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Cardiopathies congénitales

Publié le 14 juin 2013Lecture 9 min

Les cardiopathies congénitales de l’adulte - Quelle prise en charge ?

P. ATTALI, CHU Strasbourg

Rencontre avec le Pr Patrice Guérin et le Dr Lauriane Le Gloan, responsables de la consultation des patients congénitaux adultes au CHU de Nantes. 

  Cardiologie Pratique - De quelle manière sont organisées les structures hospitalières pour la prise en charge des cardiopathies congénitales complexes de l’adulte ? Patrice Guérin - En France, seules deux structures hospitalières sont dédiées exclusivement à la prise en charge des cardiopathies congénitales complexes de l’adulte (Bordeaux et Paris [HEGP]). Dans la majorité des structures, comme ici à Nantes, les cardiologues spécialisés prennent en charge les patients qui relèvent de leur domaine d’expertise, y compris les patients atteints de cardiopathie congénitale complexe. Par exemple, en tant que cardiologue interventionnel, je prends en charge des patients atteints de cardiopathie congénitale qui relèvent de la cardiologie interventionnelle. Lauriane Le Gloan - Leur prise en charge progresse en France, tant en ce qui concerne le nombre de cardiologues qui s’intéressent à ce domaine, que le nombre de structures compétentes. Dans les unités de cardiologie, nous nous organisons au mieux, en les hospitalisant si besoin, dans les unités de rythmologie ou d’insuffisance cardiaque, selon leur problème essentiel.  Le suivi alterné par le cardiologue « congénitaliste » et le cardiologue « généraliste » semble une bonne idée pour des raisons de proximité pour les patients et pour la formation de tous les participants. Un suivi exclusif par un cardiologue qui n’est pas congénitaliste me semble insuffisant.  Le réseau M3C (Malformations Cardiaques Congénitales Complexes - http://www.carpedem. fr) est important car il oeuvre dans ce sens. Ce réseau, labellisé en 2006, est constitué d’un centre de référence, l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris) en collaboration avec l’Hôpital Européen Georges Pompidou (Paris) et le Centre chirurgical Marie-Lannelongue (Le Plessis-Robinson) et de 20 centres de compétences dont 2 dans les départements et territoires d’outre-mer. Le centre de référence permet d’animer la filière de soins regroupant des cardiologues, des rythmologues, des chirurgiens cardiaques, des anesthésistes-réanimateurs et des spécialistes de la transplantation cardiaque, tous spécialisés dans la prise en charge des cardiopathies congénitales.  Enfin, chaque année en septembre, se tient le congrès de la Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale de la Société Française de Cardiologie. En 2013, ce congrès se tiendra ici, à Nantes.    C.P - Quelle est la typologie des cardiopathies congénitales de l’adulte ? P.G - La majeure partie des patients adultes avec cardiopathie congénitale a été dépistée et prise en charge dans l’enfance. Ces patients sont vus à l’âge adulte en consultation, parfois après de longues années sans suivi médical spécialisé. Les progrès de la chirurgie ont amené à l’âge adulte cette population spécifique qui avant, décédait dans l’enfance. Il y a encore 10 ans, les cardiologues considéraient cette pathologie comme un monde à part et ne se sentaient pas concernés.  Aujourd’hui, nos internes voient arriver en USIC des patients avec cardiopathie congénitale complexe compliquée d’une maladie d’Ebstein qui ne vont pas bien, ou encore d’autres avec une tétralogie de Fallot opérée provoquant des troubles du rythme ventriculaire, etc.  Les jeunes médecins ont compris que ces pathologies faisaient pleinement partie de la cardiologie, et qu’il fallait donc se former, d’autant plus que ce type de patients se rencontre de plus en plus fréquemment. Ces sujets-là, diagnostiqués dans l’enfance, posent le plus de problèmes, encore plus que les patients avec cardiopathie congénitale dépistée à l’âge adulte, comme une communication interauriculaire (CIA) par exemple.    C.P - Restons sur cette première catégorie de patients, la plus fréquente ; que s’est-il passé d’un point de vue médical entre leur prise en charge dans l’enfance et leur « réapparition » à l’âge adulte ? P.G - Beaucoup de ces patients opérés dans l’enfance ont quitté leur cardio-pédiatre : ils n’ont plus de suivi médical parce qu’ils se croient guéris ! Or, certains reviennent en urgence quand ils sont par exemple en arythmie, avec une insuffisance cardiaque, ou avec une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Notre rôle est de redonner à chacun la conscience qu’il n’est pas guéri de sa cardiopathie congénitale : il est certes traité, mais une surveillance spécifique est nécessaire. C’est le message essentiel ! Il y a 20 ans, nous ne pouvions légitimement pas le deviner : les patients atteints par exemple d’une tétralogie de Fallot se considéraient, tout comme d’ailleurs le chirurgien qui les avait opérés, comme guéris. Mais aujourd’hui nous nous rendons compte que les « Fallot » à l’âge adulte peuvent présenter des fuites pulmonaires ou des troubles du rythme ventriculaire, voire faire une mort subite. Leur cardiopathie a été corrigée, mais il persiste des anomalies qui peuvent paraître négligeables. Sur une longue durée (10-20 ans), ces anomalies peuvent aboutir à des complications catastrophiques si nous ne continuons pas à les suivre de façon rigoureuse et experte en indiquant leur timing de suivi. C’est d’ailleurs le sens des dernières recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC) au sujet des différentes cardiopathies.    C.P - Pouvez-vous nous dire un mot sur la prise en charge des cardiopathies congénitales découvertes à l’âge adulte, comme la CIA, qui est la plus fréquente ? P.G - De nombreuses CIA passent inaperçues car elles sont longtemps très bien tolérées, mais certaines peuvent se compliquer d’une HTAP. Il est tout de même possible de fermer une CIA compliquée d’HTAP. C’est une situation grave, assez fréquente, avec souvent une sousestimation de l’HTAP. Plus de 40 % des patients de plus de 40 ans chez qui l’on découvre une CIA ont une HTAP. Le mécanisme physiopathologique de cette HTAP est double, avec une composante vasculaire liée au remaniement des artérioles pulmonaires et une composante hémodynamique liée à l’augmentation du débit du shunt gauche-droite. La fermeture de la CIA diminue l’HTAP et peut améliorer partiellement les symptômes chez 60 à 80 % des patients. Ainsi, dans le cas de CIA vues tardivement, il est important d’explorer les patients (mesure des résistances pulmonaires) en vue de leur proposer une fermeture du shunt. Cette intervention peut être bénéfique même en cas d’HTAP ou d’insuffisance tricuspidienne majeure, y compris chez les patients âgés (amélioration des symptômes).    C.P - Qu’en est-il du traitement médicamenteux des CIA compliquées d’HTAP, et en particulier des cardiopathies congénitales de l’adulte compliquées d’un syndrome d’Eisenmenger ? P.G - Il n’y a pas beaucoup d’études pour des traitements spécifiques dans l’Eisenmenger, qui est la forme la plus sévère de l’HTAP, redoutable complication des cardiopathies congénitales. On parle de syndrome d’Eisenmenger lorsque les pressions pulmonaires sont devenues suprasystémiques et que le shunt cardiaque s’inverse, le sang allant de la droite vers la gauche, provoquant une cyanose.  Aujourd’hui nous disposons d’un traitement spécifique ayant obtenu l’AMM, d’où l’importance d’adresser le patient vers un centre expert.  En fait, ces patients nécessitent beaucoup d’attention pour éviter de graves maladresses. Il ne sert à rien de mettre en route un traitement spécifique de l’HTAP chez un patient avec un syndrome d’Eisenmenger si l’on n’a pas contrôlé son taux d’hémoglobine, si l’on n’a pas prescrit de supplémentation en fer ou si on ne lui a pas expliqué l’importance d’éviter une anesthésie générale à la volée. À titre d’exemple, la mortalité d’une anesthésie générale chez ces patients, quand elle est gérée de façon approximative (par un anesthésiste qui ne connaît pas cette pathologie), est proche de 10 % !   C.P - Quid de la grossesse chez les femmes atteintes d’une cardiopathie congénitale complexe ? L.L.G - Nous donnons un avis sur le risque d’une grossesse, mais ensuite, la décision reste celle de la femme. Cependant, nous déconseillons formellement une grossesse chez les patientes avec un syndrome d’Eisenmenger, une HTAP ou une sténose valvulaire aortique critique. Nous prenons également en considération le contexte familial, pour ne pas mettre en péril la vie de la mère si elle a déjà un enfant. À Nantes, la grossesse est prise en charge conjointement avec une équipe obstétricale qui est spécialisée dans le suivi des grossesses à haut risque et nous nous adaptons au cas par cas. Chez ces jeunes filles, j’aborde toujours très tôt le problème de la grossesse.    C.P - Quelles sont les principales complications des cardiopathies congénitales ? L.L.G - Les deux complications majeures sont les troubles du rythme et l’insuffisance cardiaque. La cardiopathie qui provoque le plus de troubles du rythme ventriculaire est la tétralogie de Fallot. Toute la problématique est de savoir quand il faut proposer un défibrillateur implantable ou une ablation, etc.  Les patients « Mustard et Senning » font beaucoup de troubles du rythme supraventriculaires. Et nous savons qu’ils sont à risque de mort subite, car ils ont un ventricule droit en position systémique avec une conduction auriculo-ventriculaire supranormale, qui peut donc conduire très vite l’influx électrique. Pour les défibrillateurs, en prévention secondaire, l’indication est évidente, mais la prévention primaire reste la grande question. Il n’existe pas de consensus ; ces patients sont plus jeunes que ceux rencontrés en cardiologie générale et avec un plus grand risque de complications mécaniques, de chocs inappropriés : ce sont donc des discussions au cas par cas.    C.P - Et pour l’insuffisance cardiaque ? L.L.G - Dans l’insuffisance cardiaque grave, nous sommes confrontés à la problématique de la transplantation cardiaque. C’est d’autant plus compliqué que ces patients ont déjà été opérés : la transplantation reste donc une option, mais cela devient une autre maladie.  La resynchronisation dans les cardiopathies congénitales est en plein essor et est très étudiée, en particulier par l’équipe bordelaise*. Mais là encore, nous ne disposons pas de critères de décision très solides.    C.P - Quels sont vos messages clés de conclusion pour une prise en charge optimale ? L.L.G - Sans revenir sur la nécessité d’un suivi très régulier, avec des cardiologues bien formés, dans des centres experts ou de compétences, je crois que la règle générale est d’essayer au maximum d’anticiper les problèmes. Il faut également veiller à être le moins agressif possible, en privilégiant une prise en charge au cas par cas, en particulier chez les patients dont l’atteinte cardiaque est sévère. Ce sont généralement des patients très fragiles dont la pathologie peut facilement se décompenser. Cependant, les progrès actuels aussi bien chirurgicaux que thérapeutiques, nous donnent beaucoup d’espoir pour l’avenir.   Propos recueillis par P. ATTALI   * Hôpital Cardiologique du Haut-Lévêque, Pessac.   

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