Les antiagrégants plaquettaires avant la salle de cathétérisme

N. KARAM, C. SPAULDING, Département de cardiologie, HEGP, Paris

JESFC

La liste des antiagrégants plaquettaires actuellement disponible a évolué durant les dernières années et inclut aujourd’hui : l’aspirine, le clopidogrel, le prasugrel et le ticagrélor, en plus des anti-GP IIb/IIIa. Les recommandations concernant le type d’antiagrégant à administrer ainsi que sa posologie varient en fonction des circonstances cliniques et sont en évolution permanente. Si l’aspirine reste un pilier du traitement, des études et des recommandations récentes ont modifié les pratiques des salles de cathétérisme, notamment en ce qui concerne le « prétraitement » par clopidogrel ou les antiagrégants plus récents (ticagrélor ou prasugrel).

Coronarographie programmée (angor stable et ischémie silencieuse)    Les antiagrégants recommandés en cas d’angioplastie élective sont essentiellement l’aspirine et le clopidogrel. En ce qui concerne le prétraitement par clopidogrel, les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie sur la prise en charge de l’angor stable ont bouleversé les habitudes de la plupart des salles de cathétérisme(1). Le clopidogrel n’est plus recommandé en prétraitement et ne doit être introduit qu’une fois l’anatomie coronaire connue. En effet, une métaanalyse a montré que le risque accru de saignement avec la double antiagrégation chez les patients qui ne sont finalement pas stentés n’est pas contrecarré par le bénéfice obtenu en termes d’ischémie chez les patients qui bénéficient d’une angioplastie(2). Le message est fort et clair, avec une recommandation de grade III (« le prétraitement ne doit PAS être réalisé ») associé au niveau de preuve le plus élevé (A). Reste à convaincre les angioplasticiens qui ont souvent du mal à abandonner le mythe de la protection par un prétraitement…   En pratique, si l’angioplasticien a toutes les conditions nécessaires pour réaliser une angioplastie dans la foulée de la coronarographie (preuve d’ischémie claire et nette, lésions à bas risque, patient sous aspirine, consentement obtenu au préalable, équipe entraînée et reposée) la dose de charge est administrée immédiatement après la procédure. Dans les autres cas l’angioplastie est réalisée secondairement au cours d’une autre procédure et précédée d’une dose de charge de clopidogrel.   Le prasugrel et le ticagrélor ne doivent pas être utilisés pour les angioplasties à bas risque (recommandation III) et leur utilisation doit être réservée aux cas de thrombose de stent sous traitement ininterrompu par clopidogrel (recommandation IIa) et à certaines angioplasties à haut risque (angioplastie du tronc commun, risque élevé de thrombose de stent et diabète) (recommandation IIb).   Syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST (SCA ST-)   Trois études ont partagé les cardiologues en deux clans : les « prétraiteurs », les « non-prétraiteurs » dans le SCA ST-. L’étude PLATO (PLATelet inhibition and patient Outcomes) a démontré l’efficacité du ticagrélor avec une réduction du composite (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal ou AVC) mais également de la mortalité cardiovasculaire chez les patients présentant un syndrome coronaire aigu avec sus-décalage du segment ST (SCA ST +) ou un SCA ST- à risque élevé ou intermédiaire, quelle que soit la stratégie thérapeutique envisagée (invasive ou conservatrice)(3). Une dose de charge de 180 mg a été administrée, suivie par une dose d’entretien de 90 mg deux fois par jour. Élément fondamental : le traitement a été administré chez tous les patients, dès la randomisation, avant la coronarographie. L’étude TRITON-TIMI 38 a démontré l’efficacité du prasugrel dans la réduction d’un critère composite (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal ou AVC) chez les patients présentant un SCA ST+ ou - à risque élevé ou intermédiaire(4). Le prasugrel était donné au décours de la coronarographie, une fois l’angioplastie décidée, sauf chez les patients porteurs d’un SCA ST+. Une dose de charge de 60 mg a été administrée, suivie par une dose d’entretien de 10 mg en une prise journalière. L’étude ACCOAST a évalué le prétraitement par prasugrel chez des patients présentant un SCA ST- (en excluant les patients à haut risque)(5). Les patients étaient randomisés entre un prétraitement par prasugrel ou un placebo avant la réalisation de la coronarographie. En cas d’angioplastie chez les patients du groupe placebo, le prasugrel était administré au moment de la procédure. Les résultats de cette étude sont sans équivoque : à 30 jours, il n’existe pas de différence dans la survenue d’événements ischémiques entre les deux groupes, mais plus de saignements dans le groupe prétraitement.   À la lumière de ces études, plusieurs attitudes sont possibles dans le SCA ST-. De façon schématique : - l’aspirine reste toujours un pilier du traitement antiagrégant plaquettaire ; - Les « prétraiteurs » choisiront le ticagrélor qui sera administré dès l’admission, avant la réalisation de la coronarographie ; - Les « non-prétraiteurs » choisiront le prasugrel qui ne sera administré qu’en cas de coronarographie suivie d’angioplastie.   À l’heure actuelle, il n’existe aucune étude randomisée comparant directement le prasugrel au ticagrélor. Les deux attitudes sont donc acceptables et présentent chacune des avantages et des désavantages. L’option « prétraitement par ticagrélor » a l’avantage de la simplicité et permet de traiter tous les patients (y compris ceux qui ne seront pas dilatés) par une molécule qui a prouvé sa supériorité par rapport au clopidogrel. L’option « traitement par le prasugrel uniquement en cas d’angioplastie » permet d’opérer le patient plus rapidement en cas de lésions relevant d’un traitement chirurgical. Enfin, le ticagrélor présente moins de contre-indications et de précautions d’emploi par rapport au prasugrel (ticagrélor : antécédent d’accident vasculaire hémorragique ; prasugrel, antécédent d’accident vasculaire cérébral, poids < 60 kg, âge > 75 ans).   Syndrome coronaire aigu avec sus-décalage du segment ST (SCA ST+)   Actuellement, la majorité des patients sont traités par angioplastie primaire. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie sur le SCA ST+ précisent la place des antiagrégants(6). Une double antiagrégation plaquettaire avant l’angioplastie associant l’aspirine avec un inhibiteur des récepteurs à l’ADP est recommandée. L’aspirine doit être donnée à la dose de 150-300 mg par voie orale ou 80-150 mg par voie intraveineuse si le patient est incapable d’avaler (recommandation IB).   L’inhibiteur des récepteurs à l’ADP peut être : - le ticagrélor ; - le prasugrel ; - le clopidogrel peut être administré si le prasugrel et le ticagrélor ne sont pas disponibles ou sont contre-indiqués. Une dose de charge de 600 mg de clopidogrel suivie par une dose d’entretien de 150 mg pendant la première semaine est recommandée. Chez les patients fibrinolysés, il est actuellement recommandé d’administrer l’aspirine et le clopidogrel. En ce qui concerne l’utilisation des anti-GP IIb/IIIa, elle peut être envisagée chez les patients à haut risque transférés pour angioplastie primaire (recommandation IIB) ; les molécules autorisées sont l’abciximab (niveau de preuve A), l’eptifibatide et le tirofiban (niveau de preuve B).   Syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST mais avec signes de gravité   Environ 5 à 15 % des SCA ST vont présenter d’emblée des signes de gravité qui vont conduire à la réalisation rapide (dans les deux heures suivant l’admission) d’une coronarographie : instabilité hémodynamique, douleur persistante ou récidive douloureuse sous traitement médical, tachycardie ventriculaire ou fibrillation ventriculaire. Ces patients ont été exclus de l’étude ACCOAST, et donc de la discussion « prétraitement versus pas de prétraitement ». Ils doivent être traités de façon similaire aux STEMI et recevoir un prétraitement par aspirine et un inhibiteur des récepteurs à l’ADP en privilégiant le ticagrélor ou le prasugrel.    Conclusion   Le mythe du prétraitement par antiagrégants plaquettaires avant toute angioplastie a subi l’assaut de métaanalyses bien conduites, et de nouvelles molécules avec des études randomisées réalisées à large échelle. De façon schématique : - il ne faut plus prétraiter par clopidogrel les patients adressés pour coronarographie diagnostique dans le cadre d’un angor stable ou d’une ischémie silencieuse ; - les patients adressés en urgence en coronarographie pour un SCA ST+ ou un SCA ST- avec critères de gravité doivent recevoir de l’aspirine avant la coronarographie et un deuxième antiagrégant plaquettaire oral qui sera de préférence du ticagrélor ou du prasugrel ; - dans le SCA ST- sans signes de gravité, l’aspirine reste toujours de mise. En ce qui concerne le deuxième antiagrégant plaquettaire, deux attitudes sont possibles : prétraitement dès l’admission par du ticagrélor ou traitement par prasugrel uniquement chez les patients qui seront dilatés. Ces changements montrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la cardiologie caractérisée par une diminution spectaculaire de la mortalité dans les syndromes coronaires aigus, par une richesse de l’arsenal thérapeutique et par une meilleure réflexion sur le rapport bénéfice-risque des procédures et des médicaments.  

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