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Congrès et symposiums

Publié le 14 mar 2013Lecture 9 min

Comment interpréter la troponine T hypersensible ?

C. LAMBERT, Paris


JESFC
L’expérience acquise depuis l’arrivée des dosages de haute sensibilité de la troponine permet aujourd’hui de définir des algorithmes pratiques selon le tableau clinique et les résultats des dosages. La valeur absolue à H0 et la cinétique après une à trois heures constituent les éléments essentiels pour définir la conduite à tenir.  

Avec les dosages hypersensibles de troponine (Tn Hs), les résultats sont désormais exprimés en nanogrammes par litre et non plus en microgrammes, la valeur seuil de 14 ng/l pour la TnT Hs correspondant au 99e percentile d’une population de référence. Alors que le nombre des publications dans la presse médicale internationale a crû de façon exponentielle ces dernières années, une tendance se dégage pour considérer que toute TnT Hs détectable, et donc > 14 ng/l, doit être prise en considération. Christophe Meune (hôpital Avicenne, Bobigny) a précisé la conduite à tenir chez des patients présentant une augmentation modérée et stable de TnT Hs, > 14 ng/l mais < 50 ng/l. Tout d’abord, chez ces sujets nouvellement identifiés (on les considérait comme négatifs avec les troponines conventionnelles), on peut exclure le diagnostic d’infarctus car on sait que dans ce cas les chiffres sont beaucoup plus élevés d’emblée ou la cinétique sera significativement ascendante. On peut également exclure le diagnostic d’angor instable, qui se traduirait par une élévation modérée de la TnT Hs entre le dosage à l’admission (H0) et celui réalisé à la 3e heure (H3). Toutefois, une élévation modérée et stable de Tn Hs ne doit pas être négligée car, même pour un angor chronique stable sans douleur, le pronostic est plus mauvais chez ces patients à moyen terme (> 70 mois) que chez ceux ayant une TnT Hs < 99e percentile. Une augmentation modérée de TnT Hs avec une stabilité des concentrations à la répétition des dosages s’observe aussi fréquemment chez des sujets présentant une pathologie cardiaque qui n’est pas d’origine coronaire : péricardite, insuffisance cardiaque, trouble du rythme, urgence hypertensive, etc. La myocardite est à mettre à part car les taux de TnT Hs sont d’emblée très élevés et progressent encore après l’admission, suivant le même profil que l’IDM.    Dans le cas d’une élévation modérée de Tn Hs, il n’y a pas de raison d’orienter vers un examen invasif lorsque le taux est stable sur 2 dosages espacés de 1 à 3 heures. Les dosages hypersensibles de troponine ne doivent donc pas entraîner la réalisation de coronarographies intempestives, même si, par rapport à une troponine classique, les dosages hypersensibles sont augmentés au-dessus de la valeur seuil chez 18 % de patients en plus. Parmi ceux-ci, 95 % ont des élévations modérées, et chez 80 % d’entre eux, il n’y a pas d’élévation entre H0 et H3. Ces augmentations de TnT Hs ont une valeur pronostique péjorative à moyen terme, mais sans impact significatif à 30 jours. Ces patients peuvent donc être pris en charge en consultation, l’hospitalisation n’étant le plus souvent pas nécessaire. Au total, devant une élévation de TnT Hs, il faut donc prendre en compte les taux initiaux et, surtout, la dynamique d’évolution entre deux dosages.   Reconnaître différents types d’infarctus    Sandrine Charpentier (Toulouse) a rappelé que la Société européenne de cardiologie a défini un algorithme incluant les taux de Tn Hs pour le diagnostic d’IDM (figure). Chez un patient ayant une douleur depuis plus de 6 heures mais présentant une Tn Hs < 14 ng/l (seuil défini pour l’isoforme T), le diagnostic peut être exclu après s’être assuré qu’il s’agit d’un sujet à bas risque : plus de douleur, score GRACE < 140 et diagnostics différentiels graves éliminés. Si la douleur évolue depuis moins de 6 heures, il faut refaire un dosage à la 3e heure. En cas d’augmentation, il faut alors s’orienter vers une stratégie invasive avec coronarographie. Si le dosage à l’arrivée est > 14 ng/l, soit le taux est très élevé (> 50 ng/l pour la TnT Hs) et dans ce cas, on s’oriente d’emblée vers une prise en charge invasive ; soit l’élévation est plus modérée et dans ce cas il faut refaire un dosage à la 3e heure. Cet algorithme de l’ESC pose cependant plusieurs problèmes : il n’intègre pas la probabilité pré-test, et ne précise ni la valeur seuil, ni l’amplitude de la variation entre H0 et H3, qui dépendent de chaque méthode.  La valeur seuil varie en fonction des troponines faute de standardisation entre elles. En outre, ces valeurs sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes, elles dépendent de l’âge et des ATCD, notamment coronariens. Malgré cette diversité, plus le niveau de TnT Hs est élevé, plus la probabilité d’IDM est grande. Mais c’est la variation des taux entre deux dosages qui est l’élément d’orientation diagnostique déterminant. En 2010, Giannitsis et coll. avaient montré qu’une variation de 100 % (doublement) entre H0 et H3 permettait d’avoir une certitude diagnostique d’IDM. On parle maintenant de variations en valeurs absolues, une augmentation > 7 ng/l étant plus significative qu’une variation relative pour le diagnostic d’infarctus sans élévation du segment ST. D’autres propositions d’algorithme sont en cours d’évaluation pour augmenter la spécificité du test afin d’affirmer l’origine coronarienne de la douleur. Ainsi l’équipe de Haaf et coll. (Circulation 2012) proposent pour la troponine T Hs un seuil d’exclusion < 14 ng/l à l’arrivée aux urgences et un seuil d’inclusion dans une pathologie coronaire pour un taux initial > 28 ng/l avec une variation à H1 > 5 ng/l. L’intérêt de la dynamique entre H0 et H1 a été confirmé par une étude de Reichlin et coll. (Arch Intern Med 2012) en montrant qui si le dosage de TnT Hs est < 12 ng/l à H0 et que la variation entre H0 et H1 est < 3 ng, alors le diagnostic d’IDM peut être exclu avec une sensibilité de 100 % (VPN = 100 %). À l’inverse, si la TnT Hs ≥ 52 ng/l à H0 et que ce taux a augmenté de plus de 5 ng à H1, on peut faire le diagnostic d’IDM avec une spécificité de 97 %. Ces critères permettent de classer 77 % des patients même si, entre ces valeurs, il reste une zone grise. Dans un autre travail, Body et coll. ont montré que chez les patients ayant une TnT Hs indétectable à l’admission on pouvait éliminer d’emblée le diagnostic d’IDM. Un autre algorithme a également été proposé par Thiegesen et son équipe : si le patient a un taux de Tn Hs inférieur à la valeur seuil à l’admission, il faut refaire le dosage 3 heures plus tard et si les taux ont augmenté de plus de 50 %, l’origine coronarienne est hautement probable ; si le dosage est au-delà de la valeur seuil à l’entrée, il est refait à la 3e heure et le diagnostic est confirmé si l’augmentation est > 20 % ; si les dosages ne sont pas convaincants mais que le tableau clinique est fortement évocateur, on peut être amené à réaliser un nouveau dosage à la 6e heure. La majorité des études qui ont permis d’élaborer ces algorithmes ont le défaut d’avoir été conduites chez des patients qui avaient une forte probabilité de présenter un IDM, avec des douleurs thoraciques évocatrices. La TnT Hs est en effet augmentée dans d’autres pathologies cardiaques ou extracardiaques. Une de ces circonstances est l’infarctus de type II qui est lié à un déséquilibre entre les besoins myocardiques en oxygène et les apports, et non à une pathologie coronaire.   Des nécroses plus fréquentes que soupçonnées    Meyer Elbaz a proposé quelques cas cliniques pour illustrer de façon concrète les algorithmes décrits par S. Charpentier. Le premier patient, un homme de 84 ans diabétique de type 2 et hypertendu traité, appelle le Samu suite à une douleur thoracique ayant duré une demi-heure. L’ECG montre un sousdécalage de ST en aVR qui fait suspecter une pathologie du tronc commun. La troponine à l’admission est inférieure au seuil fixé. Du fait de la présentation clinique et des signes électriques, un nouveau dosage est effectué 3 heures plus tard, qui s’avère augmenté de plus de 50 %. Il s’agit donc très probablement d’un IDM qui doit être pris rapidement en charge selon une stratégie invasive. Bien que l’âge et l’insuffisance cardiaque puissent élever les taux de troponine chez ce patient, il s’agit d’un sujet à haut risque avec un score de GRACE à 215. On voit ici l’intérêt du dosage de la TnT Hs qui permet de confirmer le diagnostic en 3 heures. Après exposition de plusieurs cas visant à illustrer diverses situations, M. Elbaz a rappelé qu’en pratique la clinique et l’ECG sont fondamentaux et qu’il faut répéter si nécessaire l’enregistrement d’un tracé. Avec le dosage de la TnT Hs, il faut se méfier des petites augmentations de troponine (causes extra-cardiaques). Il faut prendre en compte la cinétique des dosages, même lorsque le premier est négatif, et ne pas négliger la gravité d’un SCA sans surélévation du segment ST, qui a le même pronostic à un an qu’un SCA ST+.  Éric Bonnefoy (hôpital Louis Pradel, Lyon) a rappelé que la troponine est un marqueur de souffrance myocardique, et que l’IDM est une souffrance myocardique parmi d’autres, mais la plus sévère. L’origine d’une élévation au-delà du 99e percentile est nécessairement liée à une des causes suivantes : un IDM de type I, de type II, un traumatisme myocardique sans ischémie ou une autre pathologie ayant un retentissement cardiaque (IC, IR, sepsis, etc.). Les IDM de type I sont en rapport avec une rupture de plaque d’athérome et la constitution d’un thrombus coronaire. Les IDM de type II correspondent à un déséquilibre entre la consommation d’oxygène et les apports. Il faut alors rechercher un trouble des apports en oxygène lié à : anémie, hypoou hyper-TA, hypoxie (ou intoxication CO), trouble du rythme, sepsis, stress important. Les embolies coronariennes sont également classées dans les types II car leur prise en charge est radicalement différente de celle des SCA ST+. Dans les IDM de type II le traitement vise à corriger le déséquilibre entre apport et consommation d’oxygène. Dans cette situation, une augmentation franche de TnT Hs a une valeur pronostique péjorative à moyen et long terme. Autre cas de figure, les lésions myocardiques non ischémiques, comme la contusion du myocarde, la myocardite, certaines intoxications et des agents cardiotoxiques comme les antracyclines. Le diagnostic d’IDM de type II peut être plus difficile, notamment lorsqu’il est en rapport avec une insuffisance cardiaque, rénale, une myocardiopathie de Tako-Tsubo, une embolie pulmonaire, un exercice très intense, une amylose cardiaque ou un AVC.  La dernière catégorie est représentée par les populations présentant une élévation modérée chronique. Là aussi, nous disposons d’un puissant marqueur pronostique sur le moyen et le long terme, comme l’a détaillé C. Meune. Au total, les dosages hypersensibles de troponine montrent que la souffrance cardiaque et la nécrose sont des situations beaucoup plus fréquentes que nous le pensions.   Algorithme diagnostique du SCA non ST+ d’après les recommandations ESC.   Atelier organisé par Roche Diagnostics lors des JESFC 2013  

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